Bantunani : « On est là pour danser, mais aussi pour penser »

Le 8 janvier prochain, Bantunani sort son 12ème album. Conçu lors du confinement, « Perspectives » s’impose comme un résumé de la vie et de la carrière de Michel Nzau Vuanda, et s’interroge : à quoi ressemblera le monde d’après ?

Bantunani, alias Michel Nzau Vuanda. © DR

Bantunani, alias Michel Nzau Vuanda. © DR

Publié le 2 janvier 2021 Lecture : 3 minutes.

« Oh baby, baby, I love you ». À l’autre bout du fil, Bantunani, alias Michel Nzau Vuanda, se met soudainement à fredonner, au milieu de la conversation. Avant de s’arrêter net : « vous voyez bien que ça n’a aucun sens de chanter ça aujourd’hui ! » Et c’est justement tout le sujet de son dernier album, Perspectives, qui sortira le 8 janvier.

L’homme approche doucement de la cinquantaine et a des choses importantes à dire, avec cette nouvelle partition, qu’il voit comme le point culminant de sa carrière. « Ok, on est là pour danser. Mais peut-être qu’on peut aussi penser ? », prévient le compositeur.

Je voulais un album qui parle des enjeux et des urgences de l’Afrique d’aujourd’hui

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Le musicien congolais a 18 ans de musique et 80 chansons à son actif. Mais s’il lui fallait ne retenir qu’un album, un morceau, une œuvre, ce serait Perspectives, il en est sûr. Ce dernier est le fruit d’un long cheminement mené ces derniers mois et qui, selon ses mots, lui a permis de se réinventer. Alors qu’il est confiné, Bantunani profite de l’occasion pour s’échapper (symboliquement) en musique. « Je veux que ma musique ait du sens. Je voulais un album qui parle des enjeux et des urgences de l’Afrique d’aujourd’hui », confie-t-il.

L’un de ces enjeux est la culture, paralysée par la crise sur le continent. Le sort des musiciens de son Congo natal l’inquiète. « À Kinshasa, les artistes ne bénéficient pas d’une industrie musicale. Ils vivent de représentations à l’église le dimanche, et celles-ci ont été arrêtées. On vit au jour le jour. »

Pour le dandy congolais, le premier confinement à Kinshasa fut un choc. Lors du second, il se trouvait au Maroc, à Casablanca. Lors de ces derniers mois ternis par le Covid-19, l’artiste dit s’être interrogé sur les rôles de l’art et de la culture pour aider les Africains à s’émanciper.

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Un album sans frontières

Qu’en est-il de son futur à lui, s’en préoccupe-t-il ? Il interrompt immédiatement. Bien sûr qu’il aimerait remonter sur scène, bien sûr que le public lui manque. « Mais pour l’instant, on ne peut pas, répond-il avec aplomb. Il faut arrêter avec ce « moi je-isme » et voir un peu plus grand. Le monde vit quelque chose de terrible. Avec le Covid, l’Occident a découvert la mort. En Afrique, la mort est partout, depuis toujours. Nous savons que nous sommes sujets aux variations de la nature. »

Il faut de la culture, de la musique et de l’art qui disent des choses. »

À l’image de son introspection confinée, l’album pose des questions, et y répond chanson après chanson. « Dernièrement, je me suis demandé beaucoup de choses : qui suis-je, en tant qu’enfant immigré en France ? Que me reste-t-il de la culture bantou et de ce Congo qui me paraît dévasté ? Qu’est-ce que l’artiste que je suis veut dire à la jeunesse congolaise qui étouffe ? »

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La synthèse se dévoile au fil de l’opus. Une partie des réponses s’écoute dans les paroles de Rising Song, qui évoque le soulèvement d’un peuple en souffrance. Michel Nzau Vuanda le martèle, « il n’y aura pas de prophète pour sauver l’Afrique. Pour que les gens se réveillent, il faut de la culture, de la musique et de l’art qui disent des choses ».

Ambition

Pour lui, c’est dans cet interstice que l’artiste a un rôle à jouer. Il doit ouvrir grand la porte sur ce que pourrait être l’après, dévoiler un horizon. Au fil des titres sur fond d’afrofunk, de groove et des Gnaouas du Maroc, il imagine cet après qu’il espère sans frontière.

Je veux que des femmes dirigent. Nos hommes ne sont pas à la hauteur

« Tout l’album reflète mon ambition : nous devons garder le rêve de passer de la rumba congolaise à une rave berlinoise. Garder ce rêve d’un monde libre où l’on se déplace ». Si la plupart des citoyens du monde n’ont pas franchi la moindre frontière en 2020, lui a conçu cet opus entre ses deux villes de cœur, Kinshasa et Casablanca, en travaillant avec des musiciens locaux. Il y a ajouté un peu de France aussi, le pays où il a grandi.

Voyage dans l’espace et voyage incessant dans le temps, le confinement et l’album de Bantunani ont été mouvementés. Dans Perspectives, on découvre le titre So Many Years, qui revient sur ce don qui a été fait aux hommes : la terre. Qu’en ont-ils fait ? Esclavage, guerres, violences… résume-t-il.

Pour l’avenir, il a un vœu à faire, formulé dans Another Place. « Je veux que des femmes dirigent. Nos hommes ne sont pas à la hauteur des défis qui attendent le monde, l’histoire nous le prouve. Il est temps de dire adieu à la virilité et de laisser leur place aux femmes. »

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