Comment Mastercard veut démocratiser la banque numérique en Afrique
Sentant le vent tourner en faveur de la multiplication des échanges, le spécialiste américain du paiement tente d’intensifier le virage numérique des banques africaines.
La mise en place de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) en 2021 va accélérer la numérisation du secteur bancaire, anticipe Bola Asiru, responsable de l’Afrique subsaharienne chez Mastercard Advisors, la société de conseil du spécialiste du paiement.
Pour l’analyste, interrogé par The Africa Report/Jeune Afrique, l’accord montre en effet que l’Afrique ne veut ni d’une économie parallèle, ni des coûts qui vont de pair avec l’utilisation de l’argent liquide. « Pour maximiser la transparence, la priorité doit être donnée aux paiements numériques », ajoute-t-il.
Dans ce but, Mastercard Advisors est actuellement en pourparlers avec plusieurs banques pour mettre en place de nouvelles opérations numériques. « Les discussions sont en cours dans plusieurs pays », indique Bola Asiru, selon lequel un opérateur historique peut mettre en place une nouvelle banque numérique en seulement un an – un délai qui peut varier en fonction de sa culture d’entreprise, précise-t-il tout de même.
Contrer les télécoms
Mastercard Advisors a contribué à la création de « néobanques » – ou banques numériques – comme Nubank au Brésil, et Asiru est convaincu que l’expérience peut être reproduite sur le continent. « Nous pouvons créer des banques numériques à part entière », martèle-t-il.
Au Nigeria, le secteur bancaire est centenaire, mais le nombre d’utilisateurs de téléphones portables dépasse déjà celui des clients des banques.
« C’est un signe que la banque numérique par téléphone portable est la voie de l’avenir », souligne le dirigeant de Mastercard Advisors, basé à Lagos, où les opérateurs de téléphonie mobile MTN et Airtel n’ont toujours pas reçu les licences de banque mobile pour lesquelles ils ont fait une demande auprès des autorités nigérianes.
Les relations bancaires au-delà du service le plus basique ne peuvent être maintenues par le seul téléphone portable
Certains analystes affirment que ce retard est dû au lobbying des banques traditionnelles qui cherchent à protéger leur territoire contre une menace potentielle.
Outre cet aspect concurrentiel, les banques devront également répondre à l’épineuse question de la présence physique de leurs agents. Les relations bancaires au-delà du service le plus basique ne peuvent en effet être maintenues par le seul téléphone portable.
Selon une étude du groupe de travail sud-africain, Cenfri, réalisé au Kenya, les réseaux d’agents ont tendance à se concentrer dans un rayon de cinq kilomètres autour d’un point d’accès à l’argent liquide. Une inclination qui a même tendance à croître dans le pays d’Afrique de l’Est, où le marché de l’argent mobile est parvenu à maturité et où la part des agents se trouvant à moins de cinq kilomètres d’un point d’accès aux liquidités existant est passée de 75 % en 2009 à 83 % en 2015.
Incontournable réseau d’agents
Ce phénomène s’explique par le fait que les agents ont régulièrement besoin de liquidités pour gérer la demande inattendue des consommateurs en matière de services d’encaissement, explique Cenfri. De plus, les contraintes liées à l’argent liquide conduisent les agents à refuser des consommateurs et à limiter leur expansion dans les zones mal desservies.
« Les fournisseurs doivent étendre les réseaux en tenant compte de la disponibilité de l’argent liquide », affirme le think tank. Or, ce point physique nécessaire est jugé trop cher à fournir par les banques traditionnelles dans de nombreuses zones rurales.
Les commerçants locaux de confiance seront donc « essentiels » à l’expansion des réseaux d’agents, maintient Bola Asiru. « La maturité des infrastructures telles que les routes et la distribution d’électricité aidera les réseaux à se développer. Mais cela ne se fera pas du jour au lendemain », prévient-il.
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