[Tribune] La pandémie de Covid-19, une chance pour le Sahel ?

La pandémie a de lourdes conséquences au Sahel, où la moitié de la population vit déjà dans le dénuement. Une action urgente et globale y est nécessaire.

Une femme et ses enfants à Louri, au Tchad, le 1er novembre 2012. © Rebecca Blackwell/AP/SIPA

Une femme et ses enfants à Louri, au Tchad, le 1er novembre 2012. © Rebecca Blackwell/AP/SIPA

NJOYA TIKUM © DR
  • Njoya Tikum

    Coordinateur régional, Hub Afrique de l’Ouest et du Centre, Programme des Nations unies pour le développement (Pnud)

Publié le 10 janvier 2021 Lecture : 3 minutes.

L’Afrique a beau figurer parmi les régions les plus épargnées par le coronavirus, la crise n’en a pas moins de graves répercussions au Sahel, l’une des régions les plus fragiles du continent. Selon les Nations unies, environ 30 millions de ses habitants, soit 9 % de la population, ont basculé cette année dans la pauvreté, en raison des fermetures de frontières et de la diminution de l’activité.

Et ce, alors que la moitié de la population vit déjà dans le dénuement. Quelque 24 millions de Sahéliens ont besoin d’aide humanitaire et de protection. C’est un million de plus qu’en 2019. Il ne faut pas se voiler la face : une régression est possible en matière de développement, en particulier dans l’atteinte des objectifs de développement durable (ODD).

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Avec la crise liée au Covid-19, tout est-il à réinventer dans des États fragiles (comme le Burkina Faso, le Tchad, le Mali et le Niger), situés en toute fin de liste dans l’indice de développement humain (IDH) du Pnud ? La pandémie a révélé à quel point l’ère digitale peut être source de solutions, en permettant la poursuite du travail à distance.

Dans cinq des dix pays du Sahel, des « laboratoires d’accélération » ont été créés, afin de stimuler la créativité de la jeunesse locale, de trouver des solutions concrètes de développement, notamment dans les zones rurales, et de les répliquer ailleurs. Parce qu’il n’est accessible qu’à quelques-uns, le numérique ne suffira cependant pas à lui seul à redresser des économies, à prévenir des conflits, à stabiliser, transformer et soutenir des États.

Reconstruire en mieux

Que faire ? Le Pnud intervient sur plusieurs fronts – la jeunesse, la gouvernance et l’énergie renouvelable – en appliquant la philosophie des « trois B » : « Build Back Better ». Ce mot d’ordre a été inventé par la délégation japonaise qui participait à la conférence des Nations unies sur la réduction des risques de désastres naturels, en 2015, puis popularisé par les démocrates, aux États-Unis. L’idée consiste à retourner une situation désastreuse en s’en servant comme point d’appui pour reconstruire… en mieux.

Avec 1 200 personnes réparties par équipes entre dix pays et un budget – encore insuffisant – de 250 millions de dollars pour 2020, sur les 5,6 milliards que l’on estime nécessaires pour couvrir les années 2020-2025, le Pnud se donne pour priorité de stabiliser les zones de conflit. Autrement dit, de favoriser un retour à une vie normale dans le bassin du lac Tchad, le centre du Mali et la zone du Liptako-Gourma, à la frontière du Mali, du Niger et du Burkina Faso.

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Grâce aux principaux donateurs du Pnud (Allemagne, Suède, Grande-Bretagne et Pays-Bas), cet objectif se traduit, dans le nord du Nigeria, par des opérations très concrètes : construction de maisons, de places de marché, de cliniques et d’écoles, afin de restaurer le contrat social à un niveau local. Outre la coopération civile et militaire que requiert la stabilisation, l’on envisage de créer des activités rémunérées pour les jeunes, afin d’empêcher leur recrutement par des groupes armés.

Répercussions mondiales

Ailleurs, la prévention passe par des programmes urgents de développement communautaire, mis en œuvre par les autorités locales et nationales. Au Sénégal, ce type de projet a permis d’atteindre plus rapidement 16 des 17 ODD, par la construction de routes et le raccordement au réseau d’électricité de 2 millions de villageois. La réouverture du corridor commercial entre le Cameroun et le Nigeria en 2019, après cinq ans de fermeture, a bénéficié à ces pays, ainsi qu’au Tchad, à la Centrafrique et à la RD Congo.

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Une action urgente et globale est nécessaire au Sahel, avec une approche différenciée en fonction des pays et de leurs trajectoires de développement. L’ampleur des défis requiert des changements majeurs, ardemment espérés et déjà portés par les différentes communautés de la région.

Aucune entité n’étant en mesure de tout résoudre, seul un travail acharné sur le terrain, les partenariats et l’innovation permettront d’avancer à nouveau vers les ODD. Face au risque de contagion des conflits armés dans des pays du Golfe de Guinée, l’investissement dans le capital humain, la bonne gouvernance locale, la paix et la prospérité sont plus que jamais des priorités. Car les répercussions de la situation au Sahel ne sont pas seulement africaines, mais mondiales.

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