[Tribune] Algérie-France : Abdelmadjid Chikhi intransigeant sur la restitution des archives coloniales
Le directeur des archives algériennes réclame aux autorités françaises la totalité des archives coloniales, dénonçant les « faux prétextes » dont userait Paris à ce sujet.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 22 décembre 2020 Lecture : 2 minutes.
Chargé, en juillet dernier, de travailler sur la mémoire de la colonisation et de la Guerre d’Algérie, de concert avec l’historien français Benjamin Stora, le directeur des archives algériennes vient de lancer, ce 21 décembre, un appel aux autorités françaises. Plutôt cinglant, Abdelmadjid Chikhi réclame « la totalité » des archives françaises qui concernent la présence coloniale en Algérie, une période qui va de 1830 à 1962.
Il justifie son ton peu diplomatique par la dénonciation de « faux prétextes » dont userait la France, comme « la déclassification de nombre d’archives pourtant réunies depuis plusieurs décennies ». Il s’exprimait lors d’une conférence de presse au siège de la radio publique à Alger.
À ceux qui voudraient noyer le poisson de la mémoire dans des négociations potentiellement interminables, Abdelmadjid Chikhi tranche à l’avance en indiquant : « Les demandes de la partie algérienne sont claires et ne nécessitent pas de concertations ».
Affabilité et intransigeance
Tissant affabilité et intransigeance, il évoque tout à la fois « les relations apaisées et équilibrées » auxquelles chacun doit œuvrer, dans la gestion commune d’un passé qui « ne saurait être effacé ou oublié » et la législation française critiquable sur la gestion des archives publiques. Car si la France a restitué à l’Algérie une partie des archives concernant celle-ci, elle a jusque-là conservé le stock relatif à l’histoire coloniale qu’elle indique relever de sa souveraineté.
Si le directeur des archives algériennes considère que la mémoire archivée est « inaliénable et imprescriptible », il n’ignore pas que les anciens combattants algériens avides de vérité subissent, eux, les affres du temps, six décennies après le dernier voyage du général de Gaulle en Algérie. N’est-il pas temps de prendre Emmanuel Macron au mot, lui qui est né quinze ans après les accords d’Evian ?
Comment « regarder » ce passé, sans consulter l’intégralité des traces archivées ?
Ces mots de Macron, ce sont ceux qu’il prononça, alors qu’il n’était que candidat à l’élection présidentielle de son pays. Dans une interview à la chaîne algérienne Echorouk News diffusée le 14 février 2017, le futur chef de l’État avait qualifié la colonisation de « crime contre l’humanité » et de « vraie barbarie ». Il évoquait une période coloniale que chacun devait « regarder en face » en présentant aussi des « excuses à l’égard de celles et ceux envers lesquels » des gestes condamnables avaient été commis. Comment « regarder » ce passé, sans consulter l’intégralité des traces archivées ?
Les mots de Macron qu’il faut également prendre au pied de la lettre sont ceux qu’il a régulièrement prononcés à propos des archives de toute période historique. En janvier dernier, au Mémorial de la Shoah, le président français rappelait l’importance des archives dans le travail des historiens et plus largement dans « la lutte contre l’oubli et tout négationnisme ». Plus spécifiquement sur le terrain africain, c’est devant des étudiants burkinabè, six mois après son élection, qu’il promettait la déclassification de « tous les documents produits par les administrations françaises pendant le régime de Thomas Sankara », icône justement anticolonialiste.
Le gage de transparence vaut-il moins pour un président en quête de réélection que pour un candidat ou un chef de l’État frais émoulu ? La réaction que suscitera Abdelmadjid Chikhi répondra sans doute à cette question…
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