Arnold Schwarzenegger

Même s’il n’incarne pas l’orthodoxie républicaine, le nouveau gouverneur de la Californie pourrait être l’un des atouts majeurs de Bush à la présidentielle de 2004.

Publié le 13 octobre 2003 Lecture : 5 minutes.

Gouverneur de Californie ! Arnold Schwarzenegger, l’acteur hollywoodien bodybuildé, plus connu pour ses rôles d’exécuteur impitoyable que pour la pertinence de ses idées politiques, prend la tête de l’État le plus puissant de l’union. Ce n’est pas le scénario d’un film de science-fiction ni d’une comédie, mais bien la réalité. Près de 50 % des électeurs ont choisi le héros de Terminator en lieu et place du gouverneur sortant Gray Davis, qui faisait l’objet d’une procédure de recall, c’est-à-dire une proposition de destitution et de remplacement. Il a balayé d’un haussement d’épaule – et de quelques excuses candidement murmurées – les accusations de harcèlement sexuel surgies à la fin de sa campagne électorale. 13,4 millions de dollars dont 6,5 millions en provenance de sa cagnotte personnelle – récoltés en grande partie auprès des entreprises californiennes du secteur de la haute technologie, de l’immobilier et du spectacle ont donc été fructueusement investis dans des meetings très médiatisées et quelques émissions de télé. Tout le monde attend maintenant un retour sur investissement.

On ne peut que penser à un autre comédien, Ronald Reagan, vainqueur à ces mêmes élections en 1966 et qui a ensuite connu le destin que l’on sait. « Gouvernator » lui emboîtera-t-il le pas ? Non, l’article II section 1 de la Constitution stipule clairement que nul ne peut être président des États-Unis s’il n’est pas né citoyen américain. Or Schwarzie a vu le jour à Graz, en Autriche, le 30 juillet 1947, et a été naturalisé vingt ans plus tard. Ce n’est pas non plus un homme rompu à la politique, comme l’était Reagan lors de son accession au gouvernorat.
Ce qui plaît, chez lui, c’est qu’il symbolise le rêve américain. Débarqué à l’âge de 20 ans, sans un sou en poche ou presque, il s’est bâti une fortune en dix ans grâce à ce qu’il savait faire le mieux : la musculation. Adepte forcené de la performance physique, il va être cinq fois élu Monsieur Univers et sept fois Monsieur Olympe dans les championnats du monde de culturisme. Comme il a bien retenu les leçons de prévoyance dispensées par son père, Gustav Schwarzenegger, qui ne lésinait pas, au besoin, sur les coups de ceinturon pour mieux se faire comprendre, il suit des cours par correspondance jusqu’à décrocher un petit diplôme d’économie et d’administration dans les universités du Wisconsin et de Californie. C’est donc en gestionnaire avisé qu’il poursuit sa carrière de monsieur Muscle, achète plusieurs salles de sport et publie quatre manuels de culture physique, tous best-sellers aux États-Unis et au Canada.

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En Californie, des dollars, une belle gueule et un corps d’athlète ouvrent de nombreuses portes, notamment celles des studios d’Hollywood. Objectif : les films d’action, pour lesquels son accent germanique à couper au couteau n’est pas un handicap. Après quelques navets de série Z, tournés sous le pseudonyme d’Arnold Strong, Schwarzie fait une bonne pioche avec le film Stay Hungry de Bob Rafelson, qui lui rapporte le Golden Globe du meilleur débutant, en 1976. Reçu, à force de persévérance, dans la jet-set, chouchouté par les starlettes du show-biz, le jeune acteur a l’intelligence de valoriser ses acquis en courtisant Maria Shriver, la nièce de John F. Kennedy. Il l’épousera au bout de neuf ans, en 1986, alors qu’elle est devenue une journaliste vedette de CBS et que lui-même voit les millions couler à flots sur son compte en banque, après le tournage des deux Conan le Barbare et du premier Terminator.
Est-ce la fréquentation, famille oblige, du clan démocrate des Kennedy qui pousse Schwarzie à s’intéresser à la politique ? Il est pourtant « le vilain petit canard », puisque, fidèle aux idées acquises dès ses débuts en Amérique, il est républicain. D’ailleurs, il soutiendra la candidature de George H. Bush en 1988. Il est, en réalité, pétri de contradictions, impossible à caser dans un parti. Il se dit favorable à l’avortement, aux droits des homosexuels et à la limitation des armes à feu, des idées plutôt démocrates, mais hostile à l’augmentation des taxes et partisan de la baisse des impôts, deux credo républicains. Lorsqu’il se décide à être candidat, le 6 août dernier, il recrute, dans son équipe de conseillers économiques, l’homme d’affaires démocrate Warren Buffett. Mais l’alliance fait long feu. Le « gourou des épargnants » s’était mis en tête d’augmenter la taxe foncière…

Ce manque d’orthodoxie est probablement la raison pour laquelle la Maison Blanche a toujours gardé ses distances. Les vrais idéaux conservateurs ont été défendus par le sénateur républicain Tom McClintock, qui a recueilli 14 % des voix. Maria Shriver, par loyauté, a soutenu son époux, même si ce n’est apparemment pas elle qui a poussé Schwarzie à s’engager dans la compétition. D’aucuns y voient plutôt la patte du conseiller politique de George Bush, Karl Rove, à l’affût du moindre avantage pour paver la voie de son patron, dont la réélection en 2004 s’annonce délicate.

Il est vrai qu’Arnold Schwarzenegger est une icône, sa figure étant indissolublement liée au robot Terminator, qui sauve in fine la race humaine. Fine mouche, il s’est soucié, il y a une dizaine d’années, de vérifier que sa réputation serait à jamais inattaquable, sur certains plans. Il a demandé au Centre Simon-Wiesenthal de Los Angeles d’enquêter sur les activités de son père en Autriche dans les années 1930 et 1940. Il a découvert que celui-ci est entré au parti nazi en 1938, au moment de l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne d’Hitler, et qu’il a fait partie des milices SA, mais rien n’indique qu’il se soit rendu coupable de crimes de guerre. En 1945, ce père a été intégré dans la police, un cursus somme toute banal pour un homme de sa génération, dans cette région du monde. Par calcul ou par conviction, Arnold sera ensuite toujours généreux envers les causes des Juifs et le soutien à Israël.
Physiquement séduisant, respirant la santé tant morale que financière, il offre donc une image positive, rassurante. Tout porte à croire qu’il a été élu sur cette base, futile et subjective, et non sur un programme politique. Sur ce plan-là, il est resté très vague, se contentant de répéter qu’il va « faire le ménage à Sacramento », la capitale de l’État. La formule n’a pas résisté aux questions techniques, comme celles posées par les membres de la Chambre de commerce de Californie, début septembre. « On ne parle que de détails, détails, détails », s’est-t-il exclamé avec colère, coupant court à tout débat embarrassant. Car on lui demandait de préciser son plan pour réduire le déficit budgétaire, lequel s’élève quand même à 38 milliards de dollars, l’équivalent du budget total de l’État de New York, sans augmenter impôts ni taxes.
Maintenant que les jeux sont faits et les caméras rangées, le gouverneur Arnold Schwarzenegger se retrouve au pied du mur. Pour commencer, il lui faudra s’entendre avec un Congrès californien à majorité démocrate et un vice-gouverneur, son adversaire battu Cruz Bustamante, également démocrate. Dans son nouveau rôle, Schwarzie ne pourra se contenter de jouer des muscles.

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