Qui pour contrer Sarkozy ?

Entre Jacques Chirac et son ministre, l’heure semble à l’apaisement. Mais déjà, dans le camp présidentiel, on s’interroge sur la personnalité la mieux indiquée pour faire barrage, depuis Matignon, à un ambitieux rival.

Publié le 13 septembre 2004 Lecture : 5 minutes.

En apparence, le long feuilleton de la rivalité Chirac-Sarkozy est terminé. Pendant plusieurs mois, l’affaire a exaspéré Chirac, positionné Sarkozy, fragilisé Raffarin, le Premier ministre, et ravi l’opposition. Au risque, si elle se prolongeait, d’aboutir à une crise de régime. Car jamais, sous la Ve République, une situation analogue – l’opposition féroce et publique entre le président et son ministre le plus populaire – ne s’était encore produite. Pour la droite française, le cessez-le-feu était nécessaire. Mais l’armistice ne signifie pas la fin du combat. Au contraire. Et, déjà, dans le camp chiraquien, une question est ouvertement posée : qui, maintenant, va contrer « Sarko » ?
Celui-ci a réussi son pari en grande partie. Il sera le président du plus important mouvement de la droite, l’UMP (Union pour un mouvement populaire). Sa conquête a finalement été adoubée par l’Élysée puisque le président de la République a fait savoir qu’il « soutenait » la démarche de son ministre de l’Économie. Mieux encore : si Sarkozy abandonne ses fonctions au gouvernement, comme l’a ordonné Chirac, il ne le fera, au plus tôt, que vers la fin novembre. C’est-à-dire après avoir présenté le budget de la France à l’Assemblée nationale. Ce qui sera pour lui l’occasion de proposer quelques mesures libérales et populaires, comme la diminution des droits de succession, et de laisser une empreinte forte dans l’esprit des Français. Auréolé de ses succès comme ministre de l’Intérieur puis comme responsable de l’Économie, il rénovera ensuite le parti, décidé à accroître le nombre d’adhésions, tout en restant résolu à faire entendre sa « différence » et à développer ce qui apparaîtra de plus en plus comme le projet d’un candidat à l’élection présidentielle de 2007.
L’Élysée se console de ce triomphe attendu et de son incapacité à barrer la route à l’ambitieux ministre en insistant sur la différence de stature entre un membre du gouvernement et un chef de parti. Le premier est en permanence sous le feu des médias et bénéficie, de par sa fonction, de l’attention générale. Tandis qu’un chef de parti, pour exister, doit se démarquer vigoureusement du gouvernement, attitude délicate pour Sarkozy, sauf à irriter ses propres militants. Voilà pour l’espérance. Reste le concret, c’est-à-dire les hommes. Sur ce plan, Chirac a, au moins, trois fers au feu.
Le premier reste le chef du gouvernement. Depuis des mois, Raffarin est considéré en sursis par la classe politique et médiatique. Celle-ci n’en finit pas d’annoncer son débarquement. Il n’empêche. L’homme dure, et il est même le chef de gouvernement resté le plus longtemps en fonction depuis 1981. Chirac considère toujours qu’il n’a pas démérité et lui sait gré de sa loyauté. Il espère que l’embellie économique, une fois confirmée, conduira le Premier ministre à retrouver une popularité. D’autant que le départ de Sarkozy devrait lui permettre de manifester davantage son autorité sur son équipe. Bref, pour Chirac, le « fusible » Raffarin peut encore servir.
Que ces espoirs ne se réalisent pas et, dans l’esprit des conseillers du chef de l’État, deux personnalités se dégagent pour lui succéder. Bien d’autres aspirent à la fonction, comme l’actuel président de l’Assemblée nationale, Jean-Louis Debré, qui pourrait plutôt prendre, un jour, le ministère de la Défense, ou Philippe Douste-Blazy, donné par certains comme un possible remplaçant de Sarkozy. Ces deux personnages sont un homme et une femme. L’homme, Dominique de Villepin, est le responsable actuel du ministère de l’Intérieur. Très populaire, découvert par l’opinion lors de la guerre en Irak et de la crise avec les États-Unis où il occupait le Quai d’Orsay, ce fils spirituel de Chirac est toujours aussi présent à l’Élysée. Aujourd’hui, il a autant la confiance du président que lorsqu’il travaillait à ses côtés. Son côté flamboyant, son charisme, son sens de la formule le désignent pour répondre brillamment, si besoin est, aux assauts d’un Sarkozy. Sans doute est-ce entre ces deux hommes que se jouera le duel de l’opinion publique puisqu’il va s’agir de convaincre les Français du bien-fondé des thèses de chaque camp, le chiraquien et le sarkozien. Ce n’est pas pour autant que, contrairement aux rumeurs, Dominique de Villepin soit déjà choisi pour Matignon. L’homme n’est pas élu, a peu de goût pour la politique politicienne – qu’il méprise – , connaît mal les manoeuvres de parti et les aspirations des élus de base. De plus, pour le moment, il n’a pas rencontré au ministère de l’Intérieur le triomphe qu’il a connu aux Affaires étrangères. Enfin – fait non négligeable -, lui qui a du style et du talent aspire parallèlement à une carrière littéraire. Il vient de publier un nouveau livre, Le Requin et la Mouette, où il explique sa vision du monde. Il n’entend pas en rester là. Un tel souci est difficilement compatible avec la vie harassante d’un Premier ministre.
Aussi, en coulisses, parle-t-on d’une femme, Michèle Alliot-Marie. Il y a quelques mois, des confidences annonçaient la faveur dont jouissait la ministre de la Défense. Ces dernières semaines, les bruits se font à nouveau insistants. Il est vrai qu’à un poste difficile – les armées – elle a impressionné. Très travailleuse, soucieuse de connaître tous ses dossiers, elle s’est fait respecter, et aimer, par les militaires qui, lors de sa nomination, ne cachaient pourtant pas leur scepticisme. Raffarin, lui, dit volontiers son admiration pour elle, et Chirac, qui aime travailler avec des femmes, apprécie sa fidélité et son efficacité. Alliot-Marie, qui, par sa nouvelle fonction, a su se faire connaître à l’étranger et nourrir des contacts, a également du caractère. Lors du dernier remaniement, elle a refusé le poste de ministre des Affaires étrangères, considérant que sa mission à la Défense n’était pas achevée. Avec l’appui présidentiel, elle a su résister à Sarkozy, qui voulait lui rogner son budget. Et il lui est déjà arrivé plusieurs fois, en Conseil des ministres, de prendre la parole après une intervention de Michel Barnier pour préciser – sinon contester – des points présentés par le locataire du Quai d’Orsay. Gaulliste et chiraquienne de tout temps, elle est aussi appréciée des militants du parti, dont elle a présidé un temps les destinées. Certains, pourtant, se demandent si elle a les épaules assez larges pour devenir Premier ministre. Ils redoutent de renouveler l’expérience calamiteuse d’Édith Cresson, nommée à ce poste par François Mitterrand. C’est que, pour contrer « l’effet Sarko », il ne faut plus se tromper.

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