Une baronne black au perchoir

Native de Guyana, Valerie Ann Amos est la première Noire à être portée à la tête de la Chambre des lords. Portrait-itinéraire.

Publié le 13 octobre 2003 Lecture : 3 minutes.

Elle est noire, élégante, dynamique et articulate. Elle porte les cheveux courts, un peu comme une chanteuse de rap ou de R&B. Elle est de compagnie agréable, a un bon coup de fourchette et consacre, aujourd’hui encore, une partie de son temps libre aux « activités de proximité » dans les quartiers les plus défavorisés de Londres, ce qui ne l’empêche pas de s’exprimer, sans se forcer, avec le chic des membres de l’establishment. Il y a quelques années, elle répondait au nom de Valerie Ann Amos. Anoblie en 1997 par la reine Elisabeth II, elle est désormais la « baronne Amos de Brondesbury ». Elle a, dans la foulée, occupé différents postes ministériels. À 49 ans, la voilà propulsée à la tête de la Chambre haute du Parlement britannique, celle des lords, devenant, du coup, la troisième femme et, surtout, la première Noire à occuper une aussi haute fonction.
Rien ne semble pouvoir arrêter l’ascension de cette native de Guyana, une ancienne colonie britannique coincée entre le Surinam, le Brésil et le Venezuela. Pourtant, elle n’a fait ni Cambridge ni Oxford, encore moins la célèbre LSE, la London School of Economics and Political Science, pépinière de nombre de leaders politiques du royaume. Valerie Ann Amos a modestement étudié la sociologie aux universités de Warwick et de Birmingham, dans le nord-ouest de l’Angleterre, et d’East Anglia, dans l’Est.
Arrivée au Royaume-Uni avec ses parents en 1963 – elle avait alors 9 ans -, elle entame, une fois ses études terminées, une carrière « dans le social », au niveau local, dans des quartiers réputés difficiles de Londres. En 1989, elle atterrit à la tête de la Commission pour l’égalité des chances, organisme gouvernemental chargé de lutter contre les discriminations dans le monde du travail. Elle y restera cinq ans. Puis elle monte, avec des associés, un cabinet de consultants, Amos Fraser Bernard. Dans ce cadre, elle conseille le gouvernement de Nelson Mandela, élu en avril 1994 à la tête de l’Afrique du Sud postapartheid, notamment sur la réforme du secteur public, les droits de l’homme, l’équité en matière d’emploi…
En 1997, Tony Blair, devenu Premier ministre après le long règne des conservateurs, propose à la reine d’anoblir Valerie Ann Amos, avec l’intention, pour le moins étonnante, d’envoyer cette passionnée du travail de proximité à la Chambre des lords, institution vieillotte que le Parti travailliste se propose, dans son manifeste, de rendre « plus démocratique, plus représentative et plus ouverte sur la vie ». Un an plus tard, la baronne noire rejoint l’exécutif. Dans un premier temps, comme porte-parole pour les Affaires sociales et féminines, puis, très rapidement, comme secrétaire d’État aux Affaires étrangères chargée de l’Afrique. À ce titre, elle se rend, début 2003, au Cameroun, en Guinée et en Angola pour tenter de rallier ces trois pays, membres (non permanents) du Conseil de sécurité des Nations unies, aux positions américaine et britannique dans le dossier irakien. Proche de Tony Blair, elle hérite tout naturellement, en mai 2003, d’un « ministère plein », le secrétariat d’État au Développement international, après la démission de Clare Short, en désaccord avec la politique irakienne du Premier ministre.
La baronne Amos de Brondesbury devient ainsi la première femme noire de l’Histoire nommée membre du « Cabinet » – lequel ne regroupe que les départements ministériels les plus importants -, et le deuxième Noir après l’influent ministre du Trésor Paul Boateng. Elle quitte le ministère du Développement international après y avoir passé seulement six mois, et sans avoir réellement pu imprimer son style, pour un fauteuil prestigieux en cuir connolly rouge dans la seconde Chambre législative du royaume, où elle remplace, depuis le 6 octobre, lord Williams of Mostyn, décédé en septembre.
À ce nouveau poste, l’enfant de Guyana aura la tâche délicate de poursuivre les réformes institutionnelles promises par le chef du gouvernement et son parti, décidés à abolir la catégorie des pairs héréditaires. Plus de six cents de ces aristocrates qui siègent en vertu de leur lignée ont d’ores et déjà été rayés de la Chambre des lords en 1999. Les quatre-vingt-douze survivants devraient sans doute connaître le même sort prochainement et céder leurs fauteuils à des pairs à vie anoblis par la reine sur proposition du Premier ministre…

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