Qui a la main verte ?

Il faudrait 1,5 milliard de dollars sur dix ans pour préserver la forêt d’Afrique centrale et lui redonner des couleurs.

Publié le 14 février 2005 Lecture : 3 minutes.

Huit cent mille hectares de forêt sont détruits chaque année dans le bassin du Congo. Le phénomène n’est pas nouveau, mais il tend à s’amplifier sous la pression conjuguée de la croissance démographique et de l’exploitation forestière. Ce patrimoine naturel exceptionnel de 200 millions d’hectares, situé au coeur du continent, était jusqu’ici relativement protégé en raison d’un certain isolement. À cause aussi de l’instabilité politique qui a dissuadé les investisseurs forestiers. Aujourd’hui, la situation évolue : les coupes sauvages, le commerce illégal et la déforestation (bois de chauffe et culture sur brûlis) sont autant de menaces.
Devant cette situation « inquiétante », selon les scientifiques, que peut-on espérer du deuxième sommet sur la conservation et la gestion durable des écosystèmes forestiers d’Afrique centrale qui s’est tenu à Brazzaville les 4 et 5 février ? Les huit chefs d’État de la région (Congo, RDC, Cameroun, Guinée équatoriale, Gabon, Centrafrique, Tchad, São Tomé e Príncipe) ont signé le traité créant la Commission des forêts d’Afrique centrale. La Comifac compte en tout onze membres avec le Burundi, le Rwanda et l’Angola.
Pour favoriser l’aménagement des forêts, encourager le reboisement et assurer la conservation de la biodiversité végétale et animale, un « plan de convergence » a par ailleurs été adopté. Son coût : environ 1,5 milliard de dollars sur une période de dix ans. Pour l’instant, les engagements financiers de la communauté internationale ont atteint seulement 300 millions de dollars, selon le ministre congolais de l’Économie forestière, Henri Djombo, qui demande une plus forte implication des bailleurs. Omar Bongo Ondimba est revenu aussi sur les promesses faites au Sommet de la Terre à Johannesburg en 2002. « Depuis, nous n’avons rien vu venir », a déclaré le président gabonais avant de se tourner vers Jacques Chirac et d’ajouter : « L’Afrique centrale ne se nourrit pas de paroles, mais d’actes. »
Durant le sommet, le débat a aussi porté sur l’organisation et la moralisation de la filière bois (qui représente entre 5 % et 13 % du PIB des pays de la région) avec notamment les conditions d’attribution et de gestion des zones de coupe. « L’heure n’est plus à l’opacité », ont estimé la plupart des intervenants. De fait, certains pays ont mis en place des mécanismes de contrôle. C’est le cas notamment du Cameroun, mais aussi du Congo où a été mis en place un système pour vérifier la provenance et établir la « traçabilité » des grumes avant qu’elles soient exportées. « Il en va de la crédibilité de notre profession », estime Jean-Jacques Landrot, président d’un syndicat regroupant 300 sociétés, l’Association interafricaine des industries forestières (Ifia) qui représente 80 % de la production du bassin du Congo.
Les dysfonctionnements n’ont pas pour autant disparu. Le Cameroun a engagé des poursuites contre une entreprise accusée « de commerce illégal ». Au Congo, un autre opérateur implanté dans le nord du pays est soupçonné de « coupes abusives », et l’ONG Greenpeace continue de dénoncer des pratiques de corruption. Bon nombre d’observateurs attirent aussi l’attention sur « l’arrivée massive de Chinois, dont le pays est devenu le premier marché mondial pour le bois, qui ne respectent pas les règles de bonne gouvernance ».
Autre difficulté : la mise en valeur des aires protégées dont la superficie est estimée à 15 % du territoire. Il s’agit la plupart du temps de parcs naturels, mais les coûts de fonctionnement très élevés freinent leur extension malgré le développement de l’écotourisme. Sans aide étrangère, les États n’ont pas les moyens de les entretenir et de les surveiller. Pour l’instant, seul le Gabon semble avoir réussi dans cette voie, mais avec le soutien d’ONG, comme le Fonds mondial pour la nature (WWF) et la Société de conservation de la nature (WCS).

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