Conte de la folie meurtrière

Avec « Cousine K », Yasmina Khadra explore les sombres méandres de la tragédie humaine. En cent pages épurées.

Publié le 13 octobre 2003 Lecture : 2 minutes.

Douar Yatim et ses « jours tragiques de nullité ». Une riche veuve qui, dans son manoir, joue les châtelaines et n’a d’yeux que pour son fils aîné. Une enfant fascinante d’espièglerie, Cousine K. Le père retrouvé pendu – dans la grange, nu, les yeux crevés et le sexe dans la bouche -, un chat qui disparaît : autant de signes qui montrent que, comme le confie le narrateur, « tout était écrit ».
Le narrateur ? Il n’a ni nom ni visage. Il est l’enfant délaissé dont la mère se détourne, dont la Cousine K se moque, puis le jeune homme solitaire, enfermé dans sa haine, muré dans le silence, qui n’intéresse personne et pourtant n’aspire qu’à une chose, toute simple en apparence : exister. Parce qu’on lui dénie ce droit, il accomplira un geste fatal et avouera d’autres crimes. On ne tue bien que ce qu’on aime : l’une des victimes est, justement, Cousine K, l’objet de son adoration.
Cent pages sobres et denses ont suffi à Yasmina Khadra pour démonter les mécanismes de la tragédie humaine, pour raconter comment, avec les meilleures intentions du monde, on peut basculer dans la folie meurtrière et ne trouver de justification à sa vie qu’en donnant la mort. Drame intime, écrit à la première personne, Cousine K évoque la destinée d’un homme qui pourrait ne pas être né en Algérie. Mais comment ne pas voir dans les actes de barbarie commis sur cette terre les racines d’un même mal ?
L’auteur sait hélas ! de quoi il parle. Mohammed Moulessehoul, alias Yasmina Khadra (ancien officier de l’armée algérienne, il a révélé sa véritable identité en janvier 2001), a vécu dans ce pays en guerre. Il a combattu les Groupes islamiques armés, soutenu la vue de leurs abominables massacres, senti la corruption des âmes gagner du terrain.
Après la célèbre trilogie policière Morituri, Double Blanc, L’Automne des chimères, puis Les Anneaux du Seigneur et À quoi rêvent les loups, Khadra avait choisi, avec Les Hirondelles de Kaboul, de poursuivre son exploration de la part sombre de l’âme humaine dans l’Afghanistan de l’ère talibane. Son Cousine K est d’une veine bien supérieure. Épuré dans son style (si l’on excepte trois pages d’introduction, inutiles) et simplifié dans son intrigue, il a l’évidence des chefs-d’oeuvre.

Cousine K, de Yasmina Khadra, éd. Julliard, 106 pp., 14 euros.

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