La libéralisation, enfin…

Le gouvernement s’est finalement engagé dans la privatisation de la CMDT. Ce qui ne manque pas d’inquiéter les producteurs.

Publié le 13 octobre 2003 Lecture : 3 minutes.

Le succès de la filière coton a longtemps été celui d’une entreprise, la Compagnie malienne de développement des textiles (CMDT), détenue à 60 % par l’État et à 40 % par Dagris (ex-CFDT, Compagnie française pour le développement des fibres textiles). Incontournable, elle assure l’ensemble du processus – approvisionnement des producteurs en intrants et équipements, collecte et achat du coton-graine, égrenage, transport, commercialisation et transformation oléagineuse – ainsi qu’un certain nombre de missions de service public dans les zones cotonnières (hydraulique villageoise, ouverture de pistes…).
En 2000, la crise éclate, sous l’effet conjugué de plusieurs facteurs : de graves carences de gestion à la CMDT sont révélées ; plusieurs dirigeants, dont le PDG, Drissa Keita, sont accusés de détournements de fonds ; dans le même temps, les cours mondiaux poursuivent leur dégringolade ; la CMDT revoit à la baisse le prix d’achat du coton-graine ; en réponse, les producteurs boycottent la campagne en cours ; la récolte chute de moitié…
Pour sortir de cette situation – et sous la pression des bailleurs de fonds -, le gouvernement convoque des « états généraux » du coton en avril 2001. Ils débouchent sur l’élaboration d’une Lettre de politique du développement du secteur coton (LPDSC), prescrivant la restructuration du secteur : recentrage de la CMDT autour de ses activités liées à l’industrie du coton, désengagement progressif de ses missions de service public ainsi que des fonctions de transport et d’approvisionnement en intrants et en équipements, privatisation des infrastructures industrielles de la zone de l’Office national de la haute vallée du Niger (OHVN-Kita) et de l’usine de transformation oléagineuse Huicoma – premières étapes de la privatisation de la CMDT -, et renforcement de la participation des producteurs et de leurs organisations dans la gestion de la filière.
Et depuis ? Le recentrage des activités, bien engagé, est loin d’être achevé. Certes, la Compagnie n’assure plus ni les missions de service public – transférées à l’État – ni l’approvisionnement en intrants céréales, confié aux organisations paysannes. Mais, à ce jour, l’expérience n’est concluante ni dans un cas ni dans l’autre. La CMDT conserve toujours l’approvisionnement en intrants coton et continue, faute de repreneurs privés, d’assurer l’essentiel du transport. Sur le plan financier, le bilan est lui aussi mitigé. La réduction des effectifs a été achevée en août dernier (près de 600 personnes sur 2 300 ont été licenciées), et les coûts de production, notamment les charges fixes, ont été sensiblement réduits. Néanmoins, les dettes à long terme s’élèvent toujours à quelque 30 milliards de F CFA (45,7 millions d’euros), tandis que la situation nette des fonds propres est négative (- 5 milliards de F CFA), imposant une nécessaire recapitalisation de l’entreprise.
Par ailleurs, la libéralisation du secteur apparaît difficile. L’appel d’offres pour la cession des actifs de la zone OHVN-Kita n’a pas abouti. Le candidat pressenti, le groupe américain Dunavant, a retiré son offre en mai dernier, invoquant notamment les incertitudes sur l’avenir de la filière. En revanche, la privatisation de l’usine Huicoma devrait être finalisée d’ici à la fin de l’année. Il y a un an, une étude financée par la Banque mondiale préconisait l’éclatement de la CMDT en trois ou quatre sociétés régionales privées, ayant l’exclusivité d’achat sur leur zone. Le gouvernement, réservé au départ, s’est finalement rallié à cette option il y a quelques semaines, sur l’insistance de la Banque mondiale et de la France.
Ce schéma de privatisation étant acquis, il reste à en conduire le processus, au plus tard d’ici à la fin de 2006. Le gouvernement a, à plusieurs reprises, manifesté le souhait que les producteurs aient une participation significative au capital des futures sociétés. Pour Bakary Togola, président du groupement des quatre syndicats cotonniers, c’est le seul moyen de sauver la filière et d’éviter de nouvelles crises.
Reste que la privatisation inquiète les producteurs, pour qui le travail du coton permet l’accès à un certain nombre de services, facteurs de développement rural : crédits à faible taux d’intérêt, conseil agricole, entretien des pistes, financement de dispensaires, etc. Qu’en sera-t-il avec des repreneurs privés ? Enfin, l’avenir de la filière se jouera aussi en aval. La création récente de Fitina, une usine de transformation de coton détenue par des investisseurs mauriciens, français et maliens, en est un signe favorable. L’usine, seule du genre à ce jour au Mali, sera opérationnelle début 2004. Elle devra cependant relever le défi de la compétitivité dans un secteur hautement concurrentiel, alors même que les coûts de l’énergie et des transports sont des handicaps notoires au développement du pays.

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