Littérature jeunesse : les héroïnes africaines à l’honneur
De récentes parutions jeune public, « Les Lumineuses » de Laura Nsafou et « Capitaine Eva » de Marie-Alix de Putter, réinventent les narrations en version audio ou imprimée. Et valorisent les personnages féminins africains.
Les petites filles sont à l’honneur de deux nouvelles publications de littérature jeunesse. La première, Les Lumineuses, est signée Laura Nsafou et vient de paraître chez Lunii, maison d’édition audio pour jeune public. Cet album sonore, composé de douze histoires (environ 10 minutes chacune), s’accompagne du livre illustré Fadya et le chant de la rivière, le récit d’une fillette issue d’une lignée de femmes nomades et puissantes dotées de pouvoirs magiques.
« La déesse de la rivière est inspirée de Mami Wata, une divinité aquatique que l’on retrouve un peu partout dans la mythologie ouest-africaine, glisse l’autrice afro-féministe qui a puisé ses références dans l’imaginaire cosmogonique de l’Afrique francophone. Ce terreau est moins exploité dans la littérature française que dans les textes anglo-saxons où l’on retrouve des figures emblématiques comme Oshun et Orisha ».
Patrimoine culturel africain
L’autrice a adapté son vocabulaire aux plus petits (à partir de cinq ans), en ayant recours à des personnages comme l’esprit du sable ou du vent, mais tenait à nommer les objets renvoyant au patrimoine culturel africain. On entendra ainsi parler du kunda, cet instrument rare originaire du Congo, puis d’une cloche pour mieux guider la compréhension des enfants de la diaspora. La démarche se veut pédagogique. Le livre s’accompagne d’une carte de l’Afrique de l’Ouest enrichie de pictogrammes représentant les objets emblématiques du Mali, de la Mauritanie ou encore de la Guinée.
Chaque aventure est campée dans un pays et non dans une Afrique « reprenant l’imaginaire colonial comme c’est bien trop souvent le cas dans la littérature jeunesse », regrette l’écrivain. Les Lumineuses invitent toutefois au voyage. Un voyage rendu possible grâce aux au soin apporté à l’illustration (signée Amélie-Anne Calmo) et à l’habillage sonore des aventures audio. Les enfants plongent dans une forêt, se laissent conduire par le chant de la rivière ou le souffle du vent. Un format évidemment adapté à la tradition du conte africain.
Je voulais m’éloigner du stéréotype de la mama dont on ne voit jamais le visage de résilience dans les histoires
Déjà connue pour son travail sur la représentation des petites filles afro-descendantes avec son ouvrage Comme un million de papillons noirs vendu à plus de 10 000 exemplaires (Cambourakis Jeunesse, 2018), Laura Nsafou continue de s’appliquer à valoriser les personnages féminins africains. Cette fois-ci, à travers un prisme inter-générationnel. Parmi les protagonistes, on retrouve Mira, la mamie et cheffe des Lumineuses ou encore Aïssa, la maman de la petite Fadya.
« Je voulais montrer que toutes les générations ont leur mot à dire, tout en m’éloignant du stéréotype de la mama dont on ne voit jamais le visage de résilience dans les histoires, estime Laura Nsafou. Sa petite héroïne est quant à elle pleine de ressources et voudra marcher dans les pas de ses aînées, modèles d’émancipation. « Ces femmes sont autonomes. Géographiquement d’abord, puisqu’elles sont nomades. Mais aussi culturellement, car elles ne dépendent pas d’un système patriarcal ».
Émancipation par le sport
Inventer des narrations où les modèles de société ne seraient pas déterminés par le genre, c’est aussi l’ambition de Marie-Alix de Putter qui signe Capitaine Eva. Ce récit imaginé pour Planète J’aime Lire des éditions Bayard Afrique (numéro 54, janvier 2021 disponible partout via Afrikrea) raconte l’histoire d’une fillette qui rêve de devenir la capitaine de l’équipe de foot des Lionnes indomptables, en référence à l’équipe nationale du Cameroun.
« Les cours de récréation sont très représentatives du système dans lequel on vit, relève l’autrice de Aime ma fille, aime – un roman sur la résilience adressé à sa fille publié aux éditions Ampelos en 2019. Le terrain de foot est situé en plein milieu de l’aire de jeu. Les garçons occupent le centre et les filles rasent les murs », résume la supportrice des Lions ayant grandi au Cameroun.
Avec Capitaine Eva, Marie-Alix de Putter replace ainsi son héroïne au cœur de l’espace. L’émancipation par le sport lui semblait être la voie idéale pour s’emparer des questions d’égalité femmes-hommes, auxquelles les enfants doivent être sensibilisés dès leur plus jeune âge. « L’histoire évoque la notion de persévérance, cette capacité à dépasser les conditions et les assignations de genre, résume Marie-Alix de Putter. Eva ne se pose pas la question de savoir si elle a le droit ou non de s’emparer du ballon. Elle le fait », revendique l’initiatrice du défi de lecture My reading challenge 54. Un projet visant à encourager la découverte et la lecture d’autrices des 54 pays d’Afrique.
Cette histoire s’inscrit dans la continuité du travail mené par la militante qui encourage aussi les garçons à la lire. Pour elle, les perceptions ne pourront pas changer sans eux. La question de la juste représentation passe aussi par la diversité des personnages féminins illustrés par Samuel Koffi. Variété des coiffures et tonalités de couleurs de peaux…. Pour l’autrice, la valorisation des héroïnes passe aussi par leurs différences et spécificités.
Les Lumineuses de Laura Nsafou, 12 histoires, 1h56 : 10,90€
Fadya et le chant de la rivière de Laura Nsafou, 40p, 18,90€
Combo album audio + livre illustré : 24,90€
Planète j’aime lire num 54, janvier 2021, Capitaine Eva de Marie-Alix de Putter, 52p, 16,20€
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