RDC : Félix Tshisekedi met fin à la coalition avec Joseph Kabila
Le président congolais a annoncé la nomination d’un « informateur » chargé d’identifier une nouvelle majorité afin de mettre fin aux blocages entre sa coalition et celle de son prédécesseur, Joseph Kabila.
Fin du suspense. Félix Tshisekedi a livré ce dimanche 6 décembre un discours très attendu dans lequel il a dévoilé les conclusions des consultations politiques qu’il a menées avec l’objectif de sortir de la crise politique provoquée par les tensions qui l’opposent depuis près de deux ans à son partenaire de coalition, le Front commun pour le Congo (FCC) de Joseph Kabila.
« Rejet de la coalition »
Après une longue énumération des points de convergence qui ont émergé au cours de ces trois semaines de consultations, qui se sont déroulées du 2-25 novembre, qu’il s’agisse de la lutte contre l’impunité, l’insécurité et la corruption, de la nécessité de réformes électorales ou encore de la perspective d’un recensement national, Félix Tshisekedi a dressé le constat d’échec de la coalition au pouvoir.
« Ces consultations ont également mis en évidence le rejet de la coalition », a-t-il relevé. « Le gouvernement de coalition FCC-Cach (Cap pour le changement, la coalition de Tshisekedi, ndlr) n’a pas permis de mettre en œuvre le programme pour lequel vous m’avez porté à la magistrature suprême ».
Pour remédier à ces blocages, Tshisekedi, qui a expliqué ne pas souhaiter se « résoudre au statu quo », a annoncé la nomination d’un « informateur », chargé d’identifier une nouvelle majorité qui sera plus favorable au président congolais. Cette option, inscrite dans la Constitution, n’avait pas été utilisée au début de son mandat, en janvier 2019.
Katumbi et Bemba évoqués
Pour occuper ce poste, plusieurs noms sont évoqués dans l’entourage de Félix Tshisekedi, dont ceux des opposants Moïse Katumbi et Jean-Pierre Bemba. Deux options jugées « très crédibles » par un proche conseiller du chef de l’État, qui s’est confié à Jeune Afrique. Deux autres personnalités sont également citées : le sénateur FCC Modeste Bahati Lukwebo et le premier vice-président du Sénat Samy Badibanga.
En optant pour la nomination d’un informateur, Tshisekedi mise donc sur la constitution d’une nouvelle majorité qui ne pourra se constituer qu’avec le ralliement de forces politiques de tous les bords, afin d’étoffer le petit contingent d’une cinquantaine de députés – sur les 500 que compte l’Assemblée nationale – dont il dispose actuellement à travers sa coalition Cach.
Deux des quatre leaders de la coalition d’opposition Lamuka, Moïse Katumbi et Jean-Pierre Bemba, ont accepté de participer aux consultations, laissant ainsi la porte ouverte à un éventuel ralliement au camp présidentiel. À eux deux, ces deux poids lourds de la politique congolaise réunissent près d’une centaine de députés.
Une majorité introuvable ?
#RDC: "Par Union Sacrée, j’entends une nouvelle conception de la gouvernance basée sur les résultats dans l’intérêt supérieur de la Nation. Il s’agit d’adhérer aux principes, valeurs et cadre programmatique dont je viens de fixer ici les grandes lignes.", Félix Tshisekedi
— Stanis Bujakera Tshiamala (@StanysBujakera) December 6, 2020
Félix Tshisekedi compte aussi sur le ralliement de Modeste Bahati Lukwebo, sénateur FCC et chef de file de l’Alliance des forces démocratiques du Congo et alliés (AFDC-A), deuxième force politique de la coalition de Joseph Kabila. Rejeté par une partie du FCC depuis sa candidature concurrente à celle d’Alexis Thambwe Mwamba pour la présidence du Sénat, en juillet 2019, Bahati a été confirmé comme unique chef de son parti par le tribunal de grande instance de La Gombe, le 23 novembre.
Mais même avec l’agrégation de ces différentes forces, l’informateur que Tshisekedi désignera devra trouver d’autres soutiens et, vraisemblablement, miser sur le débauchage de nombreux membres du FCC. « La coalition n’existe plus, aujourd’hui nous sommes entrés dans l’Union sacrée », martelait, optimiste, un proche conseiller du chef de l’État à la veille du discours.
Selon l’article 78 de la Constitution congolaise, « la mission d’information est de trente jours, renouvelable une seule fois ».
Dissolution
En cas d’échec de l’informateur, Félix Tshisekedi pourrait-il dissoudre l’Assemblée nationale ? Le président congolais a laissé la porte ouverte à cette option, considérée jusqu’ici comme « la solution de dernier recours » par l’entourage du chef de l’État.
« Fort de ce que les raisons de dissolution sont réunies en ce qu’il existe effectivement une crise persistante, cristallisée notamment par le refus du Parlement de soutenir certaines initiatives du gouvernement, comme ce fut le cas lors de la prestation de serment des membres de la Cour Constitutionnelle, j’userai des prérogatives constitutionnelles qui me sont reconnues, pour revenir vers vous, peuple souverain, et vous demander cette majorité », a assuré le président congolais.
Si dissolution il y avait, la Commission électorale nationale indépendante, dont le nouveau bureau n’a pas encore été élu, aurait la charge de convoquer les électeurs dans les soixante jours suivant la date de publication de l’ordonnance de dissolution.
Le bras de fer a en tout cas déjà débuté au sein de l’Assemblée nationale. Plusieurs députés du Cach, du Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, et des partis politiques affiliés à Moïse Katumbi ont, avec quelques députés du FCC, déposé six pétitions, samedi 5 décembre, réclamant la déchéance des membres du bureau de la chambre basse, présidée par Jeanine Mabunda (FCC). Parallèlement à cette démarche, 312 députés du FCC ont, de leur côté, signé une motion de soutien au bureau de l’Assemblée nationale.
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