De guerre lasse

Le patron de la lutte anticorruption jette l’éponge, au grand dam des bailleurs de fonds.

Publié le 14 février 2005 Lecture : 2 minutes.

John Githongo était le « monsieur Propre » du gouvernement kényan. Nommé secrétaire permanent de la Bonne Gouvernance et de l’Éthique par le président Mwai Kibaki au début de 2003, il symbolisait la volonté d’en finir avec la corruption. Las ! Le 7 février 2005, celui qui avait fait de Transparency International l’une des ONG les plus prestigieuses du Kenya, a jeté l’éponge depuis Londres. Sans expliquer dans le détail les raisons de sa démission, il a affirmé « ne plus être capable de continuer à servir le gouvernement du Kenya, car [il était] frustré ».
La nouvelle tombe mal, très mal, à l’heure où les bailleurs de fonds commencent à émettre des doutes sur la bonne volonté de la coalition arc-en-ciel en matière de lutte contre pots-de-vin et autres bakchichs.
Quelques jours plus tôt, le haut-commissaire britannique Edward Clay était une fois de plus sorti de sa réserve pour rappeler – de façon laconique – Nairobi à l’ordre : « J’estimais personnellement John Githongo un homme de principes, intègre et courageux. Il se consacrait tout entier à la tâche patriotique de débarrasser le gouvernement de toute corruption, service qu’il se devait de rendre au peuple kényan. » William Bellamy, l’ambassadeur américain, est allé plus loin, qui a annoncé la suspension de l’aide de Washington (2,5 millions de dollars pour 2005-2006) à la lutte contre la corruption : « Nous sommes d’autant plus inquiets que la démission de Githongo arrive au moment où émergent de nombreux soupçons de corruption au sein même du gouvernement. Nous espérons que ce dernier agira rapidement afin que le départ de Githongo ne signifie pas que les responsables corrompus ont gagné la partie. » Son collègue britannique a même précisé avoir transmis au gouvernement un dossier comprenant vingt appels d’offres qui manquaient de transparence, dont un projet du ministère de la Défense pour construire des navires.
Nombreux sont ceux qui craignaient les liens unissant Githongo aux médias – il a bâti sa renommée à la force de la plume, fustigeant dans les colonnes de l’East African les exactions d’un pouvoir phagocyté par des politiciens vénaux – et aux bailleurs de fonds. Accusé d’être responsable des « fuites » dans la presse, en porte-à-faux avec plusieurs ministres (dont celui de la Justice, Kiraitu Murungi), le croisé de la lutte anticorruption aurait peu à peu perdu le soutien de Mwai Kibaki. Notamment au sujet du scandale concernant la firme Anglo-Leasing and Finance Ltd., qui, payée 4,7 millions d’euros pour faire construire des laboratoires médicaux et mettre en place un système de passeports sécurisés, se serait rendue coupable de surfacturation au profit de hauts fonctionnaires.
Né à Londres en 1965, diplômé en économie et en philosophie de l’université du pays de Galles à Swansea, John Githongo a, en deux ans, transformé le département de la Bonne Gouvernance et de l’Éthique en une structure de lutte contre la corruption dont le principal défaut était de reposer sur sa forte personnalité. Les Kényans, comme l’ambassadeur américain et les bailleurs de fonds, interpréteront sans doute son départ comme un « sévère contretemps »…

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