Football – Pierre Achille Webo : « J’ai déjà été la cible de racisme, mais pas venant d’un arbitre »
Le 8 décembre, l’entraîneur-adjoint d’Istanbul Basaksehir, le Camerounais Pierre Achille Webo, a été la cible de paroles racistes de la part du quatrième arbitre roumain, Sebastian Coltescu, lors d’un match contre le PSG. Il a accepté de se confier à JA.
L’enchaînement des matches du championnat de Turquie ne lui a pas permis de beaucoup souffler depuis cette longue soirée parisienne. Entre deux matches et un entraînement, le Camerounais Pierre Achille Webo, entraîneur-adjoint du club turc Istanbul Basaksehir, a tout de même trouvé le temps de revenir pour Jeune Afrique sur l’incident qui a entraîné l’arrêt du match de Ligue des champions PSG-Istanbul Basaksehir, le 8 décembre dernier. Sur ce jour pas comme les autres, où un arbitre roumain, Sebastian Coltescu, l’a désigné en des termes (« le noir ») que Pierre Webo n’a pas acceptés.
Jeune Afrique : Comment allez-vous, plus d’une semaine après les faits ?
Pierre Achille Webo : Je me sens bien. J’ai le soutien de ma famille, de mes proches, de mon club, de beaucoup d’autres personnes. Bien sûr, je reçois encore beaucoup de demandes d’interview d’un peu partout, mais je ne peux pas répondre à tout le monde. Et puis, comme on joue tous les trois jours, avec les matches à préparer, les entraînements, les déplacements, je ne pense pas qu’à cette affaire. D’ailleurs, j’espère que cela s’arrêtera bientôt, et qu’on reparlera de football.
Il y a eu les paroles de cet arbitre roumain, le match qui n’a pas repris le soir même, et qui s’est joué le lendemain, beaucoup de réactions…
En fait, il y a eu deux phases. D’abord, quand j’entends l’arbitre me désigner comme le mec noir… Je suis choqué, tellement surpris, que cela vienne d’un arbitre ! J’avais déjà eu droit à des paroles racistes, en Espagne, mais ça venait des tribunes.
Sebastian Coltescu n’a pas dit un mot. Je voulais juste qu’il m’explique »
Je suis descendu sur le terrain, avec une seule question : « Pourquoi il a dit « noir » ? Il aurait pu me désigner autrement, par exemple comme le gars assis au troisième rang, je ne sais pas… Oui, j’étais en colère.
En vous voyant, certains ont craint une confrontation physique avec Sebastian Coltescu…
Jamais je ne me serais permis d’être violent. J’étais énervé, j’avais la rage, mais j’étais en self-control. Je suis quelqu’un de calme, mais c’est peut-être mon expression corporelle qui a pu faire croire à certains que j’étais prêt à le frapper. J’ai été joueur, je suis aujourd’hui éducateur, et je sais que je dois donner le bon exemple. Je ne suis pas quelqu’un de violent, il n’y avait aucun risque de confrontation physique.
Sebastian Coltescu vous a-t-il parlé ?
Non, il n’a pas dit un mot. Pas un seul. Je voulais juste qu’il m’explique. D’ailleurs, aucun autre arbitre ne m’a parlé.
Je crois que cela n’était jamais arrivé. Ce geste de soutien est très fort symboliquement
Très rapidement, les joueurs des deux équipes ont fait savoir qu’ils ne voulaient pas reprendre le match…
Oui, et je tiens encore à remercier les joueurs, les staffs techniques et les dirigeants des deux clubs pour ce geste de soutien, de solidarité, d’union. Je crois que cela n’était jamais arrivé. D’habitude, quand un match est arrêté, c’est parce que l’arbitre le décide. C’est très fort symboliquement, cela prouve que les joueurs, dans ce genre de situation, ont aussi leur mot à dire.
J’ai été offensé par les paroles de l’arbitre, et je crois que tous ceux qui étaient sur ou en dehors de la pelouse ont estimé que c’était inacceptable. C’est pour cela que le match n’a pas repris mardi soir.
L’intervention de Demba Ba a-t-elle été décisive quant à l’arrêt du match ?
C’est un tout. Les deux équipes ne voulaient pas reprendre. Demba est allé parler à l’arbitre (Ovidiu Hategan) et au quatrième arbitre de façon calme et posée. Il n’a jamais été dans l’agressivité. Moi-même, quand je suis descendu sur la pelouse, je ne me suis pas montré impoli. Avec Demba, on a beaucoup parlé, je sais que c’est quelqu’un qui n’hésite pas à prendre position, et il a eu une réaction intelligente. Son soutien est important.
Il a, depuis, échangé avec Sebastian Coltescu, qui se serait excusé. Aimeriez-vous parler avec ce dernier ?
Je lui ai posé une question plusieurs fois, il ne m’a pas répondu, ni sur le terrain, ni dans les couloirs. Ni depuis. Je ne demande pas des excuses, seulement des explications. Peut-être qu’un jour, il demandera à me parler. On verra. En tout cas, pour moi, ce n’est pas vraiment le moment.
Seules des sanctions plus dissuasives, plus fortes, peuvent avoir de l’impact
Certaines personnes ont estimé que ce qu’avait dit Coltescu n’était pas raciste, mais qu’il s’agissait plutôt de paroles malheureuses et maladroites…
Oui, j’ai entendu cela. Chacun a le droit d’avoir son opinion. Moi, je ne suis pas dans la tête de cet arbitre, je ne sais pas ce qu’il pense au fond. Ce que je sais, c’est que je me suis senti offensé, que ce qu’il a dit n’est pas acceptable, et qu’il y a d’autres façons de désigner quelqu’un.
Quelles mesures faudrait-il prendre pour lutter plus efficacement contre le racisme dans le football ?
Il y a des campagnes de sensibilisation de la part de la FIFA, de l’UEFA, de la CAF… C’est bien, mais il faut aller plus loin, pour mieux lutter contre ce fléau. Je pense que les fédérations des pays où sont commis des actes de racisme doivent également aller plus loin. Seules des sanctions vraiment plus dissuasives, plus fortes, que ce soit sportivement ou financièrement, peuvent avoir de l’impact. La réaction des deux équipes à Paris en a eu. Car quand les équipes quittent le terrain, il n’a plus de spectacle. Et symboliquement, c’est très marquant…
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