Wade et l’Amérique

Le président Abdoulaye Wade est en terrain de connaissance aux États-Unis. Début décembre, comme à chacun de ses séjours, il y a rencontré tout ce que Washington compte de sommités.

Publié le 13 décembre 2004 Lecture : 4 minutes.

Abdoulaye Wade est en terrain de connaissance à Washington. Très à l’aise, le chef de l’État sénégalais passe d’un interlocuteur ou d’un registre à l’autre sans vraiment se forcer. Dans le couloir qui mène à sa suite, au sixième étage du Willard Intercontinental, il y a foule, ce lundi 6 décembre. Des hommes d’affaires, des politiques et des journalistes américains, des compatriotes établis aux États-Unis. Peu après son atterrissage, la veille, à l’aéroport militaire Andrew Air Forces Base, il a dîné avec l’ancienne secrétaire d’État démocrate Madeleine Albright, présidente du National Democratic Institute (NDI), une organisation à but non lucratif proche du Parti démocrate. Dans la matinée du 6, Wade est reçu au Congrès par Bill Frist, le chef de la majorité républicaine au Sénat. En début d’après-midi, il rencontre George W. Bush. Presque au même moment, son épouse, Viviane Wade, prend le thé, dans un autre salon de la Maison Blanche, avec Laura Bush.
Entouré de ses deux enfants, Karim et Sindiély, de plusieurs de ses ministres et conseillers, le président sénégalais croule sous les demandes d’audience. Quelques personnalités démocrates, beaucoup de républicains. Aux uns et aux autres, le discours très VRP de Wade est invariable : « Je préside aux destinées d’un pays à forte majorité musulmane, démocratique, laïc, ouvert sur le monde et à la recherche d’investisseurs privés. » Le plaidoyer plaît, visiblement.
Une sollicitude, rare aux États-Unis, surtout à l’endroit d’un responsable d’Afrique francophone, que Wade doit à son entregent, au fait qu’il manie couramment l’anglais, mais, sans doute aussi, au travail de lobbying du cabinet de J.-C. Watts, un ex-congressman africain-américain républicain reconverti dans le conseil en communication. Ce dernier est l’inspirateur d’un quart de page publicitaire dans le Washington Post du 6 décembre avec la photo de Wade.
Il est un peu moins de 14 heures, lorsque le président sénégalais quitte son hôtel pour la Maison Blanche, située deux ou trois rues en aval. Il est accompagné de plusieurs membres de sa délégation, dont six seront admis dans le saint des saints. En recevant Wade, Bush, qui lui avait rendu visite en juillet 2003 à Dakar, lance en direction de ses collaborateurs (parmi lesquels la future secrétaire d’État Condoleezza Rice) : « This is a man ! » « Voilà un homme ! » Le ton est tout de suite donné. Très détendue, à en croire l’un des participants, la « séance de travail » portera sur plusieurs dossiers : la coopération économique, les investissements dans le cadre du Millenium Challenge Account, l’Irak, le Darfour, l’Ukraine, la Côte d’Ivoire. Ou encore, plus étonnant, les relations… franco-américaines. « Le président a expliqué à George Bush que le moment était venu de réchauffer ses relations personnelles avec Jacques Chirac », rapporte l’un des proches du chef de l’État sénégalais.
Les deux hommes ont également abordé des sujets sensibles tels que la lutte contre le terrorisme, les armes de destruction massive ou le « dialogue islamo-chrétien », nouveau cheval de bataille de Wade, dont le pays doit accueillir, à la fin de 2006, le sommet de l’Organisation de la Conférence islamique ainsi qu’une conférence internationale réunissant dirigeants chrétiens et musulmans.
Il est 18 h 30, toujours ce 6 décembre, lorsque les membres de la délégation sénégalaise, le couple présidentiel en tête, arrivent à l’Omni Shoreham Hotel. Ils sont invités à un dîner de gala de 500 couverts au cours duquel Madeleine Albright doit remettre une distinction à sept personnalités étrangères de renom, dont, bien entendu, Abdoulaye Wade. Qui reviendra, dans son intervention en anglais, sur son propre parcours politique, notamment la création du PDS en 1974, ses allers et retours en prison, et ses candidatures à la magistrature suprême finalement couronnées de succès à la cinquième tentative.
Dans l’assistance, on pouvait noter la présence de plusieurs personnalités du Parti démocrate (notamment George Moose et Susan Rice, tous deux anciens secrétaires d’État adjoints aux Affaires africaines), mais aussi de l’ancien Premier ministre de Guinée, Sidya Touré, « de passage à Washington ». Ou du philosophe français (et ami de Wade), Bernard Henri-Lévy, en style décontracté et portant des Ray-Ban à cette heure tardive. Parmi les premiers à féliciter le président sénégalais, Jacques Chirac, dont le message, daté du 1er décembre, témoigne du récent réchauffement des relations… franco-sénégalaises : « Monsieur le Président et cher ami [à la main], Votre engagement pour que les valeurs démocratiques se répandent davantage encore en Afrique comme dans le reste du monde vient d’être salué par le National Democratic Institute qui vous a décerné son prix 2004 « W Averell Harriman Democracy Award ». C’est avec plaisir que je me serais joint aux prestigieuses personnalités qui seront à vos côtés pour la remise de cette distinction. Des contraintes de calendrier ne me permettront pas de vous exprimer de vive voix toutes mes sincères félicitations. J’ai demandé à notre ambassadeur aux États-Unis, M. Jean-David Levitte, de me représenter à cette cérémonie pour que la France s’associe au témoignage d’estime qui vous est donné. Bien amicalement [à la main]. Jacques Chirac. »

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires