Sauver le fleuve

Baisse du débit, réduction des zones de culture, ensablement : le Niger est menacé.

Publié le 13 octobre 2003 Lecture : 3 minutes.

« Si rien n’est fait, le Djoliba cessera de couler », assure Karim Dembélé, responsable de l’Autorité pour le barrage de Taoussa, entre Tombouctou et Gao, dans l’est du pays. Le constat est clair : le déficit pluviométrique observé depuis la fin des années 1960 constitue la première cause de la dégradation du régime hydrologique du fleuve Niger. En trente ans, le débit moyen annuel a été divisé par deux et les débits d’étiage (en période de basses eaux) ont atteint des niveaux alarmants : entre Tombouctou et Gao, le flux est passé de 66 m3/seconde dans la période 1920-1970, à 22 m3/seconde dans la période 1970-1996.
Le delta intérieur, immense plaine inondable située entre Djenné, Mopti et Tombouctou, est une des régions les plus menacées. Première zone de pêche continentale d’Afrique de l’Ouest et unique zone d’élevage disposant de pâturages à très hauts rendements, elle a vu ses surfaces inondables réduites de moitié au cours des trois dernières décennies. Or les productions du delta (riziculture, pêche et élevage) dépendent étroitement de la crue du fleuve. Ainsi, la pluviosité exceptionnelle enregistrée cette année a eu un effet très positif sur les cultures.
Aujourd’hui, les 50 000 km2 que couvre le delta sont encore peu aménagés, hormis la partie gérée par l’Office du Niger. Avec 80 000 hectares irrigués, l’Office produit la moitié des besoins nationaux en riz. D’ici à 2007, 50 000 ha supplémentaires devraient être aménagés. Mais cette extension soulève bien des questions, à commencer par celle du financement. On s’interroge aussi sur l’impact des prélèvements en eau sur les zones situées en aval du fleuve. Actuellement, l’Office utilise les deux tiers du volume total prélevé au Mali, ce qui représente moins de 5 % en période de crue, mais peut atteindre 70 % du débit lors de l’étiage. Une amélioration de la gestion de l’eau pourrait permettre, dans un premier temps, d’étendre les périmètres irrigués sans augmenter les prélèvements.
Sur le tronçon Tombouctou-Gao, la situation est dramatique, d’autant que le delta absorbe près de 50 % du volume entrant par évaporation et que, de Mopti jusqu’à Niamey – capitale du Niger -, le fleuve n’a plus aucun affluent. Les effets de la baisse du régime hydrologique sont inquiétants : envasement, réduction des zones agropastorales, exode des populations… Les seuls aménagements existants se situent très loin des régions septentrionales. Le barrage hydroélectrique de Sélingué est situé à l’extrême sud du pays, tandis que celui de Markala, près de Ségou, ne permet de dériver les eaux que vers les périmètres aménagés de l’Office du Niger. Or les autorités maliennes comptent beaucoup sur le fleuve pour développer le Nord. La construction d’un ouvrage – un seuil plus qu’un barrage – à Taoussa permettrait de fixer les populations et de développer la région. Le projet n’est pas nouveau, les premières études remontant à 1974. Il assurerait un débit de 75 m3/seconde toute l’année à la frontière entre le Mali et le Niger (contre, aujourd’hui, 10 m3/seconde au plus en période d’étiage). En amont, les bénéfices de cette retenue se feraient sentir jusqu’à Tombouctou. Au total, ce sont 139 000 ha qui pourraient être aménagés pour l’agriculture et l’élevage.
Les inquiétudes du Niger voisin, longtemps opposé au projet, semblent levées. En décembre 2002, les représentants des pays membres de l’Autorité du bassin du Niger (Bénin, Burkina, Cameroun, Côte d’Ivoire, Guinée, Mali, Niger, Nigeria et Tchad) ont voté une résolution pour la construction des barrages de Taoussa et de Kandadji (Niger). Le Mali a déjà réuni les bailleurs de fonds pour un tour de table. Sur les 143 millions de dollars (121 millions d’euros) nécessaires à la concrétisation du projet, la moitié serait trouvée. Les études d’impact environnemental et socio-économique, qui pourraient commencer fin 2004, doivent encore confirmer l’opportunité d’un tel chantier. Certains scientifiques soulignent déjà l’importance de la déperdition d’eau par évaporation et des investissements nécessaires au déplacement des 15 000 à 20 000 personnes qui se verraient délogées par la montée des eaux. Doivent également être étudiées les répercussions hydrologiques des ouvrages les uns sur les autres. L’eau du fleuve appartenant à tous, la concertation au sein de l’Autorité du bassin du Niger se révélera cruciale.

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