Diplomatie discrète

Publié le 13 octobre 2003 Lecture : 3 minutes.

Pour éteindre le brasier libérien, 250 Maliens ont été versés, le 1er octobre, dans le contingent de 3 500 hommes de la Mission des Nations unies pour le Liberia (Unmil). Ce n’est pas la première fois que l’armée malienne s’interpose pour la paix dans la sous-région. Elle l’avait déjà fait au Liberia, en 1990, puis en Sierra Leone, en 1999. Sous la bannière de l’ONU, elle a également pris part à de nombreuses opérations de pacification au Rwanda, en Angola, en Centrafrique, et même en Haïti.
Dans une Afrique de l’Ouest déchirée par des guerres fratricides, le président Amadou Toumani Touré (ATT) s’est fait fort, dès sa prise de fonctions, de bâtir une « diplomatie de la paix ». Ce qui ne pouvait surprendre d’un homme qui, après avoir remis le pouvoir en 1992, s’est attelé pendant dix ans à la médiation dans les conflits et à l’observation des processus électoraux. Le 3 décembre 2002, alors que la méfiance est à son comble entre Abidjan et Ouagadougou, ATT réussit à réunir à Bamako Laurent Gbagbo et Blaise Compaoré, « pour qu’ils se parlent entre frères ». Pour ne pas heurter les « doyens » qui se sont impliqués dans le règlement de la crise, il s’envole, une fois ses hôtes partis, rendre compte de l’entretien à Gnassingbé Eyadéma, alors président du groupe de contact de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour le dossier ivoirien, puis à Abdoulaye Wade, à l’époque son président en exercice.

Telle est la méthode ATT : une diplomatie ouverte, loin de toute « autoglorification » ou d’une quelconque recherche du succès individuel. Une action qui part d’un constat : le Mali compte par sa position de carrefour géographique et son aura de pays démocratique, mais n’a jamais beaucoup pesé économiquement ou politiquement dans la sous-région depuis son indépendance, en 1960. Conscient de ces limites, ATT a opté pour une action diplomatique volontariste. Ainsi, après avoir reçu Guillaume Soro, le leader du Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI), et Mohamed Ibn Chambas, le secrétaire exécutif de la Cedeao, le président malien débarque à Abidjan le 23 mai 2003 et rencontre son « grand frère Laurent Gbagbo » pour tenter de rapprocher les positions des deux bords.
En février 2003, alors que Monrovia est à feu et à sang, meurtri par les affrontements entre les combattants du Lurd (Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie) et les forces fidèles au président Charles Taylor, les autorités maliennes mènent une âpre action souterraine pour accueillir à Bamako des discussions entre les forces politiques libériennes. encore, la discrétion est la condition du succès. Autre exemple : sans effets d’annonce, Bamako a réussi là où d’autres ont échoué en obtenant, le 18 août, la libération des quatorze otages occidentaux détenus pendant cinq mois dans le Sahara et le désert malien par des islamistes algériens.

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Ce rôle de conciliateur n’est pas nouveau. Le Mali est, depuis des siècles, une terre de rencontre, de symbiose, de brassage des peuples et de fraternité. Vaste bande de terre qui s’étend d’est en ouest du Sahel, incrustée entre l’Afrique subsaharienne et le Maghreb, le Mali est un trait d’union. C’est l’épicentre de l’Empire mandingue qui a constitué, du XIIIe au XVe siècle, l’une des principales puissances politiques du continent. Englobant la plupart des États de l’actuelle Afrique de l’Ouest, le prestigieux empire médiéval fut un point de jonction, dont se réclament aujourd’hui les Bambaras du Sénégal et de l’actuel Mali, les Malinkés de Guinée, les Dioulas de Côte d’Ivoire, les Mandingos du Liberia et de Sierra Leone… Dans ses dimensions actuelles, le pays d’ATT ne peut, pour éviter que le feu n’atteigne sa case, que contribuer à éteindre les incendies qui embrasent celles de ses nombreux voisins. Le pays a des frontières communes, et donc des échanges humains, avec pas moins de sept États.
Enfin, le Mali met en oeuvre, depuis quelques mois, une intense « diplomatie économique ». Avec le Burkina, le Bénin et le Tchad, il a demandé à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le 10 juin, de stopper les subventions accordées par les pays riches à leurs producteurs cotonniers. L’échec des négociations de Cancún légitime davantage ce combat qui, comme celui pour le maintien de la paix, est vital pour les populations du Sahel.

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