Jean-Jacques Servan-Schreiber

Le fondateur de L’Express s’est éteint le 7 novembre, à l’âge de 82 ans.

Publié le 13 novembre 2006 Lecture : 3 minutes.

Jean-Jacques Servan-Schreiber est mort dans la nuit du 6 au 7 novembre, à l’hôpital de Fécamp, en Normandie. Il était âgé de 82 ans.
En quatrième couverture de l’autobiographie qu’il a publiée en 1991, Passions (Fixot), on peut lire : « Reçu à Polytechnique, il quitte Paris occupé pour rejoindre à 19 ans les forces de la France libre. À 20 ans, il est pilote de chasse entraîné par l’aviation américaine. À 24 ans, Hubert Beuve-Méry lui offre de publier son premier article à la une du Monde. À 26 ans, il devient le collaborateur et l’ami de Pierre Mendès France. À 29 ans, il crée L’Express avec Françoise Giroud. »
Les premiers numéros de L’Express sont proposés en mai 1953 comme un supplément hebdomadaire des Échos, le quotidien économique fondé en 1908 par les frères Robert et Émile Schreiber, l’oncle et le père de Jean-Jacques, « nobles et brillants ancêtres d’une illustre famille ».
La raison d’être de ce premier Express, acteur majeur de la vie politique et culturelle française dans les années 1960, sera le combat anticolonialiste, de l’Indochine à l’Algérie, un combat qui vaudra à l’hebdomadaire de nombreuses saisies. Politiquement, « JJSS » soutient « PMF » – Pierre Mendès France – et contribue en 1954 à son accès à la présidence du Conseil. Suivront les accords de Genève sur l’Indochine et l’autonomie interne reconnue à la Tunisie. JJSS lui-même est rappelé en Algérie : il racontera son expérience dans Lieutenant en Algérie. Journalistiquement, le succès de L’Express est tel qu’il suscite une bonne dizaine d’imitations.
Après les accords d’Évian de 1962, « Jean-Jacques » et « Françoise » comprennent la nécessité de changer la formule de leur hebdomadaire. Fidèle à sa passion pour l’Amérique (celle de John Kennedy, pas celle de Richard Nixon ou de George W. Bush), JJSS prépare méthodiquement, avec l’aide de son frère Jean-Louis, l’importation en France du newsmagazine. Le modèle est Time, non seulement pour la rédaction – précision et human touch – mais aussi pour une gestion appuyée sur la collecte d’abonnements. Cet Express-là – une diffusion de plus de 700 000 exemplaires dans les années 1970 – sera aussi très imité, pas égalé. Même s’il se permet quelques titres de une au bluff comme un « J’ai vu tuer Ben Barka » en 1965. Et si JJSS agace parfois au point que François Mauriac le baptise « Notre Kennedillon ».
La connaissance critique qu’il a de l’Amérique et son goût de l’efficacité lui inspirent en 1967 un livre, Le Défi américain (Denoël), qui est resté le plus grand succès de librairie pour un essai de ce type.
Son incursion en politique à la fin des années 1960 sera moins heureuse. Président du Parti radical, JJSS se fait élire député de Nancy en 1970, mais échoue douloureusement à Bordeaux face à Jacques Chaban-Delmas et est définitivement battu à Nancy en 1978. En 1974, il ne reste que douze jours ministre des Réformes de son condisciple de Polytechnique Valéry Giscard d’Estaing : il démissionne, car il est totalement opposé aux essais nucléaires.
Après avoir vendu L’Express en 1977 à Jimmy Goldsmith, Jean-Jacques Servan-Schreiber s’installera à Pittsburgh, en Pennsylvanie. Dans une biographie intitulée Celui qui voulait tout changer. Les années JJSS (Robert Laffont, 2005), Jean Bothorel cite Georges Pompidou : « JJSS est exceptionnellement intelligent. Hélas ! il a un chromosome en trop. » Mais Bothorel conclut : « Le bilan de Jean-Jacques Servan-Schreiber est plutôt glorieux Il fut le meilleur et le premier pédagogue de la révolution informatique, de la société postindustrielle dans laquelle nous sommes dorénavant installés. »
Le secret de cette « influence » qu’il tenait absolument à exercer ? L’une des personnes qui l’ont le mieux connu, Françoise Giroud, a écrit dans Si je mens (Stock, 1972) : « Jean-Jacques Servan-Schreiber a cette façon particulière d’ignorer la face noire des autres. De jouer toujours leur face blanche. Leur bon côté, comme on dit, plutôt que leur mauvais. C’est le bon qu’il voit et dont il a mis souvent en lumière des richesses que les intéressés eux-mêmes ne savaient pas qu’ils recelaient. C’est pourquoi les gens lui en veulent tant quand ils perdent, pour une raison ou pour une autre, le contact avec lui. »

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