Hilary Benn

Secrétaire d’État britannique au Développement international

Publié le 15 février 2005 Lecture : 3 minutes.

Jeune Afrique/l’intelligent : La Grande-Bretagne s’exprime beaucoup sur le développement de l’Afrique depuis quelques mois…
Hilary Benn : Nous nous exprimons sur le développement depuis bien plus que six mois. Mais il est vrai que la présidence du G8, que nous assumons en même temps que celle de l’Union européenne [UE], est l’occasion de se faire entendre. Tony Blair en a profité pour mettre en place une Commission pour l’Afrique et proposer la Facilité financière internationale [IFF], puis une remise de dette multilatérale à hauteur de 10 %.
J.A.I. : Cet activisme répond-il à une préoccupation majeure de vos concitoyens, quelques mois avant les élections générales ?
H.B. : Certains électeurs considèrent en effet que le développement est une question très importante. Mais ce n’est pas de l’électoralisme de la part de Tony Blair. Les gens et les gouvernements sont de plus en plus conscients de l’interdépendance des sociétés. Ils savent qu’il faut combattre l’injustice dans le monde pour répondre à des considérations morales et pratiques.
J.A.I. : Pratiques ? Que voulez-vous dire par là ?
H.B. : Nous n’aurons pas un monde libre et sûr tant que nous n’aurons pas réglé les problèmes de développement. Regardez le nombre de guerres dues à la pauvreté…
J.A.I. : Cet intérêt pour le développement n’est-il pas un moyen de faire baisser les tensions entre la France et la Grande-Bretagne nées de la guerre en Irak ?
H.B. : Ce n’est certainement pas la guerre en Irak qui nous a incités à doubler notre aide publique au développement [APD] depuis 1997, ni à la tripler d’ici à 2015.
J.A.I. : Quelles sont les différences d’approche entre Français et Britanniques sur l’aide au développement ?
H.B. : Il en existe, mais la plupart de nos analyses convergent. L’IFF, par exemple, a été soutenue par la France. En revanche, nous avons une conception différente de l’aide budgétaire. La Grande-Bretagne propose de plus en plus cette solution, là où les conditions sont réunies et la confiance est suffisante.
J.A.I. : La France attend, en retour de son appui à l’IFF, que vous souteniez sa proposition de taxation internationale…
H.B. : Le communiqué de la réunion des ministres des Finances du G7 est très clair sur ce sujet: toutes les propositions seront étudiées, comme l’IFF, l’annulation totale de la dette, la réévaluation du stock d’or du FMI. Sur la taxe globale, il faut que tous les partenaires débattent de son utilité.
J.A.I. : Mais que pense la Grande-Bretagne de ce projet ?
H.B. : Il faut étudier la question. Si on prend la taxe Tobin, on se rend compte qu’elle était irréalisable, car il fallait que tout le monde soit d’accord Ce qui est impossible.
J.A.I. : Les Africains se demandent ce que va devenir le « plan Marshall » de Gordon Brown après 2005 ?
H.B. : Les gens jugeront sur pièces. Aurons-nous été capables de rassembler de plus grandes sommes pour l’aide ? Parviendrons-nous à une remise de dette de 100 % ? L’avenir nous le dira. Mais si on n’essaie pas, on n’y arrivera pas.
J.A.I. : Le refus des États-Unis de soutenir les propositions françaises et britanniques sur le développement est un coup dur. Avez-vous le pouvoir de les faire changer d’avis ?
H.B. : Les Américains n’ont jamais caché leurs réserves sur l’IFF et la taxe globale. C’est à chaque pays de prendre sa décision. Mais il est inconcevable que d’ici à 2015 le monde n’ait pas pris les décisions qui s’imposent. C’est la responsabilité de tous.
J.A.I. : Le Zimbabwe tient ses élections générales en mars. Pensez-vous qu’elles seront libres ?
H.B. : C’est ce qu’ont annoncé ses dirigeants. Mais le Zimbabwe souffre de mauvaise gouvernance. Comment expliquer qu’un pays qui exportait dans toute l’Afrique il y a vingt ans ne puisse plus se nourrir aujourd’hui ?
J.A.I. : Ne pensez-vous pas que la conditionnalité de l’aide, comme celle de l’UE à l’encontre du Zimbabwe, pénalise d’abord les peuples ?
H.B. : Il est certain que l’argent qu’on donne doit être utilisé pour les projets prévus. Et ce n’est pas parce qu’un pays doit gérer lui-même son développement qu’il est dispensé de respecter les règles internationales et les droits de l’homme.
J.A.I. : Tony Blair et Gordon Brown, deux hommes politiques ambitieux, semblent rivaliser de volontarisme envers l’Afrique. On vous vole la vedette
H.B. : Pas du tout. C’est formidable qu’un chancelier de l’Échiquier parle si bien et si souvent de l’aide au développement. Mes homologues étrangers m’envient C’est surtout la preuve que les enjeux du développement sont au cur des grandes questions politiques de notre temps.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires