Sharon, Pérès et les chances de la paix

Publié le 13 octobre 2003 Lecture : 4 minutes.

Depuis la guerre du Liban, en 1982, Ariel Sharon n’a jamais cessé d’agir « de manière impulsive et sous l’empire de la colère ». Après la publication du rapport de la commission Kahane le déclarant indirectement responsable du désastre de Sabra et Chatila, il s’est opposé avec force à son expulsion du gouvernement. Du coup, le Premier ministre Menahem Begin, qui lui avait retiré la Défense, a été contraint de lui accorder un ministère sans portefeuille : « Je sais que tu es capable de mettre des tanks sous mes fenêtres. »
Après cet échec, Sharon n’a eu de cesse de s’imposer à la présidence du Likoud et du gouvernement, alors qu’au départ son ambition se limitait au poste de chef d’état-major ou au ministère de la Défense. C’est le caractère excessif de ses positions (le Grand Israël) qui a fait son succès au sein de l’extrême droite. Ministre de l’Agriculture en 1977, il était parvenu à transformer en colonies les implantations de Yéhouda Véchomron, créées par des religieux. Déjà, son but était clair : empêcher la création d’un État palestinien.
Aujourd’hui chef du gouvernement, il s’y déclare favorable, mais cette « révolution psychologique » volontiers présentée comme « dramatique » s’explique par le simple fait qu’il ne peut refuser cette concession au président Bush. Et puis, les déclarations sont une chose et les actes en sont une autre… Sharon n’a jamais cessé de soutenir que le rétablissement de la sécurité doit précéder l’instauration de la paix, alors que cette exigence est impraticable. Comme le disait Itzhak Rabin, « la paix est indispensable si l’on veut assurer la sécurité d’Israël et de chaque Israélien ».
Certes, les islamistes fanatiques du Hamas et du Djihad islamique, qui refusent l’existence d’un État juif sur le territoire de la « Palestine sacrée », ne veulent pas de la paix. Certes, le Tanzim, la faction armée du Fatah, refuse toute discussion avant la fin de l’occupation militaire de Gaza et de la Cisjordanie. Certes, Arafat, bien que président élu de l’Autorité palestinienne, ne peut rompre ses liens avec les extrémistes qui contrôlent une partie de plus en plus importante de la population palestinienne. C’est même pourquoi la paix est sans cesse sabotée, et la sécurité rendue aléatoire. D’autant que rien n’est prévu concernant la suppression des colonies israéliennes dans les Territoires.
En Irak, George W. Bush est dans l’impasse et se trouve aujourd’hui beaucoup moins sûr d’être réélu l’an prochain : pour la première fois, certains sondages placent son adversaire démocrate, le général Wesley Clark, en tête des intentions de vote. Ce qui va sans doute le contraindre à s’intéresser à nouveau au problème israélo-palestinien. En attendant, Ariel Sharon doit faire face aux accusations de corruption dont ses deux fils sont l’objet. Ce qui fait resurgir sa vieille colère et l’incite, une fois encore, à refuser de voir la réalité. Alors, il tente de dramatiser le problème Arafat, qu’il menace d’expulsion, voire d’assassinat. Ce serait là, nous explique-t-on, le seul moyen d’empêcher les attentats suicide… Si tel était le cas, pourquoi n’y avoir pas songé plus tôt ?
La confusion qui prévaut actuellement au sein du gouvernement et du Likoud est telle que les candidats potentiels à la succession de Sharon n’hésitent plus à se découvrir. Parmi eux, Ehoud Olmert, qui voudrait repousser le plus loin possible les limites de Jérusalem ; Lior Livnat, qui fut proche de Netanyahou et rêve aujourd’hui d’imiter cette grande dame que fut Golda Meir ; et, surtout, le général Shaul Mofaz, le très extrémiste ministre de la Défense, qui soutient froidement les colonies, considérées par lui comme des « positions de sécurité ».
Côté travailliste, un retour au pouvoir de l’ancien Premier ministre Shimon Pérès, qui vient de fêter ses 80 ans, est-il envisageable ? Oui, si le parti Shinoui accepte enfin de faire taire son racisme à l’encontre des « Noirs d’Israël ». Autrement dit, des membres du parti religieux Shass, pour la plupart d’origine nord-africaine. Dans cette hypothèse, les travaillistes, alliés au Meretz (gauche), au Shinoui et au Shass, peuvent fort bien envisager de constituer une nouvelle majorité à la Knesset, avec le soutien des députés arabes israéliens et de divers petits partis. Cela permettrait de constituer un gouvernement favorable à la paix. Et de ressortir des tiroirs la fameuse « feuille de route » mise au point par le « Quartet » (États-Unis, Russie, Union européenne et ONU).
D’autant que Yasser Arafat n’aurait plus alors aucun prétexte pour fuir une négociation censée aboutir à la création d’un État palestinien, sur un territoire très proche de celui que proposait Ehoud Barak, du temps du président Bill Clinton, avant le désastre collectif de la seconde Intifada.

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