Avec Habib Bahri, la Tunisie a son épicerie fine
La société Baba Bahri, créée il y a un an par le Tunisien Habib Bahri, commercialise des produits bio, traditionnels, et permet aux merveilles culinaires de franchir les frontières du pays.
« C’est quand on s’éloigne de chez soi que l’on prend conscience des trésors qu’il y a dans son pays… » Habib Bahri s’excuse : la phrase est un peu banale, mais elle résume bien l’aventure culinaire qu’il mène depuis un an avec Baba Bahri. Sa société commercialise des produits d’excellence utilisés dans la gastronomie tunisienne, depuis la harissa et la bsissa artisanales jusqu’aux feuilles d’olivier bio.
Habib, grand gaillard de 38 ans au regard doux, est né et a grandi à Tunis. Mais ses études d’ingénieur agroalimentaire et une furieuse envie de parcourir le monde l’entraînent au Canada et au Pérou. Il passe également par Dubaï pour travailler dans les eaux minérales développées par le groupe Danone, participant notamment au festival Omnivore, qui réunit de jeunes chefs autour d’événements sponsorisés par Badoit, et travaillant pour la marque Les 2 vaches (les produits laitiers bio de la multinationale).
« J’ai appris ce qu’était l’excellence culinaire, souligne Habib Bahri. Mais j’ai aussi compris que des géants comme Thierry Marx pouvaient se passionner pour le casse-croûte tunisien et la harissa. Quant au travail sur le bio, il m’a amené à m’intéresser un peu plus à la biodiversité, au bien-être animal, à la rémunération juste des agriculteurs, à l’empreinte carbone… »
Bio et vegan avant l’heure
Son travail le passionne, mais il sent un besoin de se reconnecter avec son pays d’origine. « Quand je passais en Tunisie, je rapportais à mes amis des olives, du thym, des produits naturels très simples que je leur faisais découvrir… Chaque fois, ils étaient surpris et enthousiasmés par ces dégustations informelles, et finissaient par me passer des commandes ! »
Les produits de Baba Bahri pourraient bien débarquer en Tunisie d’ici un an
L’ingénieur prend conscience du manque de connaissance et de reconnaissance de la gastronomie tunisienne à l’extérieur du pays. « Il y a deux ou trois chefs tunisiens emblématiques en France, comme Nordine Labiadh, qui vient de publier un livre sur le couscous [Couscous pour tous, Éditions Solar, 24,90 €]. Mais les défenseurs de notre gastronomie sont assez rares alors que nous possédons un formidable patrimoine culinaire, et que notre cuisine peut facilement être vegan ou végé. Elle s’accorde à l’air du temps. »
De là naît l’idée de créer Baba Bahri, en rassemblant le meilleur et le plus sain de ce qui se mange en Tunisie. Les produits d’épicerie fine séduisent immédiatement. La société créée en novembre 2019 alimente déjà une dizaine de boutiques entre Paris, Lyon et Marseille. Un service de livraison permet de profiter de ses douceurs partout en France. Et bientôt, « peut-être d’ici un an », des débouchés seront créés en Tunisie.
https://www.instagram.com/p/CFHOflchdeZ/
La force de Baba Bahri ? Les produits sont beaux, bons et font du bien. D’abord grâce au choix assez naturel du bio. « On ne devient pas bio du jour au lendemain, remarque Habib. Il y a tout d’abord une période de conversion à respecter, bien qu’en Tunisie, beaucoup des cultures traditionnelles comme celle de l’olivier reposent déjà sur des pratiques respectueuses. On évolue sur le temps long et avec des investissements conséquents. »
Recettes authentiques
La qualité repose aussi sur des recettes authentiques. La harissa, par exemple, n’a rien à voir avec les produits de grande surface comme Le Phare du Cap Bon. Réalisée à partir d’ail, de carvi, de coriandre, d’huile d’olive et évidemment de piment, elle privilégie la saveur sur le piquant, et développe en bouche un fabuleux petit goût fumé. Les zitouns (olives) noires bio sont de variété chetoui ou chemlali, récoltées à pleine maturité, cueillies à la main et préparées de façon traditionnelle.
Derrière ces classiques, il y a des propositions plus ambitieuses, comme cette bsissa artisanale au Caroube, méconnue en France. « En Tunisie, c’est une préparation ultra-classique, qu’on trouve partout, rappelle le patron. Dans la nôtre, on a mis du blé, du pois chiche, des gousses de caroube torréfié et moulu. Il suffit de prendre cette poudre, de rajouter de l’huile, du miel, dans une petite coupelle, pour la déguster. On peut aussi ajouter à l’envie des figues, des amandes, des noix, des dattes… »
Son projet ? Bâtir un pont gastronomique entre les rives de la Méditerranée
Habib Bahri n’est pas sectaire. Il se rappelle, amusé, de sa grand-mère danoise qui mélangeait la bsissa au skyr (fromage blanc scandinave…) et sourit à l’idée que sa harissa puisse être mélangée un jour à un pot-au-feu.
Son projet ? Bâtir un pont gastronomique entre les rives de la Méditerranée… et peut-être bien au-delà. Il fournit déjà ses ingrédients à des chefs étrangers, comme l’Italien Fabrizio Ferrara (restaurant Osteria Ferrara) ou le Japonais Sugio Yamaguchi (Botanique). Le patron, qui prône une « cuisine vivante qui se réinvente et se laisse réinventer », tend finalement un miroir à la gastronomie de son pays, lui permettant d’apprécier toutes les merveilles de son patrimoine culinaire.
La Matinale.
Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus – Culture
- Algérie : Lotfi Double Kanon provoque à nouveau les autorités avec son clip « Ammi...
- En RDC, les lampions du festival Amani éteints avant d’être allumés
- Trick Daddy, le rappeur qui ne veut pas être « afro-américain »
- Au Bénin, « l’opposant sans peur » à Patrice Talon emprisonné
- RDC : Fally Ipupa ou Ferre Gola, qui est le vrai roi de la rumba ?