La chanteuse des faubourg

Publié le 14 octobre 2003 Lecture : 1 minute.

Edith Piaf nous quitte (11 octobre 1963). Elle n’est plus que ce morceau de cire qui tourne dans un phonographe, cette chaude clameur qui sort des boîtes à radio, remplit les chambres, cogne contre les murs, s’enfle à chaque souffle et passe la fenêtre pour rejoindre la rue, où elle naquit et qui lui appartient. Pour la foule émotive, transie, muette devant ce cri qui venait de tout le monde et prenait forme en elle, c’était Piaf, c’était la « môme » qui soulevait Paris à bout de voix. Il semblait que, n’ayant pas trouvé assez de force à la fois pour grandir et pour chanter, elle eût choisi le chant et renoncé à la taille.
Piaf broyait son public à l’ultrason. Son personnage s’amenuisait dans une pâleur de spectre. On ne distinguait plus que le balancement d’une légère vapeur noire prise dans l’anneau de ses doigts blancs.
Piaf se moquait du micro. Elle menait sa propre tempête, montait aux plus hautes notes, redescendait en glissant sur la rampe, jaillissait de nouveau, crevait la voûte, comme si elle cherchait à se faire entendre des errants et des égarés, quelque part entre la ville et l’infini. Et surtout elle chantait comme François Villon pleurait dans l’ancien temps et comme si ses larmes brillaient toujours dans un repli secret du paysage.

Elle est née en pleine guerre [le 19 décembre 1915], en pleine rue, à Belleville. En plein hiver aussi. On ne croit plus à ces choses, et pourtant elles arrivent et elles engendrent des hymnes étranges et poignants. L’extraordinaire vitalité de la misère redonne une jeunesse au sentiment. Piaf n’avait pas besoin de tricher avec l’existence.
À 16 ans, elle avait déjà tout à dire à son sujet.
Elle chantait la mauvaise vie et la bonne chance, ne pleurez pas Milord et je ne regrette rien. L’accordéoniste jouait en sourdine. Chacun découvrait qu’il avait des souvenirs. Des femmes fanées par l’abandon devenaient des fiancées d’album. Sur la route, la grandroute, des jeunes gens rêvaient Quarante mille Parisiens l’ont accompagnée à sa dernière demeure. Qu’elle repose dans son chant.

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