Racisme dans le foot : PSG-Basaksehir, le scandale de trop

Les insultes racistes proférées à l’encontre du Camerounais Pierre Achille Webo lors du match PSG-Basaksehir ne sont que les dernières d’une trop longue liste.

Les joueurs de foot et les arbitres, à genoux, en signe de protestation contre le racisme dans le foot. Le 9 décembre 2020 en amont du match PSG-Basaksehir au Parc des Princes à Paris. © XAVIER LAINE/AFP

Les joueurs de foot et les arbitres, à genoux, en signe de protestation contre le racisme dans le foot. Le 9 décembre 2020 en amont du match PSG-Basaksehir au Parc des Princes à Paris. © XAVIER LAINE/AFP

Alexis Billebault

Publié le 12 décembre 2020 Lecture : 3 minutes.

C’est un match qui entrera dans l’histoire du foot. Mais pas dans ses pages les plus glorieuses. Les insultes racistes proférées à l’encontre du Camerounais Pierre Achille Webo par l’un des arbitres lors de la rencontre entre le Paris Saint-Germain (PSG) et le Basaksehir, mardi 8 décembre au Parc des Princes, ont cependant fait l’effet d’un électrochoc. À l’image d’une Adèle Haenel quittant la cérémonie des Césars pour dénoncer « la honte » d’un prix attribué à un Roman Polanski condamné pour détournement de mineur aux États-Unis, l’international sénégalais Demba Ba monte au créneau. Et les joueurs lui emboitent le pas pour quitter le terrain.

Depuis, Pierre Achille Webo, ancien attaquant des Lions Indomptables, reçoit de nombreux messages de soutien. On y lit une volonté manifeste de lutter contre le racisme qui gangrène le milieu du foot. La décision des deux équipes de ne pas reprendre le match est un acte fort, voire historique. Jamais telle protestation ne s’était produite auparavant. Les scandales racistes ont pourtant été nombreux.

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Les exemples de racisme sont légion

Certes, en janvier 2013, le Ghanéen Kevin-Prince Boateng, visé par des chants racistes et des cris de singe, quitte le terrain. Mais seuls ses coéquipiers milanais l’accompagnent alors…

Les exemples de racisme dans les stades européens sont légion. Et singulièrement en Italie. Le Belge d’origine congolaise Romelu Lukaku, prêté en juin 2019 par Manchester United à l’Inter Milan, se souviendra ainsi longtemps de ses premiers pas dans les stades italiens. Au mois de septembre de la même année, le consultant télé Luciano Passirani fait son éloge avant de tenir à son encontre des propos nauséabonds. « La seule façon de l’arrêter, c’est de lui donner dix bananes à manger », ose-t-il déclarer sur une chaîne de télévision.

Quelques jours plus tard, lors d’un déplacement à Cagliari, le buteur est visé par des cris de singe et des chants racistes. Soutenu par son club, certains « ultras » de son propre camp sortent néanmoins un communiqué lunaire. Ces supporters se disent « désolés pour lui », mais assurent qu’il ne s’agit pas de racisme.

Les outrages ne s’arrêtent pas là. Même le grand quotidien sportif, Corriere dello Sport, se permettra de titrer « Black Friday » sous une photo montrant Romelu Lukaku aux côtés de l’Anglais Chris Smalling, le 5 décembre 2019.

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Un mal ancien

Toujours dans le stade de Cagliari,  le Ghanéen Sulley Muntari, lassé par les cris de singe et autres insultes, quitte lui aussi le terrain fin 2016. En avril 2019, le Français d’origine congo-angolaise Blaise Matuidi essuie des insultes racistes, au même endroit, en compagnie de Moïse Kean, joueur italien d’ascendance ivoirienne, alors qu’ils portent le maillot de la Juventus Turin. La commission de discipline classe finalement l’affaire. Elle juge les chants racistes des supporters de Cagliari « répréhensibles », mais ne prononce pas de sanction à l’encontre du club.

Addeslam Ouaddou porte un t-shirt contre le racisme, le 23 février 2008, à Valenciennes
FRANCOIS LO PRESTI/AFP

Le mal est ancien. En 1989, le gardien camerounais Joseph-Antoine Bell avait été accueilli au Stade-Vélodrome de Marseille par des jets de bananes. Vingt ans plus tard, en février 2008, le Marocain Abdeslam Ouaddou va s’expliquer avec un supporter de Metz qui l’a insulté à de nombreuses reprises. Et c’est le joueur qui est sanctionné d’un avertissement par l’arbitre…

Il n’y a pas d’Italiens noirs

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Mario Balotelli, l’attaquant international italien d’origine ghanéenne, subit en 2010 l’affront d’une banderole sur laquelle il est inscrit : « Il n’y a pas d’Italiens noirs ».  Tandis qu’en février 2016, à Rome, les racistes prennent pour cible le Sénégalais Kalidou Koulibaly. Rebelote en décembre 2018, lors d’un match à Milan face à l’Inter. « Quitter l’Italie reviendrait à donner raison à ces personnes », avait courageusement réagi le défenseur.

En février dernier, le Malien Moussa Marega quitte la pelouse de Guimaraes, ulcéré par les chants racistes, mais aussi par l’attitude de l’arbitre.

Siffler la fin du racisme

Le Congolais (RDC) Yannick Bolasie a pour sa part refusé une offre du CSKA Moscou, en juillet 2019, par crainte d’être victime du racisme notoire de certains supporters du club. On se souvient notamment qu’une frange – influente – des supporters du Torpedo Moscou avait réussi à convaincre la direction du club moscovite de ne pas engager le Russo-Congolais Erving Joe Botaka-Ioboma.

Marcel Desailly n’a probablement pas oublié les phrases prononcées par la star bulgare Hristo Stoichkov : « Dis, Desailly, tu sais que les gosses crèvent de faim dans ton pays ? Pays de merde, noir de merde, peau de merde. » L’auteur de ces paroles n’avait pas nié, expliquant que cela faisait partie des habituelles « provocations verbales » sur les terrains.

La liste des incidents et des insultes à caractère raciste dans les stades est longue. Trop longue. Le refus général de reprendre le match PSG-Basaksehir, pourra-t-il enfin siffler la fin du racisme dans le foot ? Il marque en tout cas un tournant.

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