Unesco : le couscous de la concorde
Le célèbre plat maghrébin a été inscrit ce 16 décembre sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco. Un projet porté par l’Algérie, le Maroc, la Mauritanie et la Tunisie.
Il arrive à la culture de réussir là où la politique échoue : réunir autour d’une même table garnie de couscous, les voisins maghrébins. Spécialement, l’Algérie et le Maroc, les frères ennemis que l’histoire et la géographie réunissent mais que la politique continue de séparer.
Ce mercredi 16 décembre 2020, le couscous, plat emblématique et héritage culturel commun à tous les pays du Maghreb, de la côte Atlantique mauritanienne jusqu’aux déserts de Libye, a été inscrit sur la liste représentative du patrimoine immatériel de l’Unesco. Cette reconnaissance est le fruit d’un dossier préparé conjointement par les quatre pays du Maghreb autour des savoirs, savoir-faire et pratiques liés à la préparation et à la consommation du couscous.
Cette reconnaissance est le fruit d’un dossier préparé conjointement par les quatre pays du Maghreb
Dossier commun
Il a fallu de longues tractations pour que les pays du Maghreb acceptent enfin l’idée que le couscous est un patrimoine commun, puis qu’ils accordent leurs violons pour présenter un demande de classement commune. À l’origine, c’est en 2016 que l’Algérie avait décidé de faire cavalier seul en annonçant son intention de présenter une demande d’inscription du couscous au patrimoine mondial de l’Unesco. Sitôt annoncé, le projet a soulevé un tollé chez le voisin marocain qui revendique également la paternité de ce plat berbère.
Dès janvier 2018, les experts ont commencé à travailler, chacun de leur côté, sur les « savoirs, savoir-faire et pratiques liés à la production et à la consommation du couscous ». Coordonné par le Centre National de Recherche Préhistorique, Anthropologique et Historique (CNRPAH) algérien, un dossier commun a été élaboré par ces experts et c’est en mars 2019 que les quatre pays se sont entendus pour déposer auprès de l’Unesco une demande d’inscription du couscous au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco.
Des montagnes enneigées du Nord aux immensités sablonneuses du désert, le couscous est commun aux différentes populations berbères. Le plat s’est enrichi et diversifié au gré des climats, des terroirs, des pratiques agricoles, des cultures et des savoir-faire des tribus et des communautés. « Si le roi Massinissa est connu pour avoir encouragé la céréaliculture durant son long règne en Numidie, des preuves archéologiques retrouvées dans des sites préhistoriques attestent qu’on consommait déjà des céréales au néolithique, il y a 6 000 à 7 000 ans. Nous savons, par exemple, que les plus anciens couscoussiers étaient en matière végétale. De forme conique, avec un trou au milieu, ils permettaient à la vapeur de s’échapper à travers les fibres qui étaient tissées… », raconte Farid Kherbouch, archéologue et actuel directeur du CNRPAH en charge de coordonner le dossier couscous.
Plat des fêtes
Selon les historiens du CNRPH, le fait de rouler la semoule et de la cuire à la vapeur a constitué un tournant significatif dans la vie des populations locales, dont la nourriture a gagné en valeur nutritive. Le couscous est un plat complet, composé de viande et de légumes cuits dans un bouillon ainsi que de céréales cuites à la vapeur. Ainsi, le plat s’ouvre à toutes les influences, tous les mariages. Il est aussi synonyme de convivialité et de partage car il est l’incontournable de toutes les grandes fêtes, rites et cérémonies importantes sacrées ou profanes : naissance, circoncision, mariage, fête, funérailles, etc.
Il est aussi synonyme de convivialité et de partage car il est l’incontournable de toutes les grandes fêtes
Le couscous est de ces plats qui ont le privilège de disposer d’ustensiles qui lui sont propres et qui servent à sa composition : le tamis, le couscoussier ou le faitout, l’écuelle, les assiettes et les cuillères, la meule, le moulin pour moudre le blé ou l’orge. Tous ces outils et ustensiles sont fabriqués à partir d’argile ou de bois, de façon artisanale, par des femmes et des hommes qui perpétuent un savoir-faire ancestral, qui se transmet de génération en génération. C’est toute cette culture autour d’un plat emblématique qui est aujourd’hui reconnue comme un patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
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