« Désaddamisation » monétaire

À quelques jours de la conférence des donateurs, qui se tiendra à Madrid, l’Autorité provisoire de la coalition lance de nouveaux billets de banque.

Publié le 13 octobre 2003 Lecture : 2 minutes.

«Masa’a l-khaïr [bonsoir], je suis Paul Bremer, l’administrateur de l’Autorité provisoire de la coalition(*). Ma première priorité reste, comme toujours, la sécurité. Ma deuxième priorité est de relancer l’économie afin de créer de l’emploi pour vous. À cet égard, j’ai une annonce importante à faire. Au nom du peuple irakien, la coalition va imprimer et distribuer de nouveaux billets de banque pour tous les Irakiens. Les nouveaux billets seront disponibles à partir du 15 octobre 2003. Shoukran [merci]. »
Après l’enseignement – les livres scolaires ont été revus et corrigés par la coalition -, c’est donc au tour de la monnaie d’être désaddamisée. Les dinars à l’effigie de Saddam (émis depuis 1991) pourront être échangés – sans frais et à la parité (1 contre 1) – jusqu’au 15 janvier 2004. De piètre qualité, les dinars Saddam circulent partout, sauf dans le Kurdistan autonome, sous deux coupures seulement (250 et 10 000), ce qui les rend très difficiles à utiliser. La parité actuelle – 1 dollar US pour 1 500 dinars – sera maintenue. Un dinar plus ancien, qui remonte à 1941, circule dans le Kurdistan. Appelé « dinar suisse », il vaut 150 fois plus que le dinar Saddam. Considéré comme la monnaie officielle du pays par Bremer, il a servi de modèle de référence au nouveau dinar. « Nous n’avons pas créé une nouvelle monnaie pour l’Irak. Seul un gouvernement irakien souverain pourrait prendre cette décision. Nous nous sommes donc inspirés de l’ancien dinar officiel. Il n’y aura toutefois pas de confusion possible entre le « dinar suisse » et le nouveau, étant donné que leur couleur et leurs coupures différeront », explique Bremer.
L’émission d’un nouveau dinar tombe à point nommé puisque la « conférence des donateurs » se tiendra à Madrid, en Espagne, les 23 et 24 octobre. Paul Bremer et ses adjoints y présenteront le nouveau visage économique de l’Irak et appelleront les participants à verser leurs dons pour financer la reconstruction.
Approuvées par le Conseil de gouvernement provisoire, les nouvelles lois – dictées bien sûr par les Américains – sont ultralibérales : impôts sur le revenu et les bénéfices limités à 15 %, droits de douane entre 0 % et 5 %, investissements étrangers totalement libres dans l’agriculture, l’industrie, les banques et autres services – à l’exception notable de l’exploitation pétrolière. À Madrid, les Américains, soutenus par la Banque mondiale, vont proposer un programme de reconstruction civile de 56 milliards de dollars pour la période 2004-2007 : les États-Unis promettent 20,3 milliards, le Japon 1,5 milliard à 5 milliards, le Canada 200 millions, l’Union européenne 250 millions (hors contributions nationales). L’Irak ressemblera alors à une vaste zone de libre-échange, avec tout ce que cela comporte comme risques pour les opérateurs économiques nationaux, déjà affaiblis par vingt-cinq ans de guerre et d’embargo, et qui se trouveront désormais sans la moindre protection face à la concurrence étrangère. De quoi aiguiser l’appétit des « requins » de tous horizons…

* www.cpa-iraq.org

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