Le temps de la relance

Crise en Côte d’Ivoire, mauvaise pluviosité, baisse de la production de coton… Après une campagne 2002-2003 décevante, la machine semble repartir.

Publié le 13 octobre 2003 Lecture : 5 minutes.

Les Maliens ont récemment joint leurs voix à celles des Béninois, des Burkinabè et des Tchadiens pour crier leur ras-le-bol face aux subventions accordées par les États-Unis et l’Union européenne à leurs producteurs de coton. Car si l’or blanc n’est qu’un produit parmi tant d’autres en Occident, il est vital pour certains pays du Sud. C’est notamment le cas pour le Mali – deuxième producteur africain après l’Égypte -, où il fait vivre directement ou indirectement près du quart de la population, soit 3 millions de personnes, sur 12,7 millions d’habitants.
Le coton occupait jusqu’en 2000, avant d’être détrôné par l’or, la première marche du podium des exportations maliennes. L’an dernier, les ventes à l’étranger ont atteint 145,6 milliards de F CFA (222 millions d’euros), contre 150 milliards en 1999. Et pourtant, la campagne fut un grand millésime, avec une production de 571 000 tonnes. Un niveau exceptionnel rendu possible grâce à une bonne pluviosité et, surtout, à un effort particulier de la part des paysans, qui, après avoir boycotté la précédente campagne, s’étaient vu entre autres accorder par le gouvernement un prix de l’ordre de 200 F CFA le kilo.
L’année 2003 a de nouveau mis en évidence l’influence de la filière sur le reste de l’économie. La campagne 2002-2003 devrait finir à 420 000 tonnes, soit une chute d’un tiers par rapport à la précédente. Une baisse largement expliquée par une mauvaise pluviosité et une diminution du prix au producteur (180 F CFA le kilo). S’ajoute à cela l’impact sur le Mali de la crise en Côte d’Ivoire. Résultat : une croissance en berne, estimée par l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) à 2,3 % pour l’année en cours. Un taux qui reste en deçà du rythme d’accroissement démographique, de l’ordre de 2,9 %. Sous d’autres cieux, on se serait gargarisé d’une telle progression. Mais pas au Mali, où près des trois quarts de la population vivent en dessous du seuil de pauvreté.
Cette dépendance au coton pose, bien évidemment, un problème : le peu de diversification de l’économie. Le gouvernement, qui l’a bien compris, s’intéresse de près à d’autres produits. Pour changer la donne, il faudrait des investissements massifs dans la production de riz, de sésame, de pois, de pommes de terre, de blé, etc. Mais avant d’en arriver là, il faudrait déjà accroître la valeur ajoutée de la fibre exportée, car seul 1 % de l’or blanc malien est transformé sur place.
Reste que le coton n’est pas seul en cause dans cette « moindre performance » économique. Les Maliens produisent également du mil, du sorgho, du maïs, etc. Mais, là encore, les mauvaises conditions climatiques ont perturbé la production au cours de la campagne 2002-2003. Le Mali a dû faire face, l’an dernier, à un déficit céréalier de l’ordre de 230 000 tonnes. Les précipitations enregistrées cette année devraient cependant mettre un terme aux pénuries.
De la même manière, l’excédent pluviométrique de 2003 devrait favoriser l’élevage, le renouvellement des pâturages permettant d’améliorer le rendement du cheptel. Médaille de bronze des exportations maliennes, le bétail souffre depuis un an de la crise en Côte d’Ivoire, pays qui, jusque là, représentait l’un des principaux débouchés. Aujourd’hui, « une fraction marginale des exportations a pu être réorientée vers le Sénégal et la Mauritanie », alors que « l’un des atouts du Mali est incontestablement son bétail. Il représente son avantage comparatif le plus important dans la sous-région », peut-on lire dans une note remise à la mi-juin au chef de l’État, Amadou Toumani Touré (ATT), par le Conseil national du patronat du Mali. Rappelons que le cheptel malien compte environ 8 millions de bovins et 15 millions d’ovins et de caprins.
Aujourd’hui, le secteur primaire représente 46 % du Produit intérieur brut (PIB). Il fait également travailler près de 80 % de la population active. Le patronat souligne que le pays dispose d’immenses superficies de terre estimées à 45,9 millions d’hectares, dont seulement 11,5 millions sont cultivables. Des marges existent par conséquent pour promouvoir l’agriculture.
Néanmoins, le secteur primaire a connu un changement de taille, ces dernières années, avec la découverte de gisements d’or. Exploité aujourd’hui par des firmes sud-africaines, le métal jaune est devenu le premier pourvoyeur de devises du pays. « Les gens semblent obsédés par l’or. Certes, c’est bien pour la balance commerciale, mais ce n’est pas un produit avec lequel nous allons développer notre pays », prévient le patron des patrons, Moussa Balla Coulibaly. Il n’empêche. Valeur refuge par excellence, l’or ne souffre pas de subventions à l’exportation, contrairement au coton. Seules incertitudes : le rythme de découvertes de nouveaux gisements et surtout leur rentabilité.
L’industrie est encore embryonnaire. Elle représente seulement 10 % du PIB au Mali, contre 25 % en Côte d’Ivoire et 30 % au Sénégal. En quête d’un gain rapide, les hommes d’affaires maliens sont tout naturellement portés vers le commerce. Peu à peu, la nouvelle génération commence à s’intéresser à l’industrie. Mais plusieurs obstacles se dressent devant les plus entreprenants, à commencer par le coût élevé des facteurs de production. La main-d’oeuvre est certes bon marché, mais les compétences font souvent défaut. Malgré la construction du barrage hydroélectrique de Manantali, sur le fleuve Sénégal, l’électricité n’est pas abordable. De même que sont décriés les prix de l’eau et du téléphone.
Malgré cela, le gouvernement tente de ramener l’inflation de 5 % en 2002 à 1,5 % en 2003. Un pari d’autant plus risqué que sa réalisation dépend aussi de l’étranger : l’impact du conflit ivoirien sur le prix du transport par route des marchandises qui transitaient par le port d’Abidjan est indéniable. Autre condition pour relever ce défi : la détente des cours du pétrole ainsi que la régularité des précipitations en vue d’une meilleure offre des produits vivriers.
Globalement, les fondamentaux de l’économie s’améliorent. Quant au PIB, il pourrait croître de 6 % l’an prochain. Le gouvernement vient d’achever un programme triennal soutenu par le Fonds monétaire international (FMI). Après avoir adopté une stratégie de réduction de la pauvreté, le Mali devrait bénéficier pleinement de l’Initiative de réduction de la dette en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE), dont il a atteint le point d’achèvement en mars. Sa dette sera par conséquent allégée de quelque 417 millions de dollars (353,6 millions d’euros) en valeur actualisée nette. Le directeur général adjoint du FMI, Shigemitsu Sugisaki, recommande tout de même au gouvernement de poursuivre la promotion du secteur privé et de la bonne gouvernance, d’améliorer la gestion des ressources publiques, de diversifier l’activité économique pour réduire son exposition aux chocs externes, d’achever le programme des privatisations et, enfin, de viser une libéralisation encore plus poussée de la filière coton.

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