[Chronique] Le top 10 des « fails » de 2020
En cette année sanitaire épuisante, les Africains se seraient bien passés de certaines scènes désastreuses largement relayées par les médias et les réseaux sociaux.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 31 décembre 2020 Lecture : 5 minutes.
Prestations mal inspirées, ridicule involontaire, provocations grossières, couacs mal camouflés, erreur de communication qui ont explosé à la figure de leurs auteurs… Sur le continent africain (aussi), les moments gênants n’ont pas manqué, au cours des douze derniers mois. Tentons un petit palmarès des « fails » les plus retentissants – par ordre décroissant –, avant de tenter de les oublier à jamais…
10 – L’enjaillement indécent de Funke Akindele
Début avril, en plein lock-out de Lagos qui proscrit notamment les rassemblements de plus de 25 personnes, l’actrice de la série nigériane Jenifa’s Diary (« Le journal de Jenifa ») ne viole pas seulement le confinement anti-Covid en organisant une réception d’envergure dans son manoir de la plus grande ville du pays. Elle réalise des captations de ladite fête qui ne manquent pas de fuiter dans des réseaux sociaux avides de bling-bling.
Funke Akindele sera arrêtée et conduite au département d’enquête criminelle de l’État, dans la banlieue de Yaba. D’autres stars identifiables sur les vidéos seront traquées, notamment les chanteurs JJC Skillz et Azeez Fashola…
9 – La punition virale « divine » d’Oppah Muchinguri
Le 14 mars, à Chinhoyi dans le nord du Zimbabwe, la ministre de la Défense d’Emmerson Mnangagwa affirme que « le coronavirus est l’œuvre de Dieu qui punit les pays qui ont imposé des sanctions » économiques à une centaine de personnes et d’entités juridiques zimbabwéennes, depuis une vingtaine d’années.
Vengeresse, la pandémie permettrait ainsi aux ressortissants des États-Unis et de l’Union européenne de « comprendre » la « douleur » des peuples africains méprisés. Et les rumeurs d’extrapoler, sur le continent, théorisant une « maladie de Blanc » et une afro-immunité qui corrigerait les injustices de l’Histoire…
8 – Les Africains cobayes involontaires d’un vaccin ?
Les habitants du continent doivent-ils être la chair à canon de la guerre anti-covid ? C’est ce que beaucoup comprennent, après avoir visionné un débat de la chaîne française LCI. Le 1er avril, les professeurs belge Camille Locht et français Jean-Paul Mira évoquent de possibles tests cliniques ciblés sur les Africains, afin de développer au plus vite des médicaments et des vaccins contre le virus.
Si les deux scientifiques tentent des justifications objectives, une polémique charrie immédiatement des présomptions de racisme qui nourrissent elles-mêmes l’hypothèse de tests sans l’accord des cobayes…
7- La papaye testée positive de John Magufuli
En mai, après avoir minimisé à maintes reprises la menace du coronavirus et qualifié de « jeu malsain » le processus de dépistage du laboratoire national de santé de Tanzanie, le chef de l’État déclare avoir piégé les laborantins en leur soumettant lui-même, sous des noms fallacieux, des échantillons prélevés sur des sujets non humains.
Il annonce qu’une papaye, une caille et une chèvre ont été déclarées positives à la COVID-19. Évoquant de possibles sabotages liés à de plausibles ingérences étrangères, Magufuli suspend le responsable des tests du laboratoire et annonce des enquêtes sur les kits.
6 – Le bannissement photographique de la militante Vanessa Nakate
Le 24 janvier, au forum de Davos, l’agence de presse américaine Associated Press photographie cinq jeunes activistes dont la suédoise Greta Thunberg. Sur le cliché publié dans la foulée, seuls figurent les quatre adolescentes blanches de peau. L’Ougandaise Vanessa Nakate et ses cheveux afro ont disparu sous l’effet du recadrage.
La manipulation est révélée et, après avoir « fondu en larmes », la militante « ignorée » décrypte le boycott de son image comme le signe du manque de « valeurs » que les médias internationaux portent au continent.
L’agence affirmera qu’il s’agissait d’un choix artistique induit par le vilain décor présent en arrière-plan de l’Ougandaise…
5- Le piratage du téléphone de Jeff Bezos par l’Arabie saoudite
Le mercredi 22 janvier, deux experts de l’ONU évoquent un « piratage présumé du téléphone » de Jeff Bezos, président-directeur général de la multinationale Amazon, propriétaire du Washington Post et homme le plus riche du monde, selon le classement Forbes 2020.
Coupables présumés ? Des sommités du pouvoir saoudien sur ordre du prince héritier Mohammed ben Salmane. Objectifs ? Une tentative de chantage sur fond de relation extraconjugale révélée au tabloïd américain National Enquirer. À la clef : un divorce à 38 milliards de dollars, pour le milliardaire, et une enquête diligentée par le Conseil des droits de l’Homme des Nations unies.
4- Les théories extraterrestres d’Elon Musk sur l’Egypte
En août, l’entrepreneur canado-américano-sud-africain Elon Musk, PDG du prestataire privé de fret et de tourisme spatiaux SpaceX, affirme qu’il est « évident » que « les extraterrestres ont construit les pyramides » d’Égypte, notamment celle de Khéops constituée d’environ deux millions de blocs de calcaire pesant chacun 2,5 tonnes, « plus grande structure bâtie par l’homme pendant 3800 ans ».
L’homme d’affaires, septième fortune du monde, avait déjà lancé que le pharaon Ramsès II était lui-même originaire d’une autre planète…
Rapidement, entre agacement et amusement, la ministre égyptienne du Tourisme invitera l’entrepreneur à visiter Gizeh.
3- Le barbecue de Iyad Ag Ghaly et ses jihadistes libérés
Retour des enfants prodigues : en octobre, au Mali, quelques jours après la libération des otages Soumaïla Cissé, Sophie Pétronin, Nicola Chiacchio et Pier Luigi Maccalli, le chef de guerre Iyad Ag Ghaly organise une réception gargantuesque pour près de 200 jihadistes récemment libérés par les autorités maliennes.
Des festivités qui deviennent rapidement virales, tant le jihad n’évoque guère la bombance et tant fait rage le débat sur les possibles négociations avec les terroristes qui endeuillent le Sahel.
2- Le couac diplomatique du compte Twitter de la présidence malienne
En rire ou en pleurer ? Le 6 janvier, l’ancien directeur de la cellule de la communication de la présidence du Mali, Tiégoum Boubèye Maiga, poste par erreur un tweet par trop trivial sur la page officielle de l’institution : « Il ne se trouve personne pour dire à Trump qu’il a commis une connerie ? (…) Il fait des USA un État voyou ».
Le frère de l’ancien secrétaire général Soumeylou Boubèye Maïga avait oublié de « rendre » les clefs de connexion du compte. Le ton du tweet –supprimé une heure après sa publication et quelques captures d’écran– était est si peu diplomatique que l’ambassade américaine au Mali fera comme si elle n’avait rien vu…
1- La bataille rangée à l’Assemblée nationale de RDC
Même si le pugilat législatif n’est pas exclusivement africain – les Ukrainiens, les Turcs ou les Japonais ne sont pas en reste –, des députés de République démocratique du Congo pro-Kabila et pro-Tshisekedi en sont venu aux mains à l’Assemblée, début décembre.
Il aura fallu suspendre une plénière pour violation des règles de conduite des fonctionnaires et agents publics de l’État, déployer des colonnes de police pour empêcher les militants d’investir les locaux du palais et exfiltrer la présidente d’alors. Et dans ce ce jeu de majorité à géométrie variable, Jeanine Mabunda sera destituée le 10 décembre…
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