Le grand méchant look

Après un rapide ravalement de façade, l’extrême droite lance une opération séduction.

Publié le 13 décembre 2004 Lecture : 3 minutes.

Affiches, prospectus dans les boîtes aux lettres, nouveau logo… Depuis le 1er décembre, le Vlaams Belang (« Intérêt flamand »), ex-Vlaams Blok (« Bloc flamand »), est en campagne. Objectif : faire connaître son nouveau nom. Condamné pour « incitation à la haine raciale » par la Cour de cassation de Bruxelles, le parti d’extrême droite a changé d’identité le 14 novembre. Un tour de passe-passe juridique qui lui permet de poursuivre ses activités et de conserver ses subventions publiques.
Le mouvement a été obligé de « limer ses dents », ironise la presse francophone. Certes, on ne trouve pas trace, dans ses statuts, des thèmes xénophobes qui avaient valu au Blok plusieurs condamnations. Les nationalistes flamands ne prônent plus le renvoi dans leur pays de « larges groupes d’immigrés non européens », mais uniquement l’expulsion de ceux qui « rejettent, nient ou combattent [notre] culture ». Mais si le programme officiel est expurgé, le discours aux militants a, lui, peu évolué.
« Il n’y aura pas de Vlaams Blok light », a prévenu Frank Vanhecke, le président du mouvement. Filip Dewinter et Gerolf Annemans, ses acolytes, renchérissent. « Il ne s’agit pas d’une cure cosmétique, plaisante le premier, mais d’une opération de manucure : nous aiguisons nos griffes et nos dents pour être plus puissants que jamais. » Et de clamer haut et fort, du haut de l’escalier de la Cour de cassation : « Chaque musulmane voilée signe un contrat de retour. »
Créé en 1978, le Blok, dont le slogan – tout en nuances – tient en deux mots : « België Bast ! » (« Belgique, crève ! »), a effectué sa première percée électorale aux législatives de 1991, recueillant 10 % des voix. Aujourd’hui, surfant sur un « problème linguistique » opposant depuis des lustres les Flamands néerlandophones aux Wallons francophones, censés les « opprimer », il dépasse 25 % dans des villes comme Anvers. Partisans d’un repli communautaire et d’un éclatement de la Belgique, les extrémistes du Blok revendiquent une Flandre indépendante, avec Bruxelles pour capitale.
La Wallonie ne décolère pas. « La montée en puissance du Blok traduit le sentiment d’une Flandre riche et égoïste, qui considère que tous les problèmes viennent des étrangers, accusés de vouloir ôter le pain de la bouche des Flamands. Une société qui permet de telles fractures est en péril. Nous devons investir dans la culture et l’éducation », explique le sénateur socialiste Pierre Galand.
Les responsables politiques flamands renvoient la balle dans le camp des partis francophones qui, selon eux, ont joué les apprentis sorciers en poussant le gouvernement à naturaliser massivement les immigrés, ces dernières années. Certains accusent les socialistes, partis à la chasse aux voix des électeurs d’origine étrangère.
Le Blok a remporté un nouveau succès électoral en juin, lors d’un scrutin régional où il a terminé en seconde position, derrière les chrétiens-démocrates, avec 24,2 % des voix. Deux sondages récents le donnent en tête des intentions de vote dans la région septentrionale. De là à voir en lui un partenaire incontournable…
Jusqu’à présent, tous les partis démocratiques se sont entendus sur la nécessité d’établir un « cordon sanitaire » autour de toutes les formations d’extrême droite, pour les empêcher d’accéder au pouvoir. Mais plusieurs politologues francophones, comme Serge Govaert, font part de leurs inquiétudes : « L’aile droite du parti libéral flamand [VLD] et, dans une moindre mesure, celle du parti chrétien-démocrate pourraient se laisser tenter par la formation d’une vaste coalition. » Conscient de l’enjeu, le Blok appelle les autres partis à le rejoindre. Si les mouvements traditionnels rejettent toute alliance pour l’instant, des « arrangements » ponctuels pourraient avoir lieu lors des municipales de 2006. Les dirigeants du Blok se fixent notamment pour objectif de prendre le contrôle d’Anvers.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires