Au rythme du village

Foin du tourisme de masse : place aux séjours chez l’habitant pour découvrir l’Afrique traditionnelle…

Publié le 13 décembre 2004 Lecture : 3 minutes.

Salon international de l’artisanat, Sommet de la Francophonie Le Burkina Faso s’est lancé avec succès dans le tourisme d’affaires. Un créneau lucratif qui pousse les acteurs de ce secteur économique à créer d’autres destinations, afin d’attirer plus de visiteurs.
Quelque 150000 ont été enregistrés en 2003. Allergique au tourisme de masse qui a transformé la petite côte sénégalaise en complexe de vacances « tout compris », l’association Tourisme et développement solidaires (TDS), basée en France, dispose d’une antenne régionale à Ouagadougou. Elle s’est attachée à mettre au point une formule plus respectueuse de l’environnement, fondée sur les principes du « commerce équitable ». Résultat : des séjours d’une semaine ou plus dans un petit village perdu au fin fond de la savane.
« Je me suis inspiré du tourisme rural du sud de la France pour lancer ce projet, explique Pierre Martin-Gousset, le conseiller technique de TDS. Dans le cas de la France, il s’agit de mettre en valeur le patrimoine d’un petit village pour éviter la désertification. C’est un peu le même principe ici : il fallait développer un tourisme où les maîtres mots seraient respect mutuel et échanges. » Cinq ans après la création de l’association, force est de constater que les choses vont plutôt bien. Quatre villages accueillent désormais les voyageurs en manque d’authenticité. En échange, les « villages d’accueil TDS » disposent de ressources supplémentaires qu’ils réinvestissent ensuite dans
des projets de développement durable. Sans compter que cette manne touristique est créatrice d’emplois, notamment pour les jeunes, qui désormais y réfléchiront à deux fois
avant de tenter l’aventure en ville.
Zigla Koulpélé, en pays bissa, à trois heures de piste au sud de la capitale, a ouvert les portes de ses cases aux « voyageurs » en 2001. L’an dernier, les trois séjours
organisés au campement ont permis de dégager 800000 F CFA de bénéfices à raison de 15500 FCFA reversés à la communauté par TDS chaque jour et pour chaque voyageur. Le comité de gestion local a décidé de les utiliser pour agrandir le village d’accueil une concession de cases en argile et en chaume construite juste à côté de celle du chef du village et pour ouvrir une « fourrière pour les animaux en divagation ». Les années précédentes, cet argent avait servi à réparer des forages et à creuser des latrines sur la place du marché.
« Tout le monde profite de cette activité. Et, la nature nous ayant peu dotés, le tourisme nous est vite apparu comme la solution durable la plus adéquate, » explique le kiri le « chef », en langue bissa.
Avant l’arrivée de TDS, Zigla vivait essentiellement des cultures vivrières mil, sorgho, arachide ainsi que du petit élevage. Autant dire que le village survivait au gré des aléas météorologiques. « Les séjours touristiques nous ont permis de renouer avec certaines activités artisanales », poursuit celui que l’on appelle seulement par son patronyme, Bandaogo. Grâce à cela, Angèle, 30 ans, toujours célibataire à cause d’une polio mal soignée, a pu quitter Garango et rouvrir un centre de couture et de tissage, activité traditionnelle longtemps abandonnée. Les huit femmes en « apprentissage » portent toutes un uniforme jaune pâle rehaussé de quelques fleurs blanches. Elles viennent
après les travaux des champs et sortiront du centre « diplômées », au bout de trois ans de formation sous le regard bienveillant d’Angèle. D’autres femmes se sont organisées pour produire du bissap ou du citron séchés les voyageurs et, désormais, les villageois
en raffolent ! Des jeunes ont formé une troupe, Karabota (« le réveil des traditions »), pour remettre au goût du jour les danses oubliées de leurs ancêtres, en les revisitant
parfois à coups de coupé-décalé La communauté a dû changer son rythme, prendre ses
marques Mais, au final, l’ensemble des habitants de Zigla est satisfait de pouvoir mettre un peu de beurre dans les gombos ! Une telle initiative n’a pas manqué de susciter des jalousies dans les localités voisines. Pour Bandaogo, cette émulation est constructive
: « Ils voudraient faire mieux que nous et réfléchissent aux moyens d’y parvenir plutôt que de se laisser aller. » Quant à TDS, elle considère l’expérience burkinabè comme une réussite qu’elle souhaite répéter ailleurs Deux villages d’accueil viennent d’ouvrir au Bénin.

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