Pour ceux qui ne peuvent pas s’en passer

Des terminaux qui tiennent dans la main, une couverture planétaire, un marché stable, des tarifs attractifs… La mobilité en toutes occasions est la solution de communication idéale pour certaines professions.

Publié le 14 février 2005 Lecture : 6 minutes.

A la fin des années 1990, on ne parlait que de cela : le IIIe millénaire serait celui des réseaux multimédias par satellite. Depuis n’importe quel point de la planète il serait possible de communiquer avec le monde entier. Surtout, on allait enfin s’affranchir des contraintes techniques et financières liées au déploiement des réseaux terrestres traditionnels comme le GSM ou le câble de téléphone. Des contraintes qui rendaient impossible l’intégration de nombreux pays à la société de l’information. L’Afrique avait donc toutes les raisons de souhaiter le succès de ces entreprises. Des centaines d’engins spatiaux allaient être construits, puis mis sur orbite, qui créeraient un véritable maillage du ciel, à tel point qu’aucune région du monde n’échapperait aux signaux électroniques qu’ils délivreraient…
Après tant d’emphase et l’éclatement de la bulle spéculative liée aux valeurs boursières de haute technologie, le domaine a connu une phase de restructuration qui a eu le mérite de faire le tri. Seules restent en course des entreprises financièrement saines. La pérennité des opérateurs constituant un critère fondamental dans le choix des consommateurs, c’était bien le minimum. Il faudra ensuite remiser les ambitions multimédias universalistes pour se concentrer sur le coeur de métier du satellite, les télécommunications. Une mission que James Rhode, porte-parole d’Iridium Satellite, définit avec pragmatisme : « Fournir des connexions téléphoniques pour le transport de la voix et des données [NDLR : données légères, comme des petits fichiers textes], là où les connexions terrestres et les réseaux cellulaires sont inexistants, peu performants ou sous-dimensionnés. » Ni plus ni moins.
Stabilisé, structuré autour d’une poignée d’acteurs, le marché du portable par satellite évolue désormais dans un environnement concurrentiel. Ténors du secteur, Intelsat, Iridium et Thuraya se différencient par l’étendue de leur couverture : mondiale pour Intelsat et Iridium, régionale pour Thuraya qui recouvre la quasi-totalité de l’Afrique et de l’Europe, la Russie orientale et le sous-continent indien. Le tour d’horizon ne serait pas complet sans évoquer Globalstar. L’offre africaine de l’opérateur est, certes, marginale puisqu’elle ne concerne que le Maghreb… mais la donne pourrait changer. Selon Peter Bacon, directeur marketing de Globalstar Europe Satellite Services, le groupe aurait en effet des projets pour étendre le service « au reste de l’Afrique ». Stratégie marketing oblige, on n’en saura pas plus…
Si la couverture du réseau est un critère important, il n’est pas le seul. Corinne Renault, responsable de la commercialisation pour l’Afrique chez le distributeur Geolink, note par exemple que la liberté de mouvement autorisée par le terminal est un argument qui fait mouche auprès des utilisateurs. Iridium et Thuraya l’ont bien compris. Haut de 16 cm (antenne repliée), le Motorola 9505a (Iridium) ne pèse que 375 grammes. Thuraya fait encore plus fort avec l’Ascom 21 et le Hughes 7101 qui ne dépassent pas 220 g, pour une hauteur de 17 cm (antenne repliée). Ces caractéristiques, qui rappellent celles des téléphones GSM de première génération, constituent bien évidemment un argument marketing de premier plan : communiquer à l’échelle planétaire par le biais du satellite au moyen d’un portable qui tient dans la main, voilà une image forte. Ce dont ne peuvent se prévaloir les terminaux Mini-M d’Inmarsat : de la taille d’un PC portable, le CapSat de Thrane & Thrane pèse 2,2 kg, alors que le Worldphone de Nera affiche 2,4 kg. Le gain en autonomie (voir tableau) compense à peine l’excès de poids…
Mais l’argument de l’encombrement est-il recevable ? Exemple : le réseau Inmarsat repose sur des satellites géostationnaires (immobiles par rapport à la Terre) alors que celui d’Iridium est constitué de satellites défilants (en mouvement). Par conséquent, le risque d’une rupture de communication est théoriquement moindre sur le réseau Inmarsat… L’utilisateur attentif objectera que le réseau de Thuraya – et ses « vrais » portables – utilise, lui aussi, un satellite géostationnaire. Ce à quoi on pourra répondre que, contrairement à Inmarsat, la couverture de Thuraya n’est pas mondiale… Finalement, on le voit, l’encombrement n’est pas un critère d’une pertinence absolue. En réalité, l’utilisation que l’on prévoit de faire de l’appareil primera toujours ses mensurations. « Certains utilisateurs ont d’ailleurs plusieurs modèles, un Inmarsat et un Thuraya ou un Iridium, indique Florian Lefèvre, chargé du marketing chez le distributeur e-sat. L’Inmarsat fait office de téléphone fixe, et le Thuraya ou l’Inmarsat sert de portable pour les déplacements sur le terrain. »
Conçus avant tout pour téléphoner, il n’est pas étonnant que les trois services offrent des performances proches les unes des autres. Chez e-sat, on a par exemple mesuré un temps moyen de connexion au réseau de cinq secondes pour Thuraya, sept secondes pour Mini-M Inmarsat et dix secondes pour Iridium. Il s’agit du temps que le portable consacre à localiser le satellite. D’autres distributeurs évoquent cependant des délais moyens de trente secondes. On ne trouve pas plus de consensus concernant la qualité des communications vocales, globalement proche de celle du GSM. Et si, sur le papier (voir tableau), Thuraya prend la tête devant Inmarsat et Iridium, chaque distributeur a sa petite idée sur ce classement… Les divergences dans les estimations ne doivent pas surprendre : elles proviennent des aléas inhérents aux systèmes de transmission par satellite. Tout peut changer selon que le temps est dégagé ou orageux, qu’on se trouve en montagne ou en plaine, qu’on téléphone depuis le centre de la zone de couverture ou depuis la périphérie, que le réseau est en surcharge ou non… Côté données, Thuraya propose un taux de transfert (9,6 kilo-bits/s) quatre fois plus élevé que celui d’Iridium ou du Mini-M Inmarsat. Difficile, toutefois, d’en faire un critère de choix décisif. Ce débit ne permet pas le transfert de gros fichiers. Quant à accéder à Internet à cette vitesse… c’est possible, au risque d’y passer tout son forfait.
Comment, dans ce cas, faire son choix ? On pourrait procéder par défaut. Mais, là encore, les trois systèmes présentent le même inconvénient majeur : les portables ne fonctionnent pas à l’intérieur des bâtiments. Quel que soit l’opérateur, pour téléphoner, il faut sortir ou monter sur le toit. Restent les fonctionnalités supplémentaires. Si Thuraya, Iridium et Mini-M Inmarsat proposent un service de messagerie et, sur le portable, un indicateur de force de signal, Mini-M Inmarsat est le seul à permettre le double appel, le signal d’appel, l’envoi/réception de fax. Impossible, en revanche, d’envoyer ou de recevoir des SMS… ce qu’Iridium et Thuraya autorisent. On notera que Thuraya est le seul des trois opérateurs à proposer l’accès WAP, la localisation GPS (une fonction très utile pour les utilisateurs en zones isolées) et, surtout, l’option GSM. Ses portables sont en effet bi-mode. Il suffit de sélectionner l’option ad hoc dans le menu et le passage du réseau satellite au réseau GSM devient automatique. On peut aussi manuellement remplacer la carte SIM Thuraya par la carte SIM d’un opérateur GSM. L’intérêt du bi-mode est réel, mais ne concerne pas tous les utilisateurs. « Le satellite étant par définition utilisé dans les zones où le GSM ne fonctionne pas, cette option intéressera moins les résidents africains que les ONG, les journalistes ou les hommes d’affaires qui se déplacent continuellement », observe Florian Lefèvre.
Reste le paramètre financier. Pour ce qui est des terminaux, Thuraya est le plus avantageux avec le Hughes 7101 à 750 euros HT. Suit Iridium : 1 400 euros HT pour le Motorola 9505a. Mini-M Inmarsat ferme la marche puisqu’il faut débourser autour de 3 000 euros HT pour s’offrir le Capsat 3060A ou le Worldphone Nera. Ces tarifs destinent Thuraya et Iridium à une utilisation personnelle et Inmarsat Mini-M à un usage plutôt professionnel. Quel que soit le portable, il faut ajouter entre 50 et 100 euros HT de frais de mise en service et, la plupart du temps, un abonnement mensuel de 20 à 30 euros HT. Les communications sont facturées de diverses façons : formule au mois (exemple : 122 euros HT pour 75 minutes de communication), à l’année (500 euros HT pour 500 minutes), cartes prépayées, etc. Le coût moyen de la minute de communication tourne autour de 1,15 euro HT. Mais ce tarif peut varier selon le lieu de l’appel et sa destination (vers un abonné du même réseau, vers un téléphone fixe, vers un GSM…). On ne saurait trop encourager le consommateur à faire preuve de perspicacité : définir précisément ses besoins et ses ressources et, surtout, faire le tour des distributeurs et détailler par le menu les offres disponibles et les tarifs pratiqués. Ce petit exercice révèle d’intéressantes surprises, comme le Pack Afrique Iridium. Vendu 2 000 euros HT, il comprend 1 500 minutes de communication plus l’appareil. Celui-ci, sur la base d’une tarification moyenne de 1,15 euro par minute, ne coûte alors plus que 275 euros…

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