Crise politique en RDC : Jeanine Mabunda destituée de la présidence de l’Assemblée nationale
Jeanine Mabunda n’est plus la présidente de l’Assemblée nationale congolaise. Les députés ont majoritairement voté en faveur de sa destitution. C’est une première victoire pour Félix Tshisekedi, qui a annoncé la rupture de l’alliance qui le liait à son prédécesseur, Joseph Kabila.
C’est un tournant dans le quinquennat de Félix Tshisekedi. À l’Assemblée nationale, où le Front commun pour le Congo (FCC) dispose en principe d’une large majorité, les députés ont voté ce jeudi la destitution du bureau dirigé par Jeanine Mabunda, une fidèle de Joseph Kabila. Celle-ci n’est donc plus la présidente de l’Assemblée nationale.
La séance s’est déroulée dans une ambiance électrique et 281 des 484 députés présents (sur 500) se sont prononcés « pour » la destitution.
Ce résultat constitue une victoire de taille pour Félix Tshisekedi puisque, sur ce vote et pour la première fois depuis le début de son mandat, une nouvelle majorité s’est, de fait, constituée en sa faveur.
Les élus étaient appelés à se prononcer sur plusieurs pétitions réclamant la destitution des membres du bureau – pétitions qui avaient été déposées le samedi 5 décembre et signées par des représentants de différents bords politiques.
Pendant les débats, le député Christophe Mboso, président du bureau d’âge chargé de diriger la chambre basse lorsque le bureau de l’Assemblée est mis en cause, a eu le plus grand mal à maintenir le calme dans l’hémicycle.
S’interrompant à de nombreuses reprises pour réclamer le silence, il a aussi dû contenir les demandes des élus du camp Kabila, qui réclamaient notamment un appel nominal pour vérifier que le quorum était bel et bien atteint.
Un vote test
Ce vote avait des allures de test grandeur nature pour le chef de l’État congolais. Le 6 décembre, il avait annoncé la nomination d’un « informateur » chargé d’identifier une nouvelle majorité, mettant de facto fin à la coalition qu’il formait avec le FCC de Joseph Kabila depuis son arrivée au pouvoir.
Pendant les deux jours qui ont suivi, les tensions ont tourné à l’affrontement entre les partisans de Tshisekedi et ceux de son prédécesseur, à l’extérieur comme dans l’enceinte même du Palais du Peuple. Les heurts ont fait plusieurs blessés.
Ce jeudi, le dispositif sécuritaire avait donc été très largement renforcé, avec une présence policière massive aux abords du Parlement et un accès restreint à l’hémicycle.
Mardi, plusieurs cadres du camp Kabila s’étaient réunis à la résidence de Jeanine Mabunda pour décider de la stratégie à adopter lors de ce vote qu’ils n’hésitaient pas à qualifier de « coup d’État institutionnel ».
Après avoir critiqué une démarche « illégale », les caciques du FCC se sont finalement déplacés en masse, ce jeudi, prêts à jouer le jeu du rapport de force et déterminés à prouver qu’ils étaient bien « majoritaires », comme le soulignait l’ancien ministre Lambert Mende avant la séance. Parmi les fidèles de Kabila présents, Néhémie Mwilanya Wilondja, le coordonateur du FCC, et Jaynet Kabila, la sœur jumelle de l’ancien président, qui préside la commission défense et sécurité à l’Assemblée.
Atout majeur
Cette mobilisation n’aura donc pas été suffisante. La chute du bureau de Jeanine Mabunda est un revers pour le FCC, tant la présidente de la chambre basse, deuxième personnalité de l’État dans l’ordre protocolaire, jouait un rôle clé dans le dispositif de Kabila.
Du bras de fer autour de la prestation de serment des juges de la Cour constitutionnelle au choix du président de la prochaine Commission électorale nationale indépendante (Ceni), en passant par la réforme judiciaire voulue par le FCC, les relations entre Mabunda et Félix Tshisekedi s’était considérablement dégradées au cours de l’année 2020.
La pétition approuvée ce jeudi reprochait notamment à Mabunda une « gestion opaque » de la caisse de l’Assemblée. Les signataires accusaient aussi la présidente de l’Assemblée nationale de s’être « illustrée par des initiatives cavalières, conflictogènes et partisanes », citant notamment son appel au boycott de la prestation de serment des juges de la Cour constitutionnelle, dont le camp Kabila contestait la nomination.
Invitée à prendre la parole, comme chaque membre du bureau mis en cause, l’intéressée a dénoncé des « inexactitudes » dans les accusations portées à son encontre, pointant plusieurs contradictions, et conclut son discours en présentant ses excuses aux députés, auxquels elle a demandé de rejeter ces pétitions.
Union sacrée
C’est une page importante qui se tourne à l’Assemblée nationale et une étape cruciale dans l’offensive que mène Félix Tshisekedi pour reprendre l’avantage sur le camp Kabila.
Ce vote préfigure-t-il la nouvelle majorité que le président congolais espère obtenir ? Ces dernières semaines, le camp Tshisekedi a en tout cas multiplié les efforts pour constituer de nouvelles alliances politiques, parvenant à rallier à sa cause plusieurs députés membres du FCC.
Ces nouveaux équilibres au sein de l’Assemblée seront-ils confirmés par l’informateur que Tshisekedi doit très prochainement nommer ? Une fois désigné, ce dernier aura trente jours – renouvelables une fois – pour identifier une nouvelle majorité, et celle-ci ne pourra être atteinte qu’avec le ralliement de nombreux députés du FCC.
Plusieurs d’entre eux ont pris part cette semaine à deux réunions animées par Jean-Marc Kabund-a-Kabund, le président par intérim de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), qui avait lui aussi été destitué de son poste de premier vice-président de l’Assemblée en mai dernier.
S’il obtient une nouvelle majorité, Félix Tshisekedi pourra former un nouveau gouvernement et, ainsi, s’attaquer à une autre personnalité du camp Kabila qui dérange : le Premier ministre, Sylvestre Ilunga Ilunkamba. En cas d’échec, Tshisekedi a promis de dissoudre l’Assemblée nationale. Une initiative coûteuse et périlleuse en l’absence de réformes électorales et d’une commission électorale véritablement fonctionnelle.
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