Côte d’Ivoire : vers un rebond dans le coton ?
Utilisation de nouvelles semences, formation des cultivateurs, réorganisation des coopératives : la filière coton en Côte d’Ivoire tente de sortir du marasme. Avec un certain succès.
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Avec un objectif de production fixé à plus de 360 000 tonnes pour la campagne 2013-2014, la Côte d’Ivoire semble décidée à miser à nouveau sur la filière cotonnière. Pour y parvenir, l’État a créé en octobre 2013 un Conseil du coton et de l’anacarde, sur le modèle de l’organe chargé du café et du cacao. Cette décision sonne le retour des pouvoirs publics dans la gestion d’une filière auparavant pilotée par Intercoton, l’association interprofessionnelle réunissant producteurs et égreneurs.
À 350 000 tonnes, la récolte ivoirienne se rapproche de celles du Burkina et du Mali voisins.
Une évolution bienvenue après des années de crise. Les impayés de La Compagnie cotonnière ivoirienne (LCCI) de Sidi Mohamed Kagnassi, qui a fait faillite en 2008, auprès des producteurs avaient atteint 2 milliards de F CFA (environ 3 millions d’euros), et les retards de paiement cumulés de la Compagnie ivoirienne pour le développement des textiles (CIDT) et d’Ivoire Coton (groupe IPS) culminaient à 1,6 milliard de F CFA. Au total, les dettes des entreprises de la filière avaient dépassé 7 milliards de F CFA. L’or blanc avait perdu de son éclat, faisant chuter le nombre de producteurs de 69 000 en 2000 à 42 000 en 2009. Le chiffre serait aujourd’hui remonté à 115 000.
C’est l’Union européenne (UE) qui, en apportant 4 milliards de F CFA en 2008, a évité l’effondrement du secteur. « Elle a joué un rôle décisif et a permis à beaucoup de petits producteurs de renouer avec la culture du coton », confirme Raphaël Manan Ouattara, l’un des leaders paysans de la filière.
l'image" class="caption" style="margin: 4px; border: 0px solid #000000; float: left;" />L’UE a investi plus de 2 milliards de F CFA dans le projet de culture attelée (ayant recours à des animaux de trait), financé la formation des producteurs et des responsables de coopératives, la réhabilitation de leurs sièges et de leur équipement informatique. Enfin, elle a lancé un processus de regroupement des coopératives du secteur afin de limiter leur éparpillement.
Variétés
Tous ces efforts ont eu un effet positif sur la production, qui est passée de plus de 185 000 tonnes en 2010 à 350 000 t en 2013, se rapprochant de celles du Burkina (500 000 t) et du Mali (480 000 t) voisins. Cette progression tient également à l’introduction de semences fournies par le Centre national de recherche agronomique. De nouvelles variétés qui ont permis d’augmenter les rendements : entre 900 kg et 1,1 t par hectare lors de la dernière campagne, contre 644 kg en 2007.
Cette embellie s’est traduite par la montée en puissance de la Compagnie ivoirienne de coton (COIC) et de la Société d’exploitation cotonnière (Seco, filiale du singapourien Olam), créées sur les cendres de l’ex-LCCI. Cependant, la production reste insuffisante pour faire fonctionner à plein régime les usines d’égrenage, dont la capacité approche les 600 000 t.
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Prix
Pour Raphaël Ouattara, gérant de la coopérative CEAK, les prix payés aux producteurs doivent encore grimper pour rendre la filière attrayante. « Le prix bord champ devrait atteindre 300 F CFA par kilo, mais il est de 250 F CFA pour le coton de premier choix. Intercoton privilégie toujours les industriels », estime-t-il.
Bamba Adama, de l’Union des coopératives agricoles Bafimé Côte d’Ivoire, juge également qu’il faut revoir le mécanisme de subvention, désormais géré par le Conseil du coton et de l’anacarde. Leur attribution est sujette à caution : les producteurs les plus en pointe pour la défense de leurs intérêts face au président d’Intercoton, Tuo Lacina, soupçonné de faire le jeu des industriels, auraient vu leurs aides disparaître.
Enfin, le projet de zoning, qui consiste pour l’État à lier des producteurs d’une zone géographique donnée à une seule société cotonnière, constitue un autre point de discorde. Échaudés par la faillite de LCCI, les récoltants ne veulent plus dépendre d’un unique acheteur. Des dossiers chauds que l’État devra gérer avec tact s’il ne veut pas entraver le redécollage de la filière.
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