Pêche : le port de Safi veut retrouver la cote
Autrefois sacré capitale mondiale de la sardine, le port marocain de Safi fait face à une diminution des prises. Comment sauvegarder son industrie de transformation ? Les entrepreneurs étudient toutes les pistes.
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En cette journée ensoleillée de février, il n’y a bien que les mouettes pour donner un semblant de vie au port de Safi. Solidement amarrés, les bateaux ne sont pas sortis. « Il n’y a pas beaucoup de sardines en ce moment. La température de l’eau est trop froide », explique Hassan Saadouni, secrétaire adjoint de la Fédération marocaine des armateurs de la pêche côtière et président de l’Association des commerçants de poissons industriels.
Malgré ce calme apparent, le port du littoral atlantique, sacré capitale mondiale de la sardine dans les années 1960, reste l’un des plus importants du royaume. Près de 130 navires y sont immatriculés, dont 80 sardiniers. Hassan Saadouni se plante fièrement devant l’un d’eux. C’est le bateau de son frère, équipé d’un moteur espagnol et d’un filet flambant neuf venu tout droit de Corée du Sud, qui permet de pêcher jusqu’à 50 m de profondeur.
Les armateurs – au nombre de 45, principalement répartis entre deux fédérations – investissent dans la modernisation de leurs embarcations, remplaçant progressivement leurs navires en bois vétustes. Depuis 2008, un programme national baptisé Ibhar les y aide en subventionnant la construction de bateaux neufs à hauteur de 22%. Une manne pour le chantier naval de Safi, qui jouxte le port. Actuellement, une dizaine de navires y sont en construction ; ils partiront en mer d’ici à quelques mois.
Près de 70% des poissons traités à Safi proviennent désormais du sud, de Dakhla ou de Laayoune.
Tournée vers l’océan
La ville reste tournée vers l’océan, comme ses 550 000 habitants, dont 40 000 sont recensés comme marins. Mais aussi vers l’étranger : ses conserveries, qui emploient 10 000 personnes, travaillent presque exclusivement pour l’exportation.
« Le Maroc est un marché où la concurrence est vive et axée sur les prix », explique Medhi Dhaloomal, secrétaire général de l’Union nationale des industries de la conserve de poisson (Unicop) et directeur général de la conserverie Midav, qui réalise 95 % de son chiffre d’affaires à l’international, dont la moitié via des marques de distributeurs. Sur son bureau sont d’ailleurs fièrement disposées des boîtes aux couleurs de Carrefour et de Dia.
Comme lui, les industriels soulignent l’importance du savoir-faire local en matière de transformation, transmis de génération en génération par les femmes – qui constituent l’essentiel de la main-d’oeuvre. Mais ils doivent faire face à un problème de taille : la diminution des prises. Les statistiques de l’Office national des pêches sont à cet égard sans équivoque. En janvier, 20 000 tonnes de poisson ont été débarquées à Laayoune, contre seulement 1 700 tonnes à Safi. Pas de quoi faire tourner à plein régime les 18 conserveries de la région, dont les capacités de production s’élèvent à 280 000 tonnes par an.
Résultat : « Près de 70% des poissons traités à Safi proviennent désormais des ports du Sud [comme Dakhla ou Laayoune, où les eaux, plus chaudes, sont plus poissonneuses] », confirme Mehdi Dhaloomal, de Midav.
Pénurie
Mohammed Khzami, directeur des sites d’Unimer à Safi, n’est pas près d’oublier les années 2010 et 2011, où une grave pénurie de poisson avait forcé les conserveries de la ville à rester à l’arrêt pendant plusieurs mois. Acteur majeur dans le domaine des conserves de sardines et d’anchois (avec un chiffre d’affaires de 300 millions d’euros en 2012), le groupe coté à la Bourse de Casablanca possède quatre unités de transformation à Safi. En 2012, il s’est même renforcé en acquérant la totalité de l’entreprise locale Consernor. À la clé : deux unités de transformation de sardines et de maquereaux.
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« La sécurisation de l’approvisionnement et la maîtrise de la qualité sur l’ensemble de la chaîne constituent notre priorité », assure Mohammed Khzami. Dans ce but, Unimer s’est doté depuis 2011 de sa propre flotte : deux navires équipés d’un système de refroidissement du poisson (RSW), capables de pêcher toute l’année, y compris par mauvais temps, et de ramener de gros volumes. Ces bateaux, qui opèrent dans l’Atlantique Sud, entre Boujdour et Lagouira, fournissent 50% de la ressource transformée dans les usines du groupe.
En plus de ses deux navires RSW, Unimer a investi dans une unité de surgélation à Agadir et pourrait faire de même à Dakhla et à Safi. « Le projet est à l’étude », confirme Mohammed Edderkaoui, directeur marketing et commercial du groupe. Une piste que son concurrent Midav qui, en 2010 et 2011, a dû se résoudre à transformer du poisson congelé pour éviter le chômage technique, n’exclut pas de suivre. « Prendre des parts dans une unité de surgélation pourrait constituer une solution, admet son directeur général. À nous de nous adapter pour que l’activité de pêche et de transformation de poisson puisse continuer à faire rayonner Safi. »
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