Le choix de la continuité

Publié le 13 novembre 2006 Lecture : 3 minutes.

Elue le 9 novembre à la tête de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la Chinoise Margaret Chan est à l’image de l’agence dont elle assurera la direction pendant cinq ans : discrète et efficace. Médecin spécialisé en santé publique, elle a, pendant le mandat de son prédécesseur, le Dr Lee Jong-wook, assuré la direction de trois départements de l’OMS : « protection de l’environnement humain », « alerte et action en cas d’épidémie et de pandémie » et « maladies tropicales négligées ». Ce qui signifie qu’elle a été en première ligne lors des épidémies de syndrome respiratoire aigu sévère (sras) et, plus récemment, de grippe aviaire.
Cette connaissance du « sérail » est une condition que l’assemblée générale de l’agence semble désormais privilégier au moment de la désignation du directeur général. Candidat présenté par la France et favori de nombreux acteurs de terrain, notamment au Sud, Bernard Kouchner l’a appris à ses dépens : il ne figurait même pas sur la liste de cinq candidats admis à participer au « grand oral ». Son activisme et ses nombreux projets de réforme lui ont sans nul doute coûté cher.
Depuis les scandales de corruption qui ont marqué le double mandat du Japonais Hiroshi Nakajima (1988-1998), l’OMS a radicalement changé de style. La Norvégienne Gro Harlem Brundtland, son successeur, a immédiatement imprimé sa marque : prises de position officielles, politique ambitieuse, actions de terrain Les résultats ne se sont pas fait attendre. Dès 2001, grâce à une campagne massive et coordonnée de vaccination, la poliomyélite n’était pas loin d’être éradiquée. Le Dr Brundtland restera également comme l’instigatrice de l’Initiative pour un monde sans tabac et de la convention-cadre mondiale contre le tabagisme. Signée le 21 mai 2003 après des années d’intenses négociations, cette dernière est en fait le premier traité mondial en matière de santé publique. Par ailleurs, l’OMS n’a pas hésité à travailler, sur le terrain, avec diverses organisations humanitaires, certains gouvernements, mais aussi des entreprises privées. Une politique longtemps impensable, mais dont les résultats sont indéniables. Cette hyperactivité tranche avec la relative inertie de beaucoup d’autres agences onusiennes, trop souvent désarmées face à la puissance des États.
Lorsqu’en 2003, Brundtland quitte l’OMS, peu de gens imaginent que son successeur, le Coréen Lee Jong-wook, puisse faire le poids. Pourtant, ce Coréen travaillant depuis vingt ans à l’agence, où il a dirigé le programme d’éradication de la tuberculose et celui des vaccinations, va s’employer à suivre la voie de son prédécesseur, notamment dans la lutte contre le sida. Dès sa prise de fonctions, il lance une initiative très ambitieuse, le « 3by5 », visant à placer sous antirétroviraux 3 millions de personnes originaires du Sud avant la fin de 2005. L’objectif n’a pas été atteint, mais 1 million de Subsahariens bénéficient aujourd’hui de ce traitement – ce qui n’aurait pas été possible sans cette politique volontariste. Le Dr Lee est décédé le 22 mai dernier d’une attaque cérébrale foudroyante.
Désignée par 24 voix contre 10 à Julio Frenk, le ministre mexicain de la Santé, au quatrième tour de scrutin, Margaret Chan a notamment été plébiscitée par l’Afrique (au même moment, de nombreux chefs d’État se trouvaient à Pékin pour le sommet Chine-Afrique). Pourtant, le Sud-Coréen Ban Ki-moon venant d’accéder au secrétariat général de l’ONU, on doutait généralement que l’Asie puisse obtenir la direction générale de l’OMS. Mais le Dr Chan, qui s’est engagée à poursuivre la lutte contre le VIH et les maladies tropicales associées à la pauvreté (le paludisme, par exemple), mais aussi à favoriser la consolidation des systèmes de santé des États membres, était sans doute le bon choix. Celui de la continuité.

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