Voyage en Congolie

Publié le 13 novembre 2006 Lecture : 2 minutes.

C’est Sylvain Bemba, décédé en 1995 en laissant une uvre abondante, en particulier dans le domaine dramaturgique, qui a inventé le mot « Congolie » pour désigner le domaine littéraire spécifique construit par les écrivains du Congo. Au moment de l’indépendance, en 1960, les auteurs de ce pays se comptent pourtant sur les doigts de la main. Parmi eux, Tchicaya U Tam’Si, qui a déjà fait paraître à Paris plusieurs recueils de poèmes (Le Mauvais Sang, Feu de brousse, À triche-cur), et Jean Malonga, dont les romans édités par Présence africaine au début des années 1950 (Cur d’Aryenne, La Légende de M’Pfoumou ma Mazono) font le doyen des lettres congolaises.
Longtemps, le théâtre sera le genre dominant, avec des auteurs comme Guy Menga, Sylvain Bemba et Patrice Lhoni. La production s’accélère et se diversifie à partir de la fin des années 1960. Parmi les poètes, deux auteurs se détachent du lot : Jean-Baptiste Tati-Loutard et Maxime Ndébéka. La nouvelle connaît un essor particulier grâce au même Tati-Loutard (Chroniques congolaises, 1974), ainsi qu’avec les uvres d’Henri Lopes (Tribaliques, 1971), Tchicaya U Tam’Si (La Main sèche, 1980), Tchichelle Tchivela (Longue est la nuit, 1981) ou encore Emmanuel Dongala (Jazz et vin de palme, 1984).
L’expansion du genre romanesque est plus tardive. S’y illustrent notamment Guy Menga (La Palabre stérile, 1968 ; Les Indiscrétions du vagabond, 1974 ; Case de Gaulle, 1984), Henri Lopes (Le Pleurer-Rire, 1982 ; Le Chercheur d’Afriques, 1990 ; Le Lys et le flamboyant, 1997), Emmanuel Dongala (Un fusil dans la main, un poème dans la poche, 1973 ; Le Feu des origines, 1987), Tchicaya U Tam’Si encore (Les Cancrelats, 1980 ; Les Méduses, 1982 ; Les Phalènes, 1984 ; Ces fruits si doux de l’arbre à pain, 1986). D’autres suivront comme Caya Makhele (Le Cercle des vertiges, 1992) ou Daniel Biyaoula (L’Impasse, 1996 ; Agonies, 1998). Ainsi, bien sûr, qu’Alain Mabanckou.
Mais la grande figure des lettres congolaises, c’est incontestablement Sony Labou Tansi. De 1972, année où il écrit sa première pièce (Conscience de tracteur, publiée en 1979), jusqu’à sa mort, en 1995, à l’âge de 48 ans, il compose une uvre monumentale. Son théâtre est d’une verve époustouflante. Dans ses romans (La Vie et demie, 1979 ; L’État honteux, 1981 ; L’Anté-Peuple, 1983 ; Les Sept Solitudes de Lorsa Lopez, 1985 ; Les Yeux du volcan, 1988 ; Le Commencement des douleurs, 1995 ; tous édités par Le Seuil), il raconte des histoires ahurissantes sinon horribles – en partie inspirées par le « réalisme fantastique » des Sud-Américains – qui, parfois, saisissent d’effroi le lecteur.
Si Sony Labou Tansi fait montre d’une exubérance hors norme et excelle à déconstruire la langue française, ce qui le rapproche des autres écrivains de son pays, c’est le regard critique qu’il porte sur le monde environnant. Les Congolais n’ont été que peu influencés par le courant de la négritude. Loin de magnifier l’Afrique ancestrale, ils décrivent, avec humour et parfois férocité, les turpitudes des sociétés africaines contemporaines.
Ainsi, Alain Mabanckou, nonobstant son génie propre, est-il l’héritier d’une tradition littéraire dont la richesse n’a guère d’équivalent dans les autres pays de l’Afrique francophone.

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