Covid-19 : une « deuxième vague » sous haute surveillance en Afrique
Très violente dans le nord du continent, la nouvelle vague de contamination du coronavirus frappe les pays africains de façon irrégulière. Si le nombre de morts reste faible, les médecins appellent à la vigilance et déplorent un respect de plus en plus aléatoire des mesures de précautions.
La courbe de l’évolution du nombre de malades du Covid-19 en Afrique est limpide et ne laisse pas de place au doute. Après un pic très net entre le début du mois de juillet et le milieu du mois d’août, au cours duquel on enregistrait jusqu’à 20 000 nouveaux cas de contamination par jour, la circulation du virus a très nettement ralenti en septembre. Début octobre, la courbe s’est malheureusement inversée et flirte depuis plusieurs semaines avec les 15 000 nouveaux cas par jour.
Le Maghreb en première ligne
Pour l’Organisation mondiale de la santé, aucun doute : la « deuxième vague » tant redoutée – et qui a durement frappé en Europe – est là, même si elle se concentre sur le nombre limité de régions. 80 % des nouveaux cas seraient en effet enregistrés dans 19 pays seulement, la situation la plus dramatique étant sans conteste celle du Maghreb, et dans une moindre mesure de la Libye.
Longtemps stables à un faible niveau de malades, Maroc et Tunisie voient depuis octobre leurs statistiques s’envoler et le nombre de décès s’élever à des niveaux préoccupants. Même constat pour l’Algérie, où le nouveau pic est bien plus élevé que celui observé en juillet, à plus de 1 000 nouveaux malades par jour.
Au Mali, où le président Bah N’Daw martèle à ses concitoyens que « les nouvelles ne sont pas bonnes », on observe des pics à plus de 120 cas par jour mais encore peu de décès. La Mauritanie voisine enregistre aussi une évolution inquiétante tandis qu’à l’Est, Kenya, Éthiopie, Soudan et Ouganda (qui a longtemps fait partie du club très fermé des « pays à zéro mort ») voient leurs courbes s’envoler.
Plus au Sud, le Mozambique, le Botswana, l’Angola et le Zimbabwe sont aussi frappés par la « vague », mais à des niveaux relativement plus faibles. De quoi s’interroger sur l’évolution de la pandémie dans le pays le plus touché du continent : l’Afrique du Sud. Avec plus de 50 000 cas actifs (loin devant le Maroc, la Tunisie, l’Ethiopie, l’Algérie ou la Libye), le pays reste en alerte et le président Cyril Ramaphosa prend régulièrement la parole pour souligner la dégradation dans la région du Cap et appeler ses concitoyens à ne pas se relâcher en vue des fêtes de fin d’année, synonymes de déplacements et de rassemblements propices à la contamination.
Comme les autres « gros » pays de la première vague (Égypte, Nigeria, Ghana), toutefois, l’Afrique du Sud n’enregistre pas de réelle flambée et, surtout, le taux de létalité du virus y reste très faible.
Il n’y a pas de raison de penser qu’en Afrique le virus a moins circulé qu’ailleurs, simplement, il a fait moins de morts
« On est probablement déjà dans la deuxième vague, notamment du fait des circulations de personnes entre l’Europe et l’Afrique, synthétise le Dr Dorian Job, responsable Afrique de l’Ouest pour Médecins sans frontières, basé à Dakar. Mais du fait de facteurs de vulnérabilité moins importants, cette deuxième vague, si elle a lieu, pourrait passer plus inaperçue qu’ailleurs. Il n’y a pas de raison de penser qu’en Afrique le virus a moins circulé qu’ailleurs, simplement, il a fait moins de morts. »
Nécessaire adaptation
Pour le Dr Job, il semble d’ailleurs déraisonnable de concentrer tant de ressources médicales sur le Covid, au détriment de toutes les autres pathologies qui frappent le continent : « Les instances dirigeantes internationales comme l’OMS, probablement influencées par le vent de panique en Europe, ont imposé une approche uniforme et globale, qui s’avère disproportionnée et mal adaptée dans la majeure partie du monde, comme par exemple dans certains pays africains. On estime que le Covid-19 représente 0,3 % de la mortalité en Afrique, quand le paludisme est dix fois plus létal. Je ne dis pas qu’il ne faut pas prioriser la réponse contre le Covid, mais il faut l’adapter en fonction des réalités et autres priorités de chaque pays. »
Comme leur confrère, beaucoup de soignants appellent à la vigilance mais tiennent à relativiser la gravité de la « deuxième vague ». « Tout le monde reste prudent et nous voudrions voir passer tout un cycle, c’est-à-dire une année entière, admet le médecin burkinabè Moumouni Kinda. Mais à ce jour, le nombre de cas n’augmente pas significativement. »
Même constat en République du Congo où la biologiste Francine Ntoumi, membre du comité d’experts qui conseille le Comité national de riposte au Covid, constate « un frémissement, mais pas vraiment une hausse significative même s’il est vrai qu’après la chute spectaculaire de septembre/octobre, la courbe se redresse. »
Cause climatique ou comportementale ?
Pour expliquer le phénomène, certains avancent l’hypothèse climatique : le temps se refroidit dans certaines régions du continent, peut-être est-ce propice à la propagation du virus ?
Sur les moyens de se protéger du virus, nous avons fait peu de progrès
Une idée qui est loin de faire l’unanimité, mais que le Dr Dorian Job analyse ainsi : « Plus que le froid lui-même, il faut observer les facteurs qui en découlent : les personnes passent plus de temps à l’intérieur, fenêtres fermées, ce qui ne favorise pas la circulation de l’air. Par contre, les hypothèses selon lesquelles le froid favoriserait les contaminations ne sont pas encore prouvées. »
Scientifiques et politiques se rejoignent quand même sur un point : on observe au sein des populations un relâchement généralisé et un respect de plus en plus aléatoire des mesures barrières visant à freiner la propagation du Covid. Un relâchement « peut-être lié au fait qu’il y a beaucoup de cas asymptomatiques ou avec des symptômes légers », estime Francine Ntoumi, qui met en avant d’autres facteurs explicatifs comme la reprise des voyages, la réouverture des frontières y compris à des personnes arrivant de pays à risque, la reprise des réunions…
« Notre connaissance du virus a énormément progressé depuis le début de l’année, conclut la biologiste. Il est traqué, séquencé, analysé… Mais sur les moyens de s’en protéger, nous avons fait peu de progrès. Les moyens les plus sûrs restent les plus basiques : masque, distanciation… et bien sûr la vaccination, quand elle sera possible. »
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