RD Congo : Carlo Lekea, développeur-pionnier

Carlo Lekea est le développeur de la première application mobile réalisée en RD Congo. À 22 ans, ce jeune homme ambitieux entend bien en développer de nombreuses autres, en dépit de toutes les difficultés pratiques et réticences.    

Carlo Lekea a créé la start-up Idea IT & Conception © Martine Van Der Belen/IDEA

Carlo Lekea a créé la start-up Idea IT & Conception © Martine Van Der Belen/IDEA

Publié le 9 avril 2014 Lecture : 4 minutes.

À 22 ans, Carlo Lekea, un jeune Kinois toujours élégamment vêtu, vient de créer la première application mobile développée en République démocratique du Congo. Cette application – aux prétentions bien modestes – permet aux lecteurs d’Impact, un magazine produit par le bureau local de la coopération française, d’accéder au contenu du journal sur leurs téléphones mobiles. Mais pour Lekea, cette réussite n’est qu’un tremplin vers des réalisations bien plus ambitieuses : « J’ai beaucoup d’autres projets que je ‘pitche’ aux clients. Je veux que mes applications aient une portée internationale, et pas seulement locale ».

Parcours

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« Les programmeurs ici ont trop peu d’expérience et n’ont pas suffisamment accès à des ordinateurs de qualité, regrette Carlo Lekea.

Le jeune développeur, qui s’est initié aux technologies de l’information et de la communication en autodidacte à Bologne (Italie) où il a vécu de son plus jeune âge à son retour en Afrique en 2011, raconte que son modèle est Steve Jobs, le défunt co-fondateur d’Apple.

« Je me suis dit que je voulais être comme lui. À cette époque, j’étais plus intéressé par le matériel informatique. Je voulais comprendre comment cela fonctionnait, ouvrir les ordinateurs et observer les différentes composantes, comprendre leurs fonctions. C’est plus tard que je me suis intéressé aux logiciels. J’ai commencé par créer un site web pour une équipe locale de football de Bologne ».

S’étant d’abord rendu à Brazzaville en République du Congo, le jeune développeur a ensuite traversé le fleuve pour s’installer à Kinshasa il y a deux ans, où il a commencé à travailler pour la compagnie de télécommunication Tigo, mais admet s’être senti frustré par la politique interne du groupe qui bloquait ses efforts pour développer une application. Carlo Lekea a donc décidé de démissionner et de créer sa propre entreprise, baptisée « Idea IT & Conception ».

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Il déplore le niveau de la programmation informatique en RDC qui, selon lui, est encore très insuffisant. « Les programmeurs ici ont trop peu d’expérience. Ils n’ont pas étudié à un niveau suffisamment élevé et n’ont pas suffisamennt accès à des ordinateurs de qualité, regrette-t-il. Je rencontre régulièrement des programmeurs diplômés dans les TIC des institutions congolaises, mais quand je leur parle, je me rends compte que beaucoup de choses manquent ici, notamment en matière de technologie de pointe. « 

Ambitions

En attendant, Lekea est à la recherche de son prochain projet en RDC : « Nous Congolais, nous aimons parler, donc les chats et autres médias sociaux sont très porteurs, insiste-t-il. À mesure que la pénétration des smartphones se développe, ce marché ne peut que s’agrandir. L’astuce est de concevoir une application qui s’inspire des médias sociaux, mais à la congolaise. J’ai beaucoup d’idées. »

Selon lui, le principal obstacle auquel sont confrontés les développeurs congolais provient du faible taux de pénétration d’Internet.

En effet, seuls 200 000 Congolais ont accès à Internet fiable via un ordinateur personnel ou un smartphone (sur une population de 65 millions d’habitants). Le reste de la population doit se rendre régulièrement dans les cyber-cafés.

« Ici, à Kinshasa et dans tout le pays, nous avons des pénuries d’électricité constantes qui n’aident pas. Et un bon abonnement à internet coûte environ 100 dollars par mois, ce qui est représente le salaire – sinon plus – de la plupart des gens », explique t-il.

La téléphonie mobile et l’accès à internet représentent de forts potentiels de croissance en RDC. Environ 35% des congolais ont des téléphones mobiles, tandis que seulement 2,3% de la population a accès à Internet, selon un rapport de 2013 de la compagnie BuddeComm spécialisée dans la recherche sur les télécommunications.

L’astuce est de concevoir une application qui s’inspire des médias sociaux, mais à la congolaise

L’accès à Internet devrait progresser en 2014, puisque la RDC a terminé le raccordement du pays au câble sous-marin à fibre optique WACS en 2013. Cette nouvelle donne permettra le lancement de services de téléchargement moins chers et plus rapides.

Obstacles et résistances

Les autorités congolaises n’ont pas encore manifesté beaucoup d’intérêt pour les applications « Made in RDC » et Lekea n’a pour le moment pas connu de contraintes politiques sur ses efforts.

Le problème, dit-il, vient plus de la menace que les nouvelles technologies posent aux bureaucrates souhaitant protéger leurs rentes : « Moi et plusieurs autres développeurs avons proposé des solutions technologiques permettant de numériser les archives de plusieurs organismes d’État et faciliter l’accès du public à leurs services, mais ils s’y opposent. Ils ne veulent pas que cet accès soit rendu plus commode. Car si tel était le cas, ils ne seraient pas en mesure de percevoir les honoraires qu’ils reçoivent pour la recherche de documents. »

Article publié originellement sur le site de The Africa Report.

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