En prélude à 2004

Publié le 13 octobre 2003 Lecture : 5 minutes.

J’ai rassemblé pour vous un faisceau d’observations et de citations qui jalonnent l’actualité de la semaine ; je vous les propose pour leur signification et leurs prolongements en 2004.
1. Dans son rapport annuel, Transparency International nous a donné, il y a deux jours, son classement 2003 (établi selon la perception qu’en ont les chefs d’entreprise qu’elle a interrogés) des pays où la corruption est presque absente – Finlande, Islande, Danemark, Nouvelle-Zélande et Singapour – et ceux où elle est un fléau national : Indonésie, Kenya, Angola, Azerbaïdjan, Cameroun, Géorgie, Tadjikistan, Paraguay, Birmanie, Haïti, Nigeria, Bangladesh (voir pages 36-37 l’analyse de Jean-Dominique Geslin).
Vous observerez, comme moi, que les pays les moins corrompus sont riches, développés (et petits) : ils ont vaincu les maux que nourrissent la pauvreté et le sous-développement, dont la corruption. À l’autre bout du classement, les États où ce fléau sévit avec le plus d’acuité sont presque tous en bas de l’échelle du développement.
Les riches ont appris à se passer (des formes courantes) de la corruption, tandis que les pauvres croient en avoir besoin, alors qu’elle retarde leur développement. Pour briser le cercle vicieux dans lequel ils sont enfermés, il faut que ces derniers se battent sur deux fronts en même temps : contre la pauvreté et contre la corruption.

2. L’acteur Arnold Schwarzenegger a été élu, mardi 7 octobre, « président » de la Californie, l’État le plus peuplé et le plus riche des États-Unis. La première puissance du monde aura ainsi à sa tête deux hommes, George W. Bush, président de la Fédération, et Arnold Schwarzenegger, gouverneur de l’État le plus important, connus tous deux pour ne pas être dominés par l’intellect.
Bush et « Schwarzie » concentrent même sur eux, aux États-Unis et dans le monde, les sarcasmes de ceux qui s’attendent à ce que, dans une démocratie, un chef d’État soit un homme politique expérimenté, intelligent et cultivé.
Pas un parvenu ni, a fortiori, un saltimbanque musclé.
Dès 2004, nous saurons à quoi conduit « l’exception américaine », dont un de mes amis, lui-même américain, dit avec humour : « Nous plaçons nos hommes politiques à la Maison Blanche avant qu’ils ne soient prêts et les retirons avant qu’ils ne soient mûrs… » (voir pages 20-21 l’article de Valérie Thorin).

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3. Tony Blair, le Premier ministre britannique, et José-María Aznar, son homologue espagnol, sont les soutiens inconditionnels de ce même George W. Bush. Ils pensent sans doute que « coller » au chef de la plus grande puissance du moment les aidera dans leur dessein politique.
Même si je crois qu’ils ne récolteront que des déboires, je reconnais qu’ils sont, eux, de vrais hommes politiques : il suffit de les entendre s’exprimer ou de lire leurs propos pour s’en persuader.
L’un et l’autre se sont prononcés dans la semaine sur des événements d’actualité. Lisez et appréciez :
. Blair (sur l’Irak) :
« C’est un pays qui a été dirigé pendant trente ans comme un État fasciste. 60 % de la population dépendaient de la distribution de nourriture. Pas une seule personne ne pouvait faire quoi que ce soit sans la permission de l’État. […]
« Va-t-on améliorer très sensiblement la situation en Irak ? Et pourra-t-on apporter des preuves que le pays fabriquait des armes de destruction massive ? C’est en fonction de cela que les gens porteront plus tard un jugement. […]
« Je crois fondamentalement que, si nous pouvons empêcher les dictateurs de rendre leurs peuples misérables, il faut le faire. Ça ne veut pas dire qu’on va envahir tous les pays dont les régimes ne nous plaisent pas. […] »
. (Sur l’Europe et les États-Unis) :
« L’Europe ne saisit pas bien à quel point le 11 septembre a transformé de manière indélébile la psychologie américaine. L’Amérique tient désormais pour des menaces réelles le terrorisme et les « États voyous » détenteurs d’armes de destruction massive. Je crois qu’elle a raison, car ils veulent détruire le monde occidental, et nous devons les affronter.
« Mais je dis constamment aux Américains : ce combat ne peut pas se limiter à la sécurité. Il faut reconnaître que cette situation ne vient pas de nulle part, elle résulte de problèmes qui doivent être résolus. »
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. Aznar (sur la Palestine) :
« Malheureusement, il n’y a pas de feuille de route, et il n’y a pas de route. Tout le monde a participé à la destruction de cette feuille de route. Il faut que nous la reconstituions le plus rapidement possible. […]
« Yasser Arafat est une réalité. On peut l’aimer ou ne pas l’aimer, et il a une part de responsabilité dans ce qui est arrivé, mais on ne peut pas faire comme s’il n’existait pas. » […]
. (Sur « l’art de partir à temps »)
« Une part de l’art de gouverner est de savoir quand on doit passer la main. L’Histoire est pleine de noms d’hommes qui n’ont pas su passer la main. Quand on est aux affaires, en général, on n’a pas envie de partir. Mais il y a un certain nombre de gens qui ont su le faire. C’est cela, le véritable art de gouverner : savoir quand on doit se retirer.
« Je suis convaincu que mon départ sera une très bonne chose pour mon parti et pour mon pays. »
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4. Comme pour lui faire écho, sur le même sujet, un autre Premier ministre, de vingt-cinq ans plus âgé, dit ceci (qui est passé inaperçu) :
« J’ai encore quatre ans devant moi. Je projette de les faire, d’aller jusqu’au bout de mon mandat et, peut-être, d’en faire un autre. »
Ce Premier ministre s’appelle Ariel Sharon, et sa « menace » de rester au pouvoir encore quatre ans ou plus est effrayante : que de morts, que de destructions en perspective !
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L’homologue arabe d’Ariel Sharon est Hosni Moubarak, président de l’Égypte depuis… vingt-deux ans révolus !
Il parle beaucoup et souvent, mais c’est pour dire… des choses pas très intelligentes, comme celle-ci :
« Nous ne voulons pas l’échec des Américains en Irak. Ce que nous voulons, c’est qu’ils réussissent à apporter au Moyen-Orient la paix et la stabilité !
« On peut parler aux Américains : ils écoutent souvent [sic]. »
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Je conclurai sur une interrogation fort pertinente d’un observateur politique londonien : « À ce stade de la guerre américaine contre le terrorisme, la question que se posent les meilleurs spécialistes est celle-ci : les États-Unis sont-ils en train de battre le terrorisme et de le réduire, ou bien les terroristes sont-ils en train d’attirer les Américains dans des combats qui finiront par les épuiser ?
« En envahissant et en occupant l’Irak, l’Amérique y a-t-elle attiré les terroristes pour les « fixer » comme des mouches sur du papier collant ? Ou bien est-ce l’inverse : une Amérique enlisée en Irak comme un homme qui s’est aventuré dans une flaque de goudron frais et s’y trouve englué jusqu’aux chevilles ? »
Là aussi, la réponse nous sera donnée en 2004.

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