Un Premier ministre, pour quoi faire ?

Publié le 13 décembre 2004 Lecture : 3 minutes.

De tous les noms qui ont circulé des mois durant, le président guinéen Lansana Conté a retenu, le 9 décembre, celui de son ministre de la Pêche et de l’Aquaculture, Cellou Dalein Diallo, pour occuper le poste de Premier ministre, resté vacant depuis la démission de François Lonsény Fall, le 29 avril 2004. Peul, issu de l’aristocratie du Fouta, lié aux opérateurs économiques de son ethnie qui tiennent le commerce dans le pays, le nouveau chef du gouvernement a été choisi dans un souci évident de respect des grands équilibres ethniques et régionaux de la Guinée. Membre du Parti de l’unité et du progrès (PUP, au pouvoir), Cellou Dalein Diallo en constitue l’un des relais au Fouta, où il s’emploie à contrebalancer l’influence de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) de Mamadou Bhoye Bâ et de l’Union pour le progrès et le renouveau (UPR) du défunt Siradiou Diallo.

Âgé de 52 ans – il est né en 1952 à Dalein, un village situé à 30 km de Labé, en Moyenne Guinée -, Cellou Dalein Diallo a siégé dans tous les gouvernements depuis juillet 1996. Économiste formé à l’université de Conakry, puis au Centre d’études financières, économiques et bancaires (Cefeb) à Paris, il entame sa carrière en 1976 comme inspecteur du commerce, avant de se retrouver à la Banque centrale de la République de Guinée (BCRG), de 1985 à 1995.
Protégé d’Ibrahima Kassory Fofana, à l’époque tout-puissant patron de l’Administration et contrôle des grands projets (ACGP), il fait un bref passage dans cette structure comme directeur adjoint. Puis entre au gouvernement, d’abord aux Transports, Télécommunications et Tourisme (1996), ensuite aux Transports et Travaux publics (1997), enfin à la Pêche et l’Aquaculture (février 2004).
Resté vacant huit mois, le poste de Premier ministre n’en apparaît que plus périlleux. Cellou Dalein Diallo prend ses fonctions dans un contexte extrêmement difficile, marqué par la longue et handicapante maladie du chef de l’État, un isolement diplomatique croissant du pays et une grave dégradation de la situation économique (inflation galopante, investissements étrangers quasi nuls, chômage endémique, pénurie d’eau courante et d’électricité…). Sera-t-il de taille pour arrêter cette descente aux enfers ? Pour avoir travaillé avec eux dans le cadre de programmes d’assistance, le nouveau Premier ministre a ses entrées chez les bailleurs de fonds occidentaux et dans les pays arabes. Mais cela risque d’être insuffisant pour faire revenir les partenaires extérieurs, qui ont rompu les ponts depuis décembre 2002, découragés par les contre-performances économiques du pays et par la dérive autoritaire du régime.

la suite après cette publicité

Réputé proche de Conté, réussira-t-il à obtenir de lui ce que ni Sidya Touré ni François Lonsény Fall ne sont parvenus à lui arracher ? Rien n’est moins sûr. Si sa maladie l’empêche de gouverner depuis près de deux ans, le chef de l’État n’en conserve pas moins la haute main sur les secteurs juteux de l’économie (l’État est aujourd’hui privé de 45 % de ses recettes, du fait d’exonérations de frais douaniers accordés à des hommes d’affaires bien introduits au palais). Dans l’entourage présidentiel, on assure même que Cellou Dalein Diallo, longtemps pressenti pour succéder à François Fall, a tardé à être nommé parce que Guido Santullo, un homme d’affaires italien proche de Conté, s’y était opposé jusqu’ici. Adjudicataire de la plupart des marchés publics de BTP en Guinée, Santullo a quelquefois eu maille à partir avec Diallo, qui, lorsqu’il était ministre des Travaux Publics, « discutait » certaines factures de construction ou d’entretien des routes manifestement gonflées.

Le nouveau Premier ministre devra aussi faire face à l’ascension fulgurante de la nomenklatura militaire au cours de ces derniers mois. Comme s’il passait le témoin en douceur à l’armée, le chef de l’État a délégué le général Kerfalla Camara, chef d’état-major de l’armée, pour le dépôt d’une gerbe de fleurs le 2 octobre, à l’occasion du 46e anniversaire de l’indépendance, puis pour présider la finale de la Coupe nationale de football.
Dans cette atmosphère de fin de règne, marquée par une lutte acharnée pour la succession, la marge de manoeuvre du nouveau chef du gouvernement risque d’être étroite. Acceptera-t-il d’être confiné au rôle de figurant, à l’image de Lamine Sidimé, titulaire du poste de mars 1999 à février 2004 ? Ou choisira-t-il, comme François Lonsény Fall, de claquer la porte face aux obstacles qui ne manqueront pas de se dresser sur son chemin ?

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires