Restitutions des œuvres au Bénin et au Sénégal : les députés français votent « pour »

Deux jours après le vote négatif du Sénat, l’Assemblée nationale française a adopté définitivement la loi de restitution des biens promis par le président Emmanuel Macron au Bénin et au Sénégal. Le bras de fer entre les deux chambres du Parlement français va cependant se poursuivre en 2021.

Les portes du palais du roi Gélé, de l’ancien Dahomey, exposées au musée du Quai Branly, à Paris. © Michel Euler/AP/SIPA

Les portes du palais du roi Gélé, de l’ancien Dahomey, exposées au musée du Quai Branly, à Paris. © Michel Euler/AP/SIPA

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Publié le 17 décembre 2020 Lecture : 3 minutes.

Fin de partie, mais pas fin de l’histoire. La Constitution française donnant le dernier mot à l’Assemblée nationale en cas de désaccord avec le Sénat, ce sont bien les députés qui viennent de conclure le long feuilleton de la restitution au Bénin des 26 objets issus du pillage du palais d’Abomey, exposés au musée du Quai Branly-Jacques Chirac à Paris, ainsi que l’officialisation du transfert – déjà effectué physiquement mais présenté comme un prêt – du sabre et du fourreau d’El Hadj Omar Tall au Sénégal.

Avec ce vote, il s’agit « d’accompagner une jeunesse africaine en quête légitime de son identité patrimoniale », a souligné le rapporteur du texte, le député Yannick Kerlogot (LREM, majorité présidentielle), qui a évoqué « l’attente et l’engouement des populations concernées ». La ministre française de la Culture, Roselyne Bachelot, a pour sa part insisté sur le fait que cette loi incarnait la volonté de « renouvellement et d’approfondissement du partenariat entre la France et le continent africain » affichée par l’exécutif français.

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Ce vote vient répondre à celui, négatif, de la chambre haute, mardi 15 décembre. Le président (centriste) de la commission de la Culture du Sénat, Laurent Lafon, avait alors justifié le rejet du texte en affirmant qu’il ne s’agissait « en aucun cas d’un vote contre les restitutions au Bénin et au Sénégal », mais d’une « opposition à la méthode du gouvernement ».

Une méthode en question

Méthode qui consiste, comme dans le cas de la couronne ornant le dais royal de la reine Ranavalona III, exposée depuis 1910 au Musée de l’armée, à Paris, et transférée début novembre à Madagascar, ou des crânes de combattants récemment renvoyés en Algérie, à conclure avec les pays destinataires des « conventions de dépôt » qui ne valent pas transfert définitif de propriété. Et ne contreviennent donc pas au principe légal français d’inaliénabilité des collections possédées par les musées nationaux.

Un procédé aujourd’hui « dévoyé », estime la sénatrice centriste Catherine Morin-Desailly, présidente de la mission d’information sur les restitutions : « Le lendemain de leur arrivée en Algérie, qui s’est faite en catimini, les crânes ont été inhumés. »

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Face à Emmanuel Macron et aux députés de sa majorité, qui veulent aller vite sur le sujet au nom d’impératifs diplomatiques notamment, les sénateurs affirment se poser en garant de la légalité et du respect de critères scientifiques.

C’est d’ailleurs le sens des quinze mesures qu’ils ont présentées le 16 décembre, qui prévoient notamment une « recherche sérieuse de la provenance des œuvres et des objets » détenus par les musées français, une « meilleure contextualisation des œuvres exposées », une « circulation facilitée des œuvres » (y compris françaises), une « conservation des traces » (copies, par exemple) des œuvres restituées et, surtout, la création d’un « Conseil national de réflexion sur la circulation et le retour des biens culturels extra-européens », auquel seraient associés les chercheurs des pays demandeurs.

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Vers une guérilla parlementaire

En bloquant le texte sur les objets béninois et sénégalais, les sénateurs ont donc surtout voulu attirer l’attention sur le sujet des restitutions au sens large. Opposés à la multiplication de textes ad hoc officialisant les transferts d’œuvres au cas par cas, ils continuent à plaider pour une vraie discussion permettant d’élaborer une loi générale sur le sujet.

Démarche nécessaire sur le fond comme sur la forme car, en cas de désaccord sur une loi, les constitutionnalistes français ont prévu une procédure de « navette » entre les deux chambres du Parlement, mais en offrant à l’Assemblée nationale la possibilité de trancher si le débat s’éternise. Le Sénat peut donc se lancer dans une guérilla et s’opposer, au coup par coup, à chaque nouvelle décision de restitution. Mais il perdra à chaque fois et ne peut espérer peser vraiment que dans le cadre de la discussion d’un vrai texte général, déconnecté de tout contexte d’urgence politique liée aux promesses ou aux amitiés du président en place.

La présidente de la mission d’information sur les restitutions, Catherine Morin-Desailly, et ses deux co-rapporteurs, Pierre Ouzoulias (communiste) et Max Brisson (Les Républicains, droite) promettent d’ailleurs le dépôt d’un nouveau texte inspiré par les quinze mesures présentées le 16 décembre ès le début 2021.

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