Camarades de chambrée

Le géant français de l’hôtellerie s’allie avec le groupe algérien pour la construction de trente-six établissements en Algérie.

Publié le 14 février 2005 Lecture : 4 minutes.

Après trois mois d’intenses négociations à Alger et à Paris, le géant français de l’hôtellerie Accor et le groupe Mehri ont signé un protocole d’accord pour la construction d’une chaîne d’hôtels comprenant trente-six établissements répartis sur plusieurs villes algériennes. Aux termes de ce protocole, les deux parties prévoient la mise sur pied, dans les prochains jours, d’une société commune dont le capital sera détenu à hauteur de 40 % par chacun des deux groupes. Les 20 % restants seront cédés à un partenaire dont l’identité n’a pas été encore divulguée. « Nous sommes en pourparlers avec plusieurs institutions financières européennes », nous a affirmé Jean-Luc Motot, directeur général d’Accor pour l’Afrique et le Moyen-Orient, sans fournir d’autres précisions sur le fonds d’investissement intéressé par le projet. L’alliance scellée entre Accor et Mehri, dont les activités en Algérie vont de l’hôtellerie aux télécommunications, en passant par l’agroalimentaire et les boissons gazeuses et alcoolisées, constitue l’un des plus importants partenariats jamais conclus en Algérie dans le domaine du tourisme.
« Le programme de réalisation des trente-six hôtels s’étalera sur une période de neuf ans. Douze établissements devront être prêts tous les trois ans », nous a indiqué Djilali Mehri, patron du groupe algérien. La première phase de construction concernera six hôtels répartis entre Alger, Oran, Constantine et Annaba. Les travaux pour la réalisation d’un hôtel de type Ibis (2 étoiles) de 264 chambres, situé près de l’aéroport international d’Alger, pourront démarrer dans quelques semaines. « Le permis de construire est déposé, l’appel d’offres lancé et les éventuels investisseurs seront fixés au mois de mars », a déclaré Jean-Luc Motot. Un deuxième établissement, de type Novotel (3 étoiles), sera également réalisé à Alger, non loin de la gare routière, qui dessert les plus importantes villes du pays. D’autres hôtels sont également prévus dans certaines villes du Sud algérien, notamment Biskra, Ghardaïa, Taghit Timimoun et Tamanrasset, des destinations particulièrement prisées des touristes occidentaux pour la beauté de leurs paysages sahariens et de leurs sites archéologiques.
Implanté dans 140 pays, où il gère 4 000 hôtels et emploie plus de 150 000 personnes, pour un chiffre d’affaires de 7,1 milliards d’euros en 2004, Accor entend consolider sa position en Algérie. Déjà présent à travers la gestion du Mercure et du Sofitel d’Alger, deux établissements plutôt destinés aux hommes d’affaires locaux et étrangers, le groupe hôtelier français veut maintenant se diversifier en visant une clientèle domestique. « Nous voulons des prix qui soient en accord avec le marché local et visons une clientèle d’Algériens résidant en France et en Europe et qui souhaitent séjourner dans leur pays », souligne Jean-Luc Motot.
Sous-équipé en infrastructures hôtelières, le marché algérien offre de vraies perspectives de croissance, en particulier à celui qui s’y intéressera le premier. Les dirigeants d’Accor ne veulent donc pas laisser le secteur aux seuls hommes d’affaires arabes, dont les projets sont annoncés en grande pompe. Le holding saoudien Sidar compte ainsi investir 294 millions de dollars dans la réalisation de deux complexes touristiques, l’un à Alger, l’autre à Boumerdès, une station balnéaire à l’est de la capitale. De leur côté, Entreprises Al Hamed, groupe émirati de sociétés spécialisées dans le tourisme, les services et le commerce, lorgnent le littoral algérois avec un projet dont l’enveloppe financière avoisine 90 millions de dollars, selon un officiel algérien. Autant dire que la concurrence risque d’être rude autour d’un secteur jusque-là négligé par les opérateurs étrangers.
Interrogé par J.A.I., Djilali Mehri a indiqué que le coût global du projet Accor-Mehri se situerait autour de 25,5 milliards de dinars (272 millions d’euros). L’ouverture des 36 hôtels devrait déboucher sur la création de 6 000 postes d’emplois directs. « Nous privilégions la formation de la main-d’oeuvre locale, explique Jean-Luc Motot. Ibis doit s’intégrer dans le paysage algérien. Nous avons une base de départ étant donné que la chaîne gère depuis quelques années deux hôtels à Alger. »
Longtemps boudée pour cause d’insécurité, l’Algérie renoue progressivement avec les investisseurs étrangers. Le secteur du tourisme n’échappe pas aux convoitises des hommes d’affaires. Depuis l’indépendance, en 1962, 92 000 lits seulement, dont 36 000 pour le secteur public, ont été réalisés. Le gouvernement algérien ne cache pas son ambition d’attirer quelque 3 millions de touristes d’ici à 2013. Une gageure quand on songe aux multiples entraves bureaucratiques, lesquelles étaient précisément au coeur des négociations entre Accor, Mehri et le ministère du Tourisme. Il s’agissait en premier lieu d’accélérer l’obtention des parcelles de terrain indispensables au lancement des travaux de construction et l’acquisition, dans des délais rapides, de l’agrément délivré par l’Agence nationale de développement et de l’investissement (Andi). Djilali Mehri doit rencontrer, le 15 février, des responsables de cette agence afin d’accélérer les procédures administratives.
Les dirigeants d’Accor ne cachent pas leur satisfaction d’avoir noué une alliance stratégique avec le groupe du milliardaire algérien. Ancien député sous l’étiquette du parti islamiste MSP (Mouvement de la société pour la paix, ex-Hamas), homme d’affaires avisé autant que lobbyiste discret, Djilali Mehri est à la tête de plusieurs entreprises aussi diverses que prospères qui emploient quelque 5 000 personnes. Ses deux plus jolis coups, il les a réussis dans son pays, d’abord en se portant acquéreur de l’exclusivité de la licence Pepsi-Cola en Algérie, ensuite en devenant le premier producteur local de bière sous les labels Tango et Stella Artois. Propriétaire de l’hôtel Royal à Oran, il compte s’implanter aux quatre coins du pays avec le concours d’Accor. « Cela fait vingt-cinq ans que je caresse le rêve de m’associer avec le groupe Accor pour construire des hôtels en Algérie, confie Djilali Mehri. Maintes fois reporté, ce projet va enfin voir le jour. Il faut du temps pour mûrir un projet. Je ne baisse jamais les bras. » Décidément, le milliardaire algérien n’a pas usurpé sa réputation d’homme d’affaires tenace.

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