Le meilleur et le pire du football africain en 2020

Équipes surprises, Ahmad Ahmad éjecté de la CAF, incroyable remontada de la Sierra Leone, décès de Pape Diouf… Que faut-il retenir de 2020 dans le football africain ?

Le gardien de but de Chelsea Edouard Mendy lance le ballon à ses coéquipiers lors du match de football de Premier League anglaise entre Chelsea et West Ham à Stamford Bridge, Londres, lundi 21 décembre 2020. © Clive Rose/AP/SIPA

Le gardien de but de Chelsea Edouard Mendy lance le ballon à ses coéquipiers lors du match de football de Premier League anglaise entre Chelsea et West Ham à Stamford Bridge, Londres, lundi 21 décembre 2020. © Clive Rose/AP/SIPA

Alexis Billebault

Publié le 29 décembre 2020 Lecture : 7 minutes.

Le meilleur du football africain…

• Mendy chez les grands

Le football contemporain sait encore réserver de belles histoires, comme on les aime. Celle d’Edouard Mendy (28 ans), le gardien international sénégalais, en est une. Quatre ans après avoir signé son premier contrat professionnel à Reims, alors en Ligue 2, il est passé de Rennes à Chelsea en août dernier, contre une indemnité de transfert de 25 millions d’euros. Une sacrée progression pour ce joueur formé au Havre, passé par une équipe de Municipaux havrais, Cherbourg, ou l’équipe B de Marseille.

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À peine arrivé à Londres, il s’est imposé comme le gardien numéro 1 d’une des meilleures équipes d’Europe. Aliou Cissé, le sélectionneur sénégalais des Lions de la Teranga, en a fait son titulaire. Mendy ne doit finalement pas regretter de s’être accroché, alors qu’il avait envisagé de jouer au niveau amateur et de prendre la gérance d’un magasin…

• Berkane, l’ascension continue

Les joueurs de la Renaissance sportive de Berkane. © RSB Football Officiel

Les joueurs de la Renaissance sportive de Berkane. © RSB Football Officiel

C’est l’équipe qui monte au Maroc et même en Afrique. La preuve : en 2020, la Renaissance sportive de Berkane a cru en ses chances de remporter pour la première fois le championnat marocain, finalement tombé dans l’escarcelle du Raja Casablanca. Mais elle s’est consolée en s’offrant la Coupe de la confédération africaine de football (CAF) face aux égyptiens de Pyramids FC (1-0), un an après avoir échoué en finale.

Ce club cher à Fouzi Lekjaa, l’actuel président de la Fédération, et qu’il a longtemps dirigé, s’appuie sur une gestion financière rigoureuse et une politique sportive cohérente. Le club n’a usé que cinq entraîneurs en huit ans – un exploit pour le royaume – et a convaincu certains joueurs africains ayant effectué l’essentiel de leur carrière en Europe de la poursuivre au Maroc.

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• Gabon, un syndicat solidaire

Le Gabon n’a pas la réputation d’être un pays agréable à vivre pour les footballeurs professionnels, confrontés au non-paiement régulier des salaires et à une attitude souvent autocratique de certains dirigeants de clubs, qui confondent joueurs et marchandises. La crise sanitaire n’a évidemment rien arrangé : la situation s’est aggravée pour de nombreux footeux, parfois obligés d’exercer un autre métier pour survivre.

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Faute de ressources suffisantes, quelques dizaines d’entre eux ont pu compter sur l’aide de l’Association nationale des footballeurs professionnels du Gabon, le syndicat des joueurs, qui a ouvert une boutique solidaire à Libreville. Des denrées alimentaires ou des produits d’hygiène et de santé ont également pu profiter à des joueuses ou à d’anciens footballeurs à la retraite.

• La remontada de la Sierra Leone

En Afrique, tout le monde en rigole encore. Sauf les Nigérians, légèrement chatouilleux quand il s’agit des Super Eagles. Mais l’histoire mérite qu’on y revienne. Le 13 novembre, à Benin City, la sélection du Nigeria accueille la modeste Sierra Leone, pour le compte de la troisième journée des qualifications pour la CAN 2022. Au bout de trente minutes, tout semble réglé : le Nigeria mène 4-0, et  se dirige vers une qualification.

Mais après avoir encaissé un but apparemment anodin juste avant la mi-temps, l’équipe se met à faire n’importe quoi dans les vingt dernières, encaisse finalement trois buts (4-4), et se met même à craindre de tout perdre dans les dernières minutes.

La Sierra Leone, qui vient de réaliser une des plus incroyables remontées de l’histoire du football africain, confirmera cet exploit quatre jours plus tard à Freetown (0-0). Résultat, le Nigeria n’est pas encore qualifié pour la phase finale, et la Sierra Leone pas totalement éliminée. Le petit qui tourmente le gros, on ne s’en lasse pas…

• Tiens, voilà le Soudan du Sud

Une bande de parfaits inconnus, éparpillés en Afrique (Soudan du sud, Soudan, Kenya, Ouganda) ou en Australie, et un sélectionneur germano-camerounais (Cyprian Besong Ashu) ont réussi l’un des plus beaux coups de l’année, le 16 novembre. À Nairobi, puisqu’il ne peut pas évoluer à Juba, où son stade est en rénovation, le Soudan du Sud a battu l’Ouganda (1-0), en qualifications pour la CAN 2022.

Une vraie performance pour les Bright Stars, dont il s’agit de la première victoire d’envergure depuis son adhésion à la FIFA en 2012. Et qui lui permet de conserver une petite chance de se qualifier pour la phase finale. Un petit rayon de soleil pour ce pays exsangue, où une partie de la population, essorée par la guerre civile, est menacée par la famine.

… et le pire

• Mauvaise année pour Ahmad Ahmad

Il s’imaginait briguer un second mandat à la présidence de la Confédération africaine de football (CAF), le 12 mars prochain, à Rabat. La FIFA en a décidé autrement, en suspendant Ahmad Ahmad pour cinq ans, notamment pour détournement de fonds. Élu en 2017, le Malgache ne pourra pas aller au bout de sa mission, même s’il a fait appel de la sanction prononcée par la FIFA devant le Tribunal arbitral du sport afin de pouvoir mener sa campagne.

Une année compliquée pour l’insulaire, infecté par le Covid-19 juste avant la sentence de la FIFA, et confronté aux conséquences de la crise sanitaire : reports du CHAN d’avril 2020 à janvier-février 2021 et de la CAN 2021 à 2022, annulation de la CAN féminine, calendrier des compétitions continentales de clubs bouleversé, et fédérations en souffrance économique.

• Diouf, Diallo, Diop, ces chers disparus…

Pape Diouf lors d'une conférence de presse à Marseille, en 2014. © Claude Paris/AP/SIPA

Pape Diouf lors d'une conférence de presse à Marseille, en 2014. © Claude Paris/AP/SIPA

Cette année 2020 a emporté quelques grandes figures du football africain. On pense notamment au sénégalais Pape Diouf, vaincu par le Covid-19 à l’âge de 68 ans, en mars. L’ancien journaliste sportif, devenu agent de joueurs avait accédé à la présidence de l’Olympique de Marseille, avant de devenir, notamment, un consultant très apprécié.

Le virus a également fauché, au mois de novembre, Augustin Diallo, le président de la Fédération ivoirienne de football, qui achevait son dernier mandat. Papa Bouba Diop (42 ans), qui avait notamment permis au Sénégal de battre la France en match d’ouverture de la Coupe du Monde 2002, s’est éteint des suites de la maladie de Charcot. Le défenseur international marocain Mohamed Abarhoun (31 ans) a, lui, succombé des suites d’un cancer du foie. Quant au football sud-africain, il a vu partir les internationaux Anele Ngcongca (33 ans) et Motjeka Madisha (25 ans) dans de dramatiques accidents de voiture.

• Le Cameroun se donne en spectacle

Le football camerounais est historiquement un grand pourvoyeur d’affaires plus ou moins savoureuses. Celle qui le secoue depuis de longs mois ne fait en revanche rire personne. À cause d’un conflit entre la Fédération camerounaise de football (Fecafoot) et la Ligue professionnelle, sur fond de guerre d’égos entre les deux présidents, Seidou Mbomba Njoya et Pierre Semangue, les championnats de Ligue 1 et Ligue 2 n’ont pas encore débuté.  Le Tribunal arbitral du sport a pourtant rendu un jugement favorable à la Ligue, laquelle s’était vue retirer ses compétences par la Fecafoot pour l’organisation des compétitions.

Même Paul Biya, le chef de l’État, ne parvient pas à réconcilier les belligérants. Les grands perdants sont les joueurs, qui tournent en rond en attendant de pouvoir exercer leur métier. On rappelle aux deux instances que le Cameroun va organiser du 16 janvier au 7 février le Championnat d’Afrique des nations (CHAN), une compétition réservée aux joueurs africains évoluant dans leur pays.

• La Côte d’Ivoire attend son président

Cela fait près de quatre mois que le processus électoral est bloqué en Côte d’Ivoire, et la Fédération n’a toujours pas de patron. Le décès d’Augustin Diallo n’a rien à voir avec la situation actuelle, puisque ce dernier avait décidé de ne pas se représenter. La FIFA et la CAF ont décidé de suivre ce dossier de plus près, puisque les candidatures de Didier Drogba et de Paul Koffi Kouadio ont été rejetées.

L’ancien capitaine et buteur des Éléphants souhaite défendre ses chances face aux autres candidats, Sory Diabaté et Idriss Diallo, lesquels ont reçu l’aval de la commission d’investiture. Alors que l’élection aurait dû avoir lieu fin août, plus rien ne se passe. Et faute de gouvernance, les championnats professionnels de Ligue 1 et de Ligue 2 sont à l’arrêt, alors que le football ivoirien, déjà moribond économiquement, a subi les conséquences de la crise sanitaire.

• La Gambie et son sens de l’hospitalité

Les Gabonais se souviendront longtemps de leur déplacement en Gambie, les 15 et 16 novembre derniers, à l’occasion d’un match qualificatif pour la CAN 2022. Arrivés à l’aéroport de Banjul le 15 dans la soirée, ils y ont finalement passé la nuit, pour ne rejoindre leur hôtel que vers 6 heures 30, alors le match était programmé dans l’après-midi. Les autorités gambiennes ont confisqué tous les passeports, et les Gabonais ont dormi à même le sol, sans eau ni nourriture.

Sans surprise, le Gabon a perdu le match (1-2). La Fédération gambienne a écopé d’une amende de 82 000 euros, dont la moitié avec sursis, à condition qu’elle ne commette pas d’infraction similaire dans les deux prochaines années. Pierre-Emerick Aubameyang, l’attaquant des Panthères, coupable aux yeux de la CAF d’avoir tenu des propos dégradants et offensants –  il avait demandé à l’instance « de prendre ses responsabilités » et estimé que ce n’était pas en agissant ainsi « que l’Afrique progresserait »  – a quant à lui hérité d’une sanction de 8 000 euros.

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