Ce qu’il faut retenir de la rencontre de Mohammed VI, Jared Kushner et Meir Ben Shabbat
Le monarque a présidé la signature d’un accord historique tripartite entre le Maroc, Israël et les États-Unis. Objectif : concrétiser rapidement les annonces effectuées par le président Trump le 10 décembre.
Le roi Mohammed VI a reçu, en présence du prince héritier Moulay El Hassan mardi 22 décembre en fin de journée au Palais royal de Rabat, une délégation américano-israélienne conduite par le gendre et conseiller principal de Donald Trump, Jared Kushner. Il était accompagné, côté américain, par Avi Berkowitz, assistant spécial du président américain et représentant spécial pour les négociations internationales, et, côté israélien, par Meir Ben Shabbat, conseiller à la sécurité nationale d’Israël et chef d’état-major pour la sécurité nationale.
Plus tôt dans l’après-midi, immédiatement après son arrivée à l’aéroport de Rabat-Salé, la délégation s’était rendue au Mausolée Mohammed V. Là, ses membres ont déposé une gerbe de fleurs et se sont recueillis à tour de rôle sur la tombe du père et du grand-père de Mohammed VI, les rois Mohammed V et Hassan II, qui occupent tous deux une place particulière dans la mémoire de la diaspora juive marocaine.
Une déclaration historique
Au cours de cette audience, à laquelle ont assisté Adam Seth Boehler, PDG de la société de financement du développement international des USA, le conseiller royal Fouad Ali El Himma, Saâdeddine El Othmani, le chef du gouvernement, et Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères (MAE), les trois parties ont convenu d’une feuille de route tripartite. Objectif : concrétiser rapidement les annonces effectuées par le président Trump le 10 décembre, à savoir la reconnaissance de la marocanité du Sahara et la reprise des mécanismes de coopération avec Israël.
L’audience s’est soldée par la signature d’une déclaration commune par Saâdeddine El Othmani, Jared Kushner et Meir Ben Shabbat, sous l’égide du roi Mohammed VI.
« La Déclaration conjointe, signée devant Sa Majesté, fera office de feuille de route sur laquelle les trois pays travailleront aux niveaux de la question du Sahara marocain, des relations maroco-israéliennes et de l’instauration de la paix et la stabilité dans le Moyen-Orient », a déclaré Nasser Bourita, lors du point presse qui s’est tenu à l’issue de cette signature. Un point de presse où se sont relayés sur l’estrade du Palais royal le MAE marocain, Jared Kushner et Meir Ben Shabbat, qui s’est exprimé à l’occasion en darija marocaine et en hébreu.
Qualifiée d’historique par la partie américano-israélienne, cette déclaration signée devant le roi constitue le cadre qui régira les relations entre les trois parties à l’avenir. En voici les grandes lignes.
- Marocanité du Sahara et ouverture d’un consulat US à Dakhla
Les trois parties y louent la proclamation faite par le président Trump, reconnaissant la marocanité du Sahara et réaffirmant le caractère crédible, sérieux et pragmatique du plan marocain d’autonomie, comme seule base d’une solution juste et durable du conflit.
Les trois pays signataires stipulent également que les États-Unis « encourageront le développement économique et social avec le Maroc, y compris sur le territoire du Sahara occidental, et, à cette fin, ouvriront un consulat sur le territoire du Sahara occidental, à Dakhla, pour promouvoir les opportunités économiques et commerciales en faveur de la région.
Pour le Sahara, l’autonomie sous souveraineté marocaine est l’unique choix réaliste
Sur la question du Sahara, Jared Kushner a relevé dans sa déclaration à la presse que chacune des administrations américaines, depuis celle du président Bill Clinton, a affirmé son soutien à l’initiative « sérieuse, crédible et réaliste » du Maroc. « Pour le Sahara, l’autonomie sous souveraineté marocaine est l’unique choix réaliste », a-t-il insisté.
En annonçant sa reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara, le président Donald Trump « rejette le statu quo qui ne bénéficie à personne, et choisit d’aller vers une solution juste, durable et mutuellement acceptable, une solution qui a du sens et qui a plus de chance d’améliorer le quotidien des gens », a précisé le Conseiller du président américain.
Par ailleurs, le haut responsable a déclaré attendre « avec impatience » l’ouverture du consulat américain à Dakhla « pour faire avancer davantage les efforts diplomatiques et cueillir les fruits des efforts tangibles du Maroc en faveur des Provinces du Sud et au-delà », estimant qu’il est « grand temps de placer toute la région et ses populations sur un « chemin de transformation réelle vers davantage de paix, de stabilité et prospérité ».
- Réouverture des bureaux de liaisons à Rabat et Tel-Aviv dans moins de deux semaines
« Le souverain a confirmé l’intention du royaume du Maroc et de l’État d’Israël de reprendre sans délai les contacts officiels pleins et entiers entre homologues marocains et israéliens et d’établir des relations diplomatiques complètes, pacifiques et amicales », indique le communiqué du cabinet royal publié ce 22 décembre.
De son côté, Nasser Bourita a précisé devant le parterre de journalistes présents à la conférence de presse que les bureaux de liaison, fermés depuis 2002, seront rouverts dans les deux semaines qui viennent.
Sur ce registre et pour faciliter les échanges diplomatiques, un accord entre Rabat et Tel Aviv a ainsi été signé portant sur l’exemption de formalités de visa qui s’applique aux détenteurs de passeports diplomatiques et de service.
- Autorisation des vols commerciaux Maroc-Israël
« Rappelant l’entretien entre SM le Roi et le président américain, le souverain a confirmé l’intention du royaume du Maroc et de l’État d’Israël d’accorder les autorisations de vols directs entre le Maroc et Israël, y compris via les compagnies aériennes israélienne et marocaine et d’octroyer des droits de survol », souligne le communiqué du cabinet royal. Un engagement qui s’est matérialisé par la signature d’un mémorandum d’entente entre Rabat et Tel-Aviv dans le domaine de l’aviation civile.
- Soutien à la paix et à la cause palestinienne
« Je suis particulièrement reconnaissant à Sa Majesté le Roi Mohammed VI pour son leadership visionnaire, qui place le Maroc et l’ensemble de la région sur une trajectoire très prometteuse », a lancé Jared Kouchner lors du point presse qui s’est tenu à l’issue de la signature, devant le souverain, d’une Déclaration Conjointe entre le Maroc, les Etats-Unis et l’Etat d’Israël.
De son côté, « le souverain a félicité Jared Kushner pour le travail substantiel accompli depuis sa visite au Maroc en mai 2018, et qui a permis de réaliser ce tournant historique en faveur de l’intégrité territoriale du Maroc et ce développement prometteur pour la paix au Moyen Orient », précise le communiqué de la Maison royale, qui insiste sur « la position cohérente, constante et inchangée du royaume sur la question palestinienne, basée sur la solution à deux États vivant côte à côte, dans la paix et la sécurité ; les négociations entre les parties palestinienne et israélienne comme seul moyen de parvenir à un règlement global et définitif ; et l’attachement de Sa Majesté le Roi, président du Comité d’Al Qods, à la sauvegarde du caractère musulman de la Ville Sainte ».
- Liens particuliers avec la communauté juive marocaine
Par ailleurs, s’adressant au Conseiller à la sécurité nationale de l’État d’Israël, Meir Ben Shabbat, le monarque a souligné les liens particuliers avec la communauté juive marocaine, et notamment ses membres occupant des postes de responsabilité en Israël.
De son côté, Meir Ben Shabbat a exprimé, au nom du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, sa « profonde estime » au roi Mohammed VI pour son « leadership courageux et sa vision éclairée », marquant sa déférence lors de l’audience par le traditionnel « Allah ibarek fe3mer Sidi ».
Il s’est dit « fier de se retrouver au royaume à la tête d’une délégation israélienne officielle pour établir des relations avec le Maroc », convaincu que les « liens entre le Palais Royal, et en fait l’ensemble des Marocains, avec les juifs du Maroc constitueront un pont entre les deux pays, et l’une des fondations de la paix entre les deux peuples ».
le « lay barek f3mer sidi » est magnifique pic.twitter.com/SF3LSio9OH
— Hatimuuus© (@Hatimuuus) December 22, 2020
Le responsable israélien s’est montré ému, particulièrement touché par cette visite à un pays qui a vu naître son père, sa mère et ses frères, « ainsi que des milliers de juifs d’origine marocaine », soulignant que les us et coutumes des juifs marocains « se perpétuent » en Israël à travers les générations actuelles.
- Coopération économique et technologique Maroc-Israël
Rappelant son entretien avec le président Trump, le monarque « a confirmé l’intention du Maroc et d’Israël de promouvoir une coopération économique bilatérale dynamique et innovante », indique le communiqué du cabinet royal, « et de poursuivre la coopération dans les domaines du commerce ; de la finance et de l’investissement, en matière d’innovation et de technologie ; d’aviation civile ; de visas et de services consulaires ; de tourisme ; d’eau, d’agriculture et de sécurité alimentaire ; de développement ; d’énergie et de télécommunications ; et dans d’autres secteurs qui pourraient être définis d’un commun accord ».
De son côté, le Conseiller à la sécurité nationale d’Israël a tenu à souligner les « possibilités sans limites » de coopération avec le Maroc dans les domaines de l’aviation, de la créativité, des sciences, de la santé et de l’agriculture, entre autres.
Sur ce registre, outre les deux accords sur l’aviation civile et l’exemption de formalités de visas pour le personnel diplomatique, deux autres accords ont été signé entre les deux États. Le premier portant sur les domaines des Finances et de l’investissement, le second portant sur la coopération technique en matière de gestion et d’aménagement de l’Eau.
- 3 milliards de dollars d’investissements américains
Avec les États-Unis, il a été procédé également lors de cette visite à la signature d’un mémorandum d’entente entre le gouvernement marocain et la « United States International Development Finance Corporation » (DFC), en vue de fournir un soutien financier et technique à des projets d’investissement privés, d’un montant de 3 milliards de USD, au Maroc et dans les pays d’Afrique subsaharienne, en coordination avec des partenaires marocains.
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