Encombrants islamistes

Douze activistes radicaux sont maintenus en détention depuis trois ans, sans inculpation ni jugement. Le gouvernement rêve de s’en débarrasser.

Publié le 14 février 2005 Lecture : 3 minutes.

Plusieurs organisations internationales l’accusent d’attenter aux droits de l’homme, et la Law Lords, la plus haute instance judiciaire britannique, lui a reproché, le 16 décembre, de faire peu de cas des conventions européennes en matière de détention préventive. Du coup, le gouvernement de Tony Blair a été contraint de faire machine arrière. Le 26 janvier, devant la Chambre des communes, Charles Clarke, le ministre de l’Intérieur, a indiqué que le texte de loi autorisant le maintien en détention illimitée, sans jugement ni inculpation, des ressortissants étrangers soupçonnés d’activités terroristes allait être aboli.
La législation antiterroriste mise en place au Royaume-Uni après les attentats du 11 Septembre pour débusquer les réseaux d’al-Qaïda et neutraliser les islamistes radicaux qui ont pignon sur rue dans le royaume ressemble furieusement au Patriot Act américain. Elle est en totale contradiction avec la tradition britannique, très attachée au respect des libertés individuelles. Selon ses plus farouches détracteurs, elle a même contribué à transformer les prisons de Sa Majesté en « Guantánamo bis ». L’accusation est assurément excessive, mais pas tant que ça. La police et les services de renseignements sont en effet autorisés à interpeller et à placer en détention tout activiste soupçonné, à tort ou à raison, de constituer une menace grave pour la sécurité du pays. Douze islamistes originaires d’Algérie, de Jordanie, d’Égypte et de Tunisie en ont fait l’expérience. Depuis plus de trois ans, ils sont incarcérés, les uns à la prison de haute sécurité de Belmarsh, à Woodhill (Buckinghamshire), les autres à la prison de Whitemoor, près de Cambridge, et attendent que les autorités veuillent bien leur signifier le motif de leur inculpation. Pour ne rien dire d’un éventuel procès.
Surnommée « Londonistan », la capitale britannique a longtemps servi de refuge et de base arrière aux islamistes radicaux. C’était un véritable centre de propagande et de collecte de fonds au profit des réseaux implantés en Afrique du Nord, en ex-Yougoslavie, au Moyen-Orient ou en Tchétchénie. Plusieurs pays arabes ont d’ailleurs souvent reproché aux Britanniques de tolérer la présence sur leur sol d’individus et de groupes prônant ouvertement le djihad, la guerre sainte. Les observateurs les plus critiques en étaient même venus à soupçonner le gouvernement Blair de ménager les islamistes dans l’espoir que ces derniers auraient le bon goût de perpétrer leurs attentats ailleurs. Londres avait véhémentement démenti – ce qui, bien sûr, ne prouve rien. Cette tolérance – ou cette complaisance – a donc pris fin avec les attentats du 11 Septembre.
Si le gouvernement est aujourd’hui contraint de reculer, il s’agit d’une retraite en bon ordre. Pas question, par exemple, de revenir au statu quo ante. Charles Clarke s’est d’ailleurs bien gardé de fixer une date pour la révision de la législation – sans doute « dans quelques mois » – et a précisé que, jusqu’à nouvel ordre, les prévenus resteraient en prison. Le nouveau texte devrait les astreindre à un régime de résidence surveillée et leur faire obligation de porter un bracelet électronique permettant de les localiser à tout moment.
Par ailleurs, les autorités britanniques étudient l’hypothèse d’un renvoi des radicaux islamistes vers leurs pays d’origine. Ce qui suppose, bien sûr, l’obtention d’un certain nombre de garanties quant à leur sécurité : les gouvernements concernés devront s’engager à ce que les expulsés ne soient ni torturés ni condamnés à la peine capitale. Le ministre de l’Intérieur a reconnu que des discussions étaient en cours à ce sujet avec plusieurs pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient.

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