Mgr Christian Tumi

Cardinal archevêque de Douala

Publié le 13 octobre 2003 Lecture : 3 minutes.

En politique comme en religion, il est connu pour son franc-parler. Christian Niygham Tumi, 73 ans, a l’esprit frondeur de nombreux Camerounais anglophones. Né dans la province du Nord-Ouest, il a fait le petit et le grand séminaire au Nigeria. À 40 ans, il part à Lyon pour améliorer son français et mieux s’intégrer dans le Cameroun bilingue. Aujourd’hui, le cardinal archevêque de Douala est devenu la conscience morale de la majorité de ses compatriotes. Francophones et anglophones.
J.A.I. : Qu’est-ce que Jean-Paul II a fait pour l’Afrique ?
C.T. : Un vrai travail de pasteur. Il a un amour tout particulier pour le continent, parce que c’est une terre d’évangélisation. Il a donc encouragé nos Églises comme un père se penche sur ses plus jeunes enfants. Comme les apôtres qui allaient de village en village, il a multiplié les voyages. C’est un homme de défi, il aime les difficultés !
J.A.I. : Le pape étant très malade, ne ferait-il pas mieux de se retirer ?
C.T. : Non. Pour nous, Africains, le chef ne se retire pas, il meurt toujours au pouvoir. Nous comprenons mieux que les Européens sa volonté de rester, jusqu’à la mort, le chef de l’Église. Quand il dit « le Christ n’est pas descendu de la croix », cela signifie qu’il est prêt à porter sa souffrance jusqu’au bout. Qu’elle lui permet d’approfondir sa vie spirituelle et la nôtre.
J.A.I. : Il n’y aura que seize Africains dans le collège des cent trente-cinq cardinaux qui éliront, le jour venu, son successeur. Le prochain pape peut-il être africain ?
C.T. : Si cela arrive, j’en serai très content, mais, pour moi, ce n’est pas une nécessité. Quelle que soit son origine, le pape doit être le pasteur universel de l’Église. Bien sûr, nous aimerions que l’Afrique ait davantage de cardinaux, mais il faut tenir compte du fait que l’Église africaine n’est pas, comme d’autres, millénaire. Cela dit, je crois qu’on verra un pape noir avant la fin du siècle.
J.A.I. : Les cardinaux Francis Arinze du Nigeria et Wilfrid Napier d’Afrique du Sud ont-ils les qualités requises ?
C.T. : Ces dernières années, plusieurs cardinaux africains ont fait la preuve de leurs compétences dans l’administration de l’Église. Mgr Arinze est de ceux-là. Il était mon professeur de théologie au grand séminaire d’Enugu. C’est un homme d’une grande profondeur spirituelle et d’une parfaite rigueur intellectuelle. Le cardinal Napier est également compétent. Et il est relativement jeune.
J.A.I. : Et vous-même ?
C.T. : Si les autres cardinaux me demandent d’être pape, je leur dirai que je ne crois pas être le bon candidat. D’autres peuvent faire le travail mieux que moi. Et n’oubliez pas que j’ai 73 ans. Quand Jean Paul II a été élu, il avait 58 ans. Je crois qu’un bon candidat doit être un pasteur, un homme de terrain, et avoir entre 50 ans et 60 ans, afin de pouvoir porter un projet d’évangélisation pendant dix ou vingt ans.
J.A.I. : Pourquoi les évêques africains demandent-ils un pardon de l’Afrique à l’Afrique, à propos de la traite des nègres ?
C.T. : Parce qu’on ne peut pas toujours blâmer ceux qui sont venus d’ailleurs (voir pp. 97-98). Nous avons participé à ce malheur historique, en vendant nos frères et nos soeurs. Cela n’excuse pas les négriers, mais nous avons notre part de responsabilité. Quant à la demande de réparation, je n’en vois pas le fondement.
J.A.I. : Qu’attendez-vous de l’élection présidentielle d’octobre 2004 au Cameroun ?
C.T. : Il faut que les listes électorales soient ouvertes à tous les hommes et femmes en âge de voter. L’année dernière, lors des législatives, les inscriptions ont été sélectives. À Douala, par exemple, une centaine de séminaristes ont été exclus du vote, parce que le pouvoir était – et reste – convaincu que l’Église est son ennemi numéro un -, ce qui est faux. Il faut également mettre en place une commission électorale indépendante. Les évêques du Cameroun la réclament depuis la conférence épiscopale de Bertoua, en 1993.
J.A.I. : Serez-vous candidat ?
C.T. : Non. Selon les lois de l’Église, je peux demander l’autorisation du pape pour me présenter, mais le jour où j’ai été ordonné prêtre, en 1966, j’ai pris la décision de ne plus jamais me mêler de politique. Je ne changerai pas d’avis.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires