Bolloré, CMA CGM, DP World, Arise… tous en quête de projets portuaires « raisonnables »

La construction de nouveaux grands ports se fait rare, mais les leaders mondiaux du secteur ne délaissent pas l’Afrique – de l’Égypte au Nigeria en passant par le Cameroun et l’Angola – pour autant. Ils cherchent désormais des projets efficaces de taille plus modeste.

Port de Tin Can Island, à Lagos, au Nigeria © Gwenn DUBOURTHOUMIEU pour JA

Port de Tin Can Island, à Lagos, au Nigeria © Gwenn DUBOURTHOUMIEU pour JA

Publié le 23 décembre 2020 Lecture : 3 minutes.

Port d’Owendo, Gabon. © DR
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Ports africains : accélérer les mutations grâce aux PPP

Alors que les performances des plus grands ports du continent se sont nettement améliorées ces dix dernières années, notamment à Tanger Med, Port-Saïd, Durban et Djibouti, il reste beaucoup à faire pour les autres havres, de taille régionale ou nationale.

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Le gouvernement fédéral du Nigeria a approuvé le 16 décembre le projet de construction d’un port en eau profonde ex nihilo, dit IDSP (Ibom Deep Sea Port), dans l’État d’Akwa Ibom, frontalier du Cameroun.

Ce projet a été rendu public, fin 2019, quand Bolloré et le groupe public chinois PowerChina ont annoncé avoir remporté une concession de 50 ans pour développer et opérer ce port.

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Une facture de 2 milliards de dollars au Nigeria

Sa construction nécessitera de très gros travaux, avec le dragage d’un chenal de plus de 20 km à – 18 mètres de tirant d’eau, la réalisation d’une digue de 1,1 km de long et 2,5 km de quai, avec un tirant de 16 mètres.

Le potentiel du pays est important mais les ressources pétrolières se sont taries.

Une facture estimée à plus de 2 milliards de dollars pour la seule première phase. La capacité promise, à un horizon non encore fixé, est de 2,2 millions de conteneurs EVP, soit plus du double du trafic actuel des deux grands ports de Lagos (Apapa et Tincan).

Quand ce projet verra-t-il le jour ? Mystère… Le potentiel du Nigeria est important mais les ressources engendrées par l’activité pétrolière se sont taries.

Un autre projet, financé par les capitaux chinois avec CMA CGM comme futur exploitant, est en cours à Lekki, dans le grand Lagos, avec un premier navire attendu en 2023 si tout va bien. Plus de dix ans après l’annonce du projet.

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Abu Qir, mise en service espérée en 2022

Auteur, avec l’Africa CEO Forum, d’un rapport sur les ports africains, le consultant d’Okan partners, Amaury de Féligonde, prévient : « Attention aux éléphants blancs ! Il faut que chaque euro investi dans un port soit mûrement réfléchi. »

Les investissements de prestige, visant à se doter d’un hub, sont parfois peu rentables. Alors que Tema et Tanger Med 2 sont en phase d’achèvement et que le TC2 d’Abidjan est en plein chantier, le projet nigérian est l’un derniers grands projets africains dits greenfield (un port construit de toutes pièces) dans les cartons avec Abu Qir, en Égypte, à une vingtaine de kilomètres à l’est d’Alexandrie. 

La décennie qui s’achève a suscité l’appétit des grands opérateurs portuaires internationaux

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Mené par le géant portuaire de Hong Kong Hutchison, dans le cadre d’une coentreprise avec la Marine égyptienne qui y exploite une base navale, il consiste à créer 1 200 mètres de quai et 60 hectares de terminal. Le projet s’élève à 730 millions de dollars, financé à 50/50 par Hutchison et l’État égyptien. La mise en service est espérée en 2022 et renforcerait le bastion alexandrin du groupe chinois.

Les leaders et leurs concurrents ont tous répondu présent

La décennie qui s’achève a suscité l’appétit des grands opérateurs portuaires internationaux, tous désormais présents en Afrique. Les trois grands armateurs européens MSC (TIL), Maersk (APM terminals) et CMA CGM (CMA terminals) sont bien implantés, associés ou concurrents du leader Bolloré. Mais le singapourien Arise, le philippin ICTSI, l’émirati DP World, le chinois China Merchants ont obtenu aussi de beaux succès.

Le ticket d’entrée pour obtenir une concession peut aller jusqu’à 300 millions de dollars.

Après l’ancrage d’Hutchison en Égypte, ne manquent finalement que le chinois Cosco (à l’exception d’un strapontin à Port-Saïd) et le singapourien PSA international. Le géant de Singapour a néanmoins concouru à l’appel d’offres de Douala et son nom est le premier cité pour la concession du futur terminal polyvalent d’Alexandrie prévu pour 2023 (quai à conteneur de 950 mètres, avec un tirant d’eau de 17 mètres, soit une capacité de 1,5 à 2 millions de conteneurs EVP par an).

Le ticket d’entrée pour obtenir une concession en Afrique est désormais de 100, 200, voire 300 millions de dollars. 

DP World se reprend

Les derniers projets ne sont néanmoins plus des hubs mais des terminaux plus modestes dédiés à la desserte des hinterlands terrestres. Meilleur exemple, l’arrivée de DP World, après une bataille finale avec CMA CGM et ICTSI, pour développer le nouveau terminal polyvalent de Luanda dans le cadre d’une concession de vingt ans annoncée cet automne. Un succès symbolique pour le groupe émirati qui fait du surplace en Afrique depuis son éviction brutale de Djibouti en 2018 et qui se présente aujourd’hui, au-delà d’un opérateur portuaire, comme un groupe logistique intégré.
Le projet dans la capitale angolaise est significatif, à la fois de la volonté des grands groupes portuaires internationaux de poursuivre leur percée en Afrique, mais aussi du retour à une certaine modestie dans les projets. Pour ce terminal, qui était l’appel d’offres le plus disputé de l’année, on ne parle pas de hub XXL mais de port au service de l’économie angolaise, avec 190 millions de dollars d’investissement sur 20 ans pour le concessionnaire.

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