Entourloupe grecque

Pour être éligible à l’adoption de la monnaie unique, Athènes a falsifié les chiffres de ses déficits publics.

Publié le 13 décembre 2004 Lecture : 3 minutes.

C’est la plus grande escroquerie à l’euro de toute l’histoire de l’Union européenne (UE) : la Grèce a triché sur ses déficits publics pour être éligible à l’adoption de la monnaie unique le 1er janvier 2001. Après avoir tergiversé pendant plusieurs semaines, Bruxelles a finalement lancé, le 2 décembre, une procédure d’infraction contre Athènes. En revanche, la Commission se garde d’imposer une quelconque sanction politique et souligne que l’appartenance de la Grèce à la zone euro n’est pas remise en question. Mais la crédibilité du pays dans l’opinion internationale a été sérieusement entachée, reconnaît le Premier ministre grec Costas Caramanlis, élu en mars 2004.
C’est le 22 septembre que l’affaire a débuté, avant d’éclater mi-novembre. Quelques mois après sa prise de fonctions, le gouvernement conservateur a rendu public un audit effectué par Eurostat (l’office statistique de l’UE) examinant les comptes du pays sur la période 2000-2003. Les conclusions de la mission accusent clairement le précédent gouvernement socialiste dirigé par Costas Simitis d’avoir maquillé les comptes pour masquer un déficit supérieur à 3 %. Suspicieux, Eurostat a renvoyé des missions en octobre et en novembre pour vérifier les chiffres de 1997-1999 qui ont servi à valider l’entrée de la Grèce dans la zone euro.
Le 15 novembre, le ministre grec de l’Économie, Georges Alogoskoufis, est bien obligé d’avouer publiquement les tricheries de son pays. Entre 1997 et 1999, les déficits publics s’élevaient en fait à 6,44 %, 4,13 % et 3,38 % du PIB, c’est-à-dire bien au-dessus des 3 % prévus par le traité de Maastricht. En 1999, le gouvernement socialiste s’était prévalu d’un déficit de 1,8 %, ce qui avait conduit les observateurs à parler d’un « miracle grec » !
Pour sa défense, le gouvernement de l’époque explique que les règles de calcul du déficit étaient alors plus souples qu’aujourd’hui. Les normes comptables ont effectivement changé en 2000. Or les Grecs prétendent qu’ils avaient encore le droit de les utiliser début 2000, lorsque a été établi le rapport sur les comptes de 1999. Et d’ajouter que l’Espagne et le Portugal, entrés dans la zone euro deux ans auparavant, n’auraient certainement pas été qualifiés avec le nouveau mode de calcul… Autre « erreur » commise : Athènes n’a comptabilisé ni les dépenses militaires ni celles de certaines entreprises publiques dans les dépenses de l’État.
Ces révélations embarrassent également la Banque centrale européenne (BCE). Son vice-président, Lucas Papademos, présidait à l’époque la Banque centrale de Grèce. Jusqu’à présent, ce dernier a refusé de commenter le rôle qu’il aurait pu jouer dans ces falsifications. La BCE se contente de réfléchir aux moyens d’empêcher que ce genre de dérapage ne se reproduise. D’autant qu’elle doit gérer, entre 2007 et 2011, l’entrée de dix nouveaux membres, dont les services de statistiques sont inexpérimentés.
Le Commission de Bruxelles, l’organe exécutif de l’UE, réfléchit pour sa part aux sanctions à infliger à la Grèce. Il avait été envisagé de suspendre l’aide régionale accordée au pays au titre du « fonds de cohésion » destiné à améliorer les réseaux de transports et d’environnement des pays les plus pauvres – environ 500 millions d’euros. Finalement, le porte-parole du commissaire européen aux Affaires économiques, Joaquin Almunia, a indiqué que « la sanction, c’est le discrédit public que cela apporte à la Grèce, notre procédure d’infraction et l’abaissement de la notation par certaines agences [financières] ». Almunia a par ailleurs suggéré le renforcement des pouvoirs de contrôle conférés à Eurostat.
La réaction de l’UE a été d’autant plus modérée que le gouvernement grec s’est fermement engagé à ramener son déficit à 2,8 % en 2005, contre 5,3 % en 2004. Cet objectif pourra probablement être atteint grâce à une croissance du PIB estimée à 3,9 % et aux privatisations programmées par l’actuel gouvernement. Sans compter les retombées des jeux Olympiques, dont le coût a pour l’essentiel été amorti.
Cette clémence peut également s’expliquer par le fait que les deux poids lourds de la zone, la France et l’Allemagne, se trouvent actuellement dans le collimateur des gardiens de Maastricht puisque leur déficit dépasse 3 % du PIB.

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