3 questions à Jean-Pierre Cabestan
Directeur de recherches au Centre national de la recherche scientifique (France)
Publié le 13 novembre 2006 Lecture : 2 minutes.
Jeune Afrique : La Chine est en train de devenir la puissance économique du XXIe siècle, et tout cela est le fait de décisions prises par un Parti communiste. Faut-il y voir une schizophrénie ?
Jean-Pierre Cabestan : Non, le régime est communiste sur le papier, mais il est surtout autoritaire et nationaliste. Sur le plan idéologique, il est beaucoup plus conservateur, confucéen, que communiste. Le marxisme reste une valeur de référence, mais le PCC est avant tout un organe de pouvoir. Il se considère comme le grand ordonnateur du développement économique, le défenseur des intérêts de la nation, le garant de la stabilité sociale et l’arbitre des conflits catégoriels. Et, au final, les mécanismes de marché restent corsetés par l’État.
Quels sont les prochains défis que devra relever Pékin ?
Pékin va devoir effectuer de très gros investissements dans le secteur public, la santé et l’éducation principalement. Il y a aussi la prise en compte des dégâts causés sur l’environnement : 300 millions de Chinois respirent un air pollué. Le régime a-t-il les moyens de relever ces défis ? Et s’il le fait, cela ne risque-t-il pas d’augmenter les coûts de production et de susciter des délocalisations vers d’autres pays encore moins chers ? On touche là aux limites du développement économique qui s’appuie sur une main-d’uvre bon marché et abondante. Si la Chine est l’atelier du monde, pour devenir une véritable puissance technologique elle va devoir monter en gamme.
Et répondre aux revendications sociales qui commencent à apparaître
En effet, les attentes de la société chinoise sont plus fortes qu’il y a vingt ans, d’où les crispations du pouvoir. On constate d’ailleurs une certaine nervosité au sein de l’équipe du président Hu Jintao. Pour l’instant, il n’y a pas de risques majeurs de déstabilisation, mais le régime pourra-t-il contenir sur la durée ces tensions sociales ? La Chine a absolument besoin de maintenir une forte croissance économique pour ne pas voir augmenter le chômage urbain et tenir sous contrôle les revendications sociales.
