Azali : « Je ne suis qu’un sapeur-pompier »

Confronté à une grave crise institutionnelle, le chef de l’État estime néanmoins ne pas avoir à rougir de son action : n’est-il pas parvenu, vaille que vaille, à remettre son pays sur les rails ?

Publié le 13 octobre 2003 Lecture : 4 minutes.

Le président Azali Assoumani a beau s’en plaindre, rien n’y fait. Pour les médias étrangers, la vie politique comorienne se résume à une succession de putschs plus ou moins réussis. La dernière tentative en date (la trentième depuis l’indépendance, en 1975) remonterait à la fin du mois de septembre. Dans un communiqué publié le 25 de ce mois, le gouvernement a en effet dénoncé « une opération de déstabilisation conçue par un groupe d’aventuriers étrangers et nationaux, dont l’avocat Saïd Larifou ». Depuis, ledit Larifou et ses complices présumés sont sous les verrous. Et le microcosme franco-comorien bruit de mille rumeurs. Quant au chef de l’État, il se félicite de la gestion de la crise : « La tentative a été déjouée et c’est le plus important », a-t-il confié à Jeune Afrique/l’intelligent lors de son passage à Paris, le 6 octobre. L’affaire relève désormais de la justice. Une ordonnance d’inculpation a été délivrée, les prévenus ont fait appel, et je suis persuadé que les droits de la défense seront garantis. »
Reste que ces soubresauts politiques tombent plutôt mal, au moment où les Comores négocient un programme d’assistance financière avec le Fonds monétaire international (FMI). Fin septembre, le président Azali Assoumani a donc profité de sa présence aux États-Unis, où il a participé à l’Assemblée générale des Nations unies, pour plaider sa cause devant les institutions de Bretton Woods, à Washington. « Ces événements jettent le discrédit sur notre pays et nuisent à notre image », reconnaît-il. En fait, c’est surtout la crise institutionnelle qui alimente depuis de longs mois la défiance des bailleurs de fonds.
Le 17 février 2001, la classe politique avait pourtant paraphé un accord-cadre censé faciliter la réconciliation nationale. Le 23 décembre suivant, celui-ci avait débouché sur l’adoption d’une nouvelle Constitution instaurant l’Union des Comores et octroyant des pouvoirs élargis aux îles qui la composent : Anjouan, Mohéli et la Grande-Comore. Le 14 avril 2002, Azali Assou- mani, candidat sortant, a été reconduit à la présidence de l’Union dans un climat électoral délétère. Depuis, la mise en place des nouvelles institutions s’est poursuivie cahin-caha. Elle a fait apparaître des oppositions de plus en plus flagrantes entre les exécutifs des trois îles et le pouvoir central.
En février dernier, la formation du nouveau gouvernement de l’Union a provoqué une inquiétante poussée de fièvre. Regrettant de n’avoir pas été associé à sa formation, l’exécutif d’Anjouan a ressenti ce remaniement comme une « humiliation ». De son côté, Abdou Soulé Elbak, le président de l’île autonome de la Grande-Comore, n’a pas hésité à « encourager » un éventuel soulèvement militaire contre la « tyrannie » du chef de l’État, qu’il accuse de ne pas respecter les « engagements » pris avec le FMI concernant la répartition des recettes financières entre l’Union et les îles.
Ce conflit de compétence s’est prolongé sur le terrain parlementaire, bloquant l’élection des assemblées insulaires. Le scrutin, qui devait avoir lieu en octobre 2002, a déjà été retardé d’un an et ne pourra certainement pas se tenir avant 2004. Alors que le président Azali compte s’appuyer sur ce vote pour définir une fois pour toutes les prérogatives des uns et des autres, ses adversaires réclament des négociations préalables.
La communauté internationale commence à manifester certains signes de lassitude. Après l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), qui a soutenu à bout de bras le dialogue intercomorien, l’Union africaine est à son tour montée au créneau pour favoriser l’ouverture de négociations entre les autorités insulaires et fédérales. Le 16 août, un accord a été esquissé, à Pretoria, sur « la distribution des revenus douaniers, les arrangements de sécurité et les budgets 2003 et 2004 ». Les médiateurs comptent maintenant sur la dynamique enclenchée en Afrique du Sud pour faire aboutir le dossier des législatives.
Pour sa part, le chef de l’État regrette les atermoiements de ses compatriotes autant que la frilosité des partenaires extérieurs. « Certains bailleurs de fonds, comme l’Union européenne, nous demandent toujours plus. Et je ne comprends pas ce qui pousse les institutions internationales à se montrer plus exigeantes avec nous qu’avec d’autres. On ne peut quand même pas négliger ce qui a été fait ! Nous avons rétabli la liberté de circulation des personnes et des biens dans l’archipel, l’inflation est sous contrôle, et notre croissance économique devrait atteindre 3,5 % cette année. Il ne reste plus qu’à parachever ce processus en organisant les législatives. »
L’édifice institutionnel restant aujourd’hui fort bancal, Azali peut considérer que l’Histoire lui a donné raison. En février 2002, alors qu’il venait de démissionner de la présidence de la République pour pouvoir être de nouveau candidat, cet officier supérieur (il a été formé à l’Académie royale du Maroc) davantage versé dans la lecture des cartes d’état-major que dans le droit constitutionnel soulignait déjà les imperfections du nouveau Texte fondamental, qu’il jugeait « nécessaire, mais pas idéal ».
Dix-huit mois plus tard, il tente vaille que vaille de respecter une feuille de route qu’il savait faussée d’avance. Dans le meilleur des cas, la normalisation de la vie politique comorienne ne devrait pas intervenir avant l’an prochain. Ce qui signifie qu’Azali, qui sera à mi-mandat en 2004, n’aura dirigé le pays que d’une manière « transitoire ». « Cela ne me dérange pas d’avoir eu à essuyer les plâtres, commente-t-il. Je me considère comme un sapeur-pompier. Il m’incombe de faire en sorte que celui qui viendra après moi trouve une situation saine. Ayant moi-même créé cette situation, je me dois de la conduire à son terme. De toute façon, la Constitution m’empêche de briguer une nouvelle fois la présidence… »
L’intéressé n’imagine pas pour autant prendre sa retraite à 47 ans, âge qu’il atteindra à la fin de son mandat, en 2006. Ni même réintégrer une caserne, « ce qui ne serait souhaitable ni pour mon successeur ni pour ma propre sécurité ». C’est donc dans le civil qu’il compte se reconvertir, même si, avoue-t-il, il n’a pas encore vraiment réfléchi à son avenir. Quoi qu’il advienne, ce colonel devenu président sera encore largement assez jeune pour entreprendre une troisième carrière.

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