Tunisie : Nabil Karoui de retour à la case prison
L’homme d’affaires Nabil Karoui, patron de la chaîne Nessma TV et candidat malheureux à la présidentielle de 2019, a été placé jeudi sous mandat de dépôt dans une affaire de blanchiment d’argent qui le poursuit depuis 2017.
Dans les milieux politiques tunisiens, la nouvelle était attendue. Depuis plusieurs jours, il se murmurait en effet que l’arrestation de Nabil Karoui pourrait intervenir au terme de la grève des magistrats, qui vient d’être partiellement levée. Depuis août 2019, c’est la deuxième fois que le fondateur de Nessma TV, devenu homme politique en créant le parti Qalb Tounes, se retrouve derrière les barreaux dans une affaire mêlant blanchiment d’argent et évasion fiscale initiée en 2017 par la plainte de l’ONG I Watch. Mais cette fois, rien de spectaculaire : ni course poursuite rocambolesque sur une autoroute ni incarcération en pleine campagne électorale.
A l’époque, Nabil Karoui, 57 ans, était donné favori de la présidentielle. Il avait été libéré in extremis trois jours avant le scrutin, sans avoir pu mener campagne. Le magistrat instructeur s’était alors rendu aux arguments avancés par les avocats de l’homme d’affaires : la présomption d’innocence et l’absence de faits nouveaux justifiant une détention provisoire, d’autant que la confiscation de son passeport ne lui aurait pas permis d’aller bien loin.
Candidat malheureux face à Kaïs Saied, qui l’avait largement devancé au second tour, Nabil Karoui a depuis rebondi, dirigeant tambour battant son parti – arrivé second aux élections législatives qui ont suivi la présidentielle. Lui-même n’étant pas député, il ne bénéficie pour autant d’aucune immunité, contrairement à son frère Ghazi, élu dans la circonscription de Bizerte et visé par la même plainte au titre de directeur de l’entreprise de communication Karoui & Karoui World.
Rapprochement avec Ennahdha
Après les élections, Nabil Karoui a cultivé sa réputation de personnalité clivante. Il s’est ainsi rapproché d’Ennahdha, mais la suspicion de corruption qui le visait a éclaboussé les partis ou les hommes politiques qui le fréquentaient. L’attitude du nouveau président de la République, Kaïs Saied, qui a volontairement mis à l’écart Qalb Tounes de ses diverses consultations, a cloué la formation au pilori même si l’intéressé est toujours présumé innocent.
Aujourd’hui pourtant, les suspicions de blanchiment d’argent et d’évasion fiscale risquent de couper court à l’avenir politique de l’homme d’affaires. Selon des sources judiciaires, l’instruction aurait en effet mis au jour les mécanismes frauduleux mis en place par Nabil Karoui et apporté les preuves d’opérations de blanchiment d’argent à travers un montage sophistiqué de sociétés en partie basées à l’étranger.
Incarcéré à la prison civile de la Mornaguia, en périphérie de Tunis, Nabil Karoui a désormais peu de chances de bénéficier d’une libération conditionnelle, selon des sources judiciaires qui demeurent toutefois prudentes : « Attendons que le porte-parole du Parquet précise les motivations de cette arrestation et les éventuels chefs d’accusation pour en tirer des conclusions », précise l’une d’entre elles.
Le placement en détention de Nabil Karoui intervient à un moment où la justice tunisienne s’est attaquée à d’autres affaires de corruption en col blanc et vient notamment d’arrêter plusieurs dirigeants d’entreprises et anciens ministres dans une affaire de trafic d’ordures venues d’Italie.
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